Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Poitiers a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner l'Etat, à titre principal, à lui verser la somme globale de 122 976 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle a été victime ou, à titre subsidiaire, à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des dysfonctionnements graves et comportements fautifs commis dans le déroulement de sa carrière.
Par un jugement n° 1902218 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 décembre 2020 et 23 avril 2021, Mme D..., représentée par Me Hocquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2019 du recteur de l'académie de Poitiers ;
3°) de condamner l'Etat, à titre principal, à lui verser la somme globale de 130 832 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime ou, à titre subsidiaire, à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes commises dans la gestion de sa carrière ;
4°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Poitiers de lui accorder la protection fonctionnelle dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral de la part du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) des Deux-Sèvres, en particulier à partir de 2018, après sa participation à une émission radiophonique ; elle a signalé les difficultés rencontrées, dès 2018, auprès d'une organisation syndicale et du médecin de prévention ; le DASEN l'a convoquée le 15 mars 2018 pour lui demander de se justifier sur une décision relative à l'accompagnement de sorties scolaires par des mères voilées, lui faisant endosser une décision qui était pourtant la sienne, sans même lui communiquer le courrier de l'organisation syndicale qui l'aurait mise en cause ; il ressort du rapport de l'inspection générale et du certificat établi le jour même par son médecin traitant qu'elle s'est vue reprocher sa position lors de cette convocation ; elle a ensuite été convoquée le 4 juillet 2018 à un entretien relatif, d'une part, à sa gestion de difficultés rencontrée dans une école dont la directrice était mise en cause par des parents d'élèves, d'autre part, sur le prétendu harcèlement commis à l'encontre d'une enseignante à laquelle elle avait reproché une attitude inappropriée à l'encontre d'un élève précoce ; elle a été évincée, en novembre et décembre 2018 et janvier 2019, de dossiers relatifs à une professeure des écoles en difficulté, à un conflit entre une famille et le personnel d'une école de sa circonscription et à un harcèlement entre élèves ; de telles missions relevaient de sa circonspection, de sorte que son éviction s'assimile à une remise en cause ; elle a aussi été évincée, en janvier 2019, de la réflexion sur la carte scolaire de sa circonscription ; le DASEN a provoqué une inspection sur sa manière de servir par l'Inspection générale de l'éducation nationale ; le pré-rapport ne lui a été remis que le 22 mai 2019, lui laissant seulement 15 jours pour présenter des observations, et elle s'est trouvée accusée de harcèlement alors qu'elle en était victime, sur la base de quelques compte-rendus d'entretiens menés par l'inspectrice de l'éducation nationale adjointe à l'inspecteur d'académie des Deux-Sèvres, en poste depuis seulement un mois ; ces compte rendus ne constituent pas des témoignages probants, et le rapport d'inspection n'a pas été suivi d'une procédure disciplinaire ; le DASEN a mis en scène sa disparition du service dès avril 2019 ; son nom a disparu de l'annuaire de l'institution dès le 1er avril 2019, son remplacement a été annoncé le 4 avril suivant, son bureau a été déménagé le 6 avril, et le DASEN a fait refaire plusieurs inspections qu'elle avait réalisées depuis octobre 2018 ; elle a été convoquée le 29 avril 2019 au rectorat pour remise d'un arrêté de suspension et placée depuis ce jour en arrêt de travail ; le rectorat a ensuite refusé de manière injustifiée, et sans saisir la commission de réforme, de qualifier cet incident d'accident de service ; ce refus s'intègre dans une stratégie de harcèlement moral ;
- ces agissements ont eu de graves répercussions sur sa santé, ayant justifié son placement continu en arrêt de travail depuis le 29 avril 2019 ; elle produit de nombreux éléments médicaux attestant du lien entre les agissements subis et son état de santé ;
- elle a continué à subir des agissements constitutifs de harcèlement moral après la saisine du tribunal ; elle a été contrainte d'intenter des actions contentieuses pour obtenir un congé d'invalidité temporaire imputable au service, finalement reconnu par une décision du 10 mars 2020 après l'édiction de nombreuses décisions contradictoires, dont l'édiction a aggravé son état de santé ; elle a été récemment informée de ce que son emploi serait déclaré vacant, de sorte qu'elle allait perdre une partie de ses primes, alors pourtant que le placement en CITIS doit entrainer le maintien intégral de la rémunération ;
- le DASEN des Deux-Sèvres a finalement été suspendu de ses fonctions, et il a été mis fin à ses fonctions par un décret du ministre de l'éducation nationale du 14 mars 2020 ;
- compte-tenu du harcèlement moral dont elle a été victime, sa demande de protection fonctionnelle, et en particulier d'assistance juridique, devait être accueillie ;
- elle a subi, du fait de ce harcèlement moral, un préjudice moral qui doit être évalué à 50 000 euros, un déficit fonctionnel temporaire qui peut être estimé à 10 832 euros, à parfaire, une perte de gains professionnels actuels et futurs évaluée à 40 000 euros et un préjudice d'incidence professionnelle qui doit être estimé à 30 000 euros ;
- les graves dysfonctionnements dans la gestion de sa carrière, en particulier la brutale dégradation de sa situation professionnelle et les errements relatifs à la reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie au service, ont revêtu un caractère fautif et lui ont causé un préjudice qui peut être évalué à 50 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, la rectrice de l'académie de Poitiers conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requérante n'a pas subi d'agissements inappropriés de la part de l'adjointe au directeur académique ; s'il y a eu des hésitations, le rectorat lui a donné satisfaction sur ses demandes qui ne sont pas l'objet du présent litige ;
- les certificats médicaux produits, établis sur la base des déclarations de la requérante, ne suffisent pas à établir un lien entre sa pathologie et ses conditions de travail ;
- elle s'en remet, sur les autres points, à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 27 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mai 2021 à 12 h 00.
Des mémoires ont été présentés pour Mme D... les 15 novembre 2021 et 1er février 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... A...,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duclos, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., inspectrice de l'éducation nationale, a été affectée à compter du 1er septembre 2014 au sein de l'académie de Poitiers, dans la circonscription de Niort/Saint-Maixent-l'Ecole. Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 26 mars au 12 avril 2018 puis, sans interruption, à compter du 29 avril 2019. Par un courrier du 14 juin 2019, elle a sollicité auprès du recteur de l'académie de Poitiers l'octroi de la protection fonctionnelle à raison du harcèlement moral dont elle s'estimait avoir été victime de la part du directeur des services académiques de l'éducation nationale (DASEN) de l'académie de Poitiers ainsi que l'indemnisation des préjudices subis du fait de ce harcèlement. Cette demande a été rejetée par une décision du 15 juillet suivant. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à l'annulation de cette décision de refus d'octroi de la protection fonctionnelle et à la condamnation de l'Etat, à titre principal, à l'indemniser des préjudices subis du fait d'un harcèlement moral, à titre subsidiaire, de l'indemniser du préjudice subi à raison des dysfonctionnements fautifs dans la gestion de sa carrière. Elle relève appel du jugement du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur la responsabilité de l'Etat à raison d'un harcèlement moral :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
3. Lorsqu'un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précité, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci. Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d'un autre ou d'autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l'administration, détermine la contribution de cet agent ou de ces agents à la charge de la réparation.
4. Mme D... soutient avoir été victime, en particulier à partir de 2018, de harcèlement moral du fait des agissements de M. B..., DASEN de l'académie de Poitiers.
5. Il résulte de l'instruction que la requérante a été interrogée par courriel du 28 février 2018 par le directeur d'une école relevant de sa circonscription au sujet de la demande d'une mère d'élèves scolarisés dans cette école, qui portait un foulard islamique, d'accompagner des sorties scolaires. Elle a transmis ce message à sa hiérarchie, et il lui a été indiqué par courriel du 5 mars 2018 que le DASEN estimait " préférable que les écoles ne fassent pas appel aux parents portant un foulard sur la tête ". Elle a été convoquée le 15 mars suivant par M. B... afin d'évoquer le refus opposé par elle-même à ce que la mère d'élèves en cause accompagne les sorties scolaires. Si la requérante persiste à soutenir en appel que, lors de cet entretien, elle s'est vue reprocher son refus alors qu'elle s'était bornée à appliquer la directive qui lui avait été donnée, elle ne produit aucun commencement de preuve de ce que le DASEN lui aurait adressé un tel reproche. A cet égard, l'attestation établie le 9 décembre 2020 par son médecin généraliste, indiquant que Mme D... l'a consulté le 15 mars 2018 dans un état de " détresse extrême " attribué à un entretien qui s'était " très mal passé ", n'est pas de nature à établir la réalité de l'agissement reproché à M. B.... Il résulte du rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale de juin 2019 relatif à la manière de servir de Mme D... que cet entretien visait à recueillir des éléments de réponse de Mme D... à la suite d'un courrier d'une organisation syndicale au sujet de la question de la présence de mères d'élèves voilées lors des accompagnements des sorties scolaires. Il n'est ainsi pas démontré que le DASEN aurait, au cours de cet entretien, excédé les limites de l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique.
6. Mme D... fait ensuite état de sa convocation, le 4 juillet 2018, à une réunion avec le DASEN et trois inspectrices de l'académie de Poitiers. Il résulte du compte-rendu de cette réunion, signé par l'intéressée, que cette réunion avait pour objet, tout d'abord, d'évoquer un courrier du 4 juin 2018 adressé au recteur de l'académie de Poitiers par le maire de Romans et mettant en cause l'attitude de Mme D..., en particulier son agressivité verbale et sa condescendance, lors d'une rencontre du 31 mai 2018 avec une adjointe au maire, une conseillère municipale et la directrice de l'école de la commune qui était alors mise en cause par des parents d'élèves. Selon ce compte rendu, le DASEN a interrogé Mme D... sur le comportement et les propos adoptés lors de cette rencontre et, plus généralement, sur le vocabulaire employé par cette dernière pour porter une appréciation sur les personnels. La réunion du 4 juillet 2018 avait pour objet, ensuite, d'évoquer le courrier d'une directrice d'école reprochant à Mme D... de l'avoir invectivée dans un magasin. La requérante a alors expliqué que, malgré l'existence d'un différend préexistant, elle était intervenue sur le cas d'un enfant scolarisé dans la classe de cette enseignante. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction, eu égard au double objet de la réunion en cause, que son organisation par le DASEN aurait été injustifiée, ni encore que cette réunion se serait déroulée dans des conditions inappropriées.
7. La requérante soutient ensuite qu'elle a été évincée, en novembre et décembre 2018 et janvier 2019, de plusieurs dossiers relevant de sa circonscription et de la réflexion sur la carte scolaire de cette même circonscription. Toutefois, d'une part, les éléments versés au dossier ne révèlent nullement que Mme D... aurait été écartée, ainsi qu'elle le prétend, des dossiers relatifs à une professeure des écoles en difficulté et à la mise en place d'une équipe éducative pour un élève ainsi que de la réflexion alors en cours relative à la carte scolaire. D'autre part, s'il est exact que le DASEN a décidé de confier un dossier sensible de harcèlement scolaire à son adjointe, cette dernière était compétente pour intervenir sur certains dossiers, de sorte que cette décision ne saurait s'analyser comme une remise en cause de Mme D....
8. La requérante fait également valoir que M. B... a constitué un " dossier à charge " et ainsi provoqué une inspection, menée par l'Inspection générale de l'éducation nationale, sur sa manière de servir. Cependant, il résulte de l'instruction que cette inspection a été initiée par le recteur de l'académie de Poitiers, sur la base de nombreux témoignages mettant en cause la posture professionnelle de Mme D.... En admettant que ces témoignages aient été recueillis par M. B..., supérieur hiérarchique de Mme D..., il n'en résulte pas pour autant que ce dernier les aurait obtenus en faisant un usage abusif de son autorité hiérarchique, dans le but de nuire à Mme D.... Par ailleurs, les conditions dans lesquelles cette inspection s'est déroulée ne sauraient révéler un harcèlement moral de la part de M. B..., alors au demeurant que les deux inspecteurs chargés de cette inspection ont recueilli et analysé de nombreux témoignages ainsi que les observations de Mme D.... Enfin, la circonstance que le rapport d'inspection, remis en juin 2019 et particulièrement étayé, ait relevé de nombreux manquements de Mme D... à ses obligations professionnelles, ne révèle pas davantage l'existence d'un harcèlement moral.
9. La requérante fait aussi valoir qu'elle a été évincée du service seulement quelques jours après son placement, le 26 mars 2019, en arrêt de travail pour maladie. Il résulte effectivement de l'instruction que son remplacement a été mentionné dans l'annuaire de l'inspection dès le 1er avril 2019 et annoncé le 4 avril suivant aux écoles de la circonscription et qu'il a été procédé le 5 avril 2019 à l'installation matérielle de son remplaçant dans son bureau. Cependant, il résulte de l'instruction, d'une part, que l'arrêt de travail de Mme D... avait été prolongé jusqu'au 12 avril 2019, date du début des congés de printemps, d'autre part, que l'administration projetait de la suspendre à titre conservatoire dès sa reprise de fonctions. Dans ces circonstances particulières, le caractère en apparence hâtif de son remplacement ne caractérise pas davantage un agissement constitutif de harcèlement moral.
10. Eu égard à la gravité des manquements relevés à l'occasion de l'inspection ci-dessus mentionnée, la convocation de Mme D... du 29 avril 2019, soit à l'issue immédiate des congés de printemps, en vue de lui remettre un arrêté de suspension de fonctions, ne constitue pas, par elle-même, un exercice inapproprié du pouvoir hiérarchique.
11. Enfin, la circonstance que le recteur de l'académie de Poitiers a initialement refusé de qualifier la remise de cette convocation d'accident de service ne saurait caractériser un harcèlement moral, alors au demeurant que, par un arrêté du 10 mars 2020, la requérante a finalement été placée dès le 29 avril 2019 en congé pour invalidité temporaire imputable au service.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 11 qu'aucun élément produit par Mme D... n'est de nature à faire présumer que cette dernière aurait subi un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie. Ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat à raison d'un harcèlement moral ne peuvent ainsi qu'être rejetées.
Sur la responsabilité de l'Etat à raison de " dysfonctionnements " dans la gestion de la carrière de Mme D... :
13. En premier lieu, la requérante fait valoir que sa manière de servir avait été favorablement évaluée jusqu'en 2019 et produit de nombreux témoignages d'anciens collègues et d'enseignants soulignant ses qualités professionnelles. Ces éléments ne permettent cependant pas de considérer que la conduite, en 2019, d'une inspection sur sa manière de servir, aurait revêtu un caractère fautif.
14. En second lieu, la requérante soutient que des décisions contradictoires ont été édictées s'agissant de la qualification d'accident de service des faits survenus le 29 avril 2019. Il est vrai que, après l'avoir placée en congé de maladie ordinaire par des arrêtés des 9 mai et 6 juin 2019, la rectrice de l'académie de Poitiers a édicté le 8 janvier 2020 des arrêtés la plaçant en congé " suite à un accident de service ". Cependant, ces arrêtés ont été retirés dès le 17 janvier suivant, de sorte que l'erreur alors commise a été rapidement corrigée par l'administration. Enfin, la circonstance que la rectrice de l'académie de Poitiers a finalement accepté de placer l'intéressée, qui avait initié plusieurs actions contentieuses, en congé pour invalidité imputable au service par arrêté du 10 mars 2020, ne révèle nullement le caractère prétendument fautif du refus initialement opposé.
Sur la légalité de la décision du recteur de l'académie de Poitiers du 15 juillet 2019 de refus d'octroi de la protection fonctionnelle :
15. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante n'apporte pas d'élément de nature à faire présumer qu'elle aurait été victime d'un harcèlement moral. Ses conclusions dirigées contre la décision du recteur de l'académie de Poitiers du 15 juillet 2019 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, sollicitée à raison d'un tel harcèlement, ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Poitiers.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve A...
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX04277