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21/12/2022 | FRANCE | N°20BX02731

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 21 décembre 2022, 20BX02731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 28 décembre 2018 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion a rejeté sa demande de remboursement de billets d'avion présentée au titre de l'aide à la continuité territoriale instituée par la région.

Par un jugement n° 1900101 du 7 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 28 décembre 2018 du président d

u conseil régional de La Réunion.

La région de La Réunion a saisi le Conseil d'Etat d'une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 28 décembre 2018 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion a rejeté sa demande de remboursement de billets d'avion présentée au titre de l'aide à la continuité territoriale instituée par la région.

Par un jugement n° 1900101 du 7 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 28 décembre 2018 du président du conseil régional de La Réunion.

La région de La Réunion a saisi le Conseil d'Etat d'une requête tendant à l'annulation de ce jugement.

Par une ordonnance n° 438521 du 24 juillet 2020, la présidente de la 1ère chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 février 2020, 25 mai 2020 et 11 janvier 2022, la région de La Réunion, représentée par la société d'avocats cabinet Colin-Stoclet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion du 7 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Elle soutient que :

- le litige ne relevait pas de ceux visés par les articles R. 222-13 1° et R. 811-1 1° du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- en relevant qu'en cas de force majeure, l'aide pouvait être accordée en dépit de l'achat du billet de transport par un tiers, le tribunal a soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public ; à supposer que ce moyen aurait été d'ordre public, le tribunal n'a pas invité les parties à présenter des observations et a ainsi méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- une autorité administrative est tenue de se conformer aux règles qu'elle a elle-même édictées ; en l'espèce, le dossier de demande du bénéfice de l'aide à la continuité territoriale (ACT) rappelait les conditions de recevabilité et d'éligibilité, dont il résulte que le billet de transport doit avoir été payé par le voyageur ou le chef du foyer fiscal ; aucune dérogation à cette condition n'a été prévue ;

- en tout état de cause, Mme B... ne justifiait pas d'une situation imprévisible et irrésistible, qualifiable de cas de force majeure ; à supposer même qu'elle n'aurait pas disposé d'une carte bancaire, ce qui n'est ni allégué ni établi, elle aurait pu faire l'acquisition d'un billet de transport en espèces ; l'absence de détention d'une carte bancaire résulte d'un choix de la personne ; le tribunal a en outre retenu l'existence d'un cas de force majeure que Mme B... ne soutenait ni qu'elle ne disposait pas d'une carte bancaire, ni davantage avoir été dans l'impossibilité d'acheter elle-même le billet d'avion ; la seule attestation de sa nièce, établie un an après les faits, selon laquelle Mme B... l'aurait remboursée le soir même de l'achat du billet d'avion, ne présente pas un caractère probant et n'est corroborée par aucun élément ;

- à supposer que le motif de refus opposé soit illégal, elle demande d'y substituer le motif tiré de l'incompétence de la région pour octroyer l'aide en cause dans le sens métropole - La Réunion ; cette incompétence a été retenue par un jugement du tribunal administratif de La Réunion du 1er décembre 2020.

Par une ordonnance du 12 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2022 à 12h00.

Par lettre du 1er décembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 12 décembre 2017, la commission permanente du conseil régional de La Réunion a prolongé pour l'année 2018 un dispositif d'aide à la continuité territoriale (ACT) visant à faciliter les déplacements entre l'île et la métropole et consistant en l'attribution, sous condition de ressources, d'aides finançant une partie des frais de passage aérien. Par une décision du 28 décembre 2018, le président du conseil régional de La Réunion a rejeté la demande de Mme B... de remboursement de billets d'avion présentée au titre de l'ACT à raison du voyage accompli à destination de La Réunion en mai 2018. La région de La Réunion relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal a annulé cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4211 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 : " La région a pour mission, dans le respect des attributions des départements et des communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement économique, social et culturel de la région par : 1° Toutes études intéressant le développement régional ; 2° Toutes propositions tendant à coordonner et à rationaliser les choix des investissements à réaliser par les collectivités publiques ; 3° La participation volontaire au financement d'équipements collectifs présentant un intérêt régional direct ; 4° La réalisation d'équipements collectifs présentant un intérêt régional direct (...) ; 4° bis Le financement des voies et des axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional (...) ; 5° Toute participation à des dépenses de fonctionnement liées à des opérations d'intérêt régional direct ; 6° Toutes interventions économiques dans les conditions prévues au présent article, au chapitre unique du titre Ier du livre V de la première partie, à l'article L. 3232-4 et aux chapitres Ier bis et III du titre V du livre II de la quatrième partie ; 7° L'attribution pour le compte de l'Etat d'aides financières que celui-ci accorde aux investissements des entreprises concourant au développement régional et à l'emploi dans des conditions prévues par décret ; 8° La participation au capital des sociétés de capital-investissement, des sociétés de financement interrégionales ou propres à chaque région, existantes ou à créer, ainsi que des sociétés d'économie mixte et des sociétés ayant pour objet l'accélération du transfert de technologies (...) 8° bis La participation au capital de sociétés commerciales autres que celles mentionnées au 8° (...) 9° La souscription de parts dans un fonds commun de placement à risques à vocation régionale ou interrégionale ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises (...) 10° La participation, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds de garantie auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers accordés à des entreprises (...)11° Le financement ou l'aide à la mise en œuvre des fonds d'investissement de proximité définis à l'article L. 214-30 du code monétaire et financier par convention avec la société de gestion du fonds qui détermine les objectifs économiques du fonds (...) 12° Le versement de dotations pour la constitution de fonds de participation prévus à l'article 37 du règlement (CE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013 (...)13° La coordination, au moyen d'une plateforme de services numériques qu'elle anime, de l'acquisition et de la mise à jour des données géographiques de référence nécessaires à la description détaillée de son territoire ainsi qu'à l'observation et à l'évaluation de ses politiques territoriales, données dont elle favorise l'accès et la réutilisation ; 14° La détention d'actions d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ; 14° Le soutien et la participation au pilotage des pôles de compétitivité situés sur son territoire ; 15° L'attribution d'aides à des actions collectives au bénéfice de plusieurs entreprises, lorsque ces actions s'inscrivent dans le cadre du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation ". Aux termes de l'article L. 4221-1 du même code, relatif aux compétences du conseil régional : " Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement et à l'amélioration de l'habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d'éducation et l'aménagement et l'égalité de ses territoires, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. Il peut engager des actions complémentaires de celles de l'Etat, des autres collectivités territoriales et des établissements publics situés dans la région, dans les domaines et les conditions fixés par les lois déterminant la répartition des compétences entre l'Etat, les communes, les départements et les régions (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 4431-1 du même code : " Les régions de Guadeloupe et de la Réunion constituent des collectivités territoriales. Elles sont soumises aux dispositions non contraires de la première partie et des livres Ier à III de la présente partie sous réserve des dispositions du présent titre. Les régions de Guadeloupe et de la Réunion exercent les compétences que les lois, dans leurs dispositions non contraires à celles du présent titre, attribuent à l'ensemble des régions et celles que définit le présent titre pour tenir compte des mesures d'adaptation rendues nécessaires par leur situation particulière. " L'article L. 4433-1 précise que le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les domaines de compétences que la loi lui attribue et a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement et à l'amélioration de l'habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d'éducation et l'aménagement de son territoire, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. Les articles L. 4433-7 à L. 4433-24-4 définissent les attributions des régions outre-mer en matière de développement économique et d'aménagement de leur territoire. Les articles L. 4433-25 à L. 4433-31 prévoient leurs attributions en matière d'actions culturelles.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1803-1 du code des transports, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans les conditions déterminées par les lois et règlements, les pouvoirs publics mettent en œuvre outre-mer, au profit de l'ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies, une politique nationale de continuité territoriale. Cette politique repose sur les principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République. Elle tend à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer. Peuvent en bénéficier, dans des conditions prévues par la loi, des personnes résidant en France métropolitaine ". L'article L. 1803-2 prévoit que le fonds de continuité territoriale finance notamment des aides à la continuité territoriale en faveur des personnes ayant leur résidence habituelle en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, et précise que ce fonds peut financer des aides en faveur de personnes résidant en France métropolitaine. Aux termes de l'article L. 1803-4 du même code : " L'aide destinée à financer une partie des titres de transport des personnes résidant dans l'une des collectivités mentionnées à l'article L. 1803-2 entre leur collectivité de résidence et le territoire métropolitain est appelée " aide à la continuité territoriale ". Elle finance aussi, sous conditions de ressources, une partie des titres de transport des résidents habituels régulièrement établis en France métropolitaine lorsque la demande d'aide à la continuité territoriale est justifiée par un déplacement pour se rendre aux obsèques d'un parent au premier degré, au sens de l'article 743 du code civil, de leur conjoint ou de leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans l'une des collectivités mentionnées à l'article L. 1803-2 du présent code (...) ". En vertu de l'article L. 1803-7 de ce code, les conditions d'application des articles L. 1803-2 à L. 1803-6, les critères d'éligibilité aux aides prévues à ces mêmes articles et les limites apportées au cumul des aides au cours d'une même année sont fixés par voie réglementaire.

5. Enfin, en vertu de l'article L. 1803-10 du même code, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, qui est un établissement public de l'Etat à caractère administratif, a pour missions, en particulier, de mettre en œuvre les actions relatives à la continuité territoriale qui lui sont confiées par l'Etat et de gérer les aides mentionnées aux articles L. 1803-4 à L. 1803-6. Ainsi, l'aide à la continuité territoriale relève d'une politique nationale de continuité territoriale, fondée sur les principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République, confiée à l'Agence De l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM).

6. Il résulte de ce qui précède que la région de la Réunion ne tient ni de ces dispositions ni d'aucune des dispositions du code général des collectivités territoriales définissant ses attributions le pouvoir d'instaurer de manière autonome une telle aide. La délibération du 12 décembre 2017 de la commission permanente du conseil régional de La Réunion prolongeant, pour l'année 2018, un dispositif d'aide à la continuité territoriale (ACT), est par suite entachée d'incompétence.

7. Il s'ensuit que le président du conseil régional de la Réunion était, à la date de la décision attaquée, en situation de compétence liée pour refuser de faire bénéficier Mme B... du dispositif illégal d'ACT. Les moyens invoqués par cette dernière à l'appui de sa contestation de cette décision de refus étaient dès lors inopérants.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que la région de La Réunion est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 28 décembre 2018 du président du conseil régional de La Réunion.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900101 du 7 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de La Réunion est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région de La Réunion, à Mme C... B..., à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve A...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02731
Date de la décision : 21/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCP COLIN STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-21;20bx02731 ?
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