La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2022 | FRANCE | N°22BX01573

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 décembre 2022, 22BX01573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200184 du 24 mars 2022, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa dema

nde.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200184 du 24 mars 2022, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, M. B..., représenté par Me Moreau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 24 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 27 janvier 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire française a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit en France depuis plusieurs années ; il entretient des relations étroites avec son frère qui réside en France ; il est en couple avec une ressortissante française depuis 2019, avec laquelle il entretient une vie commune depuis le 21 août 2020 ; il s'est marié avec cette dernière le 25 février 2022 ;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale ;

- cette décision a été édictée au à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du droit d'être entendu ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 8 janvier 1987, est entré en France le 17 octobre 2017 selon ses déclarations. Il a présenté le 23 août 2021 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 septembre 2021 et n'a pas présenté de recours contre ce refus. Par arrêté du 27 janvier 2022, la préfète de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. B... fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis 2017, qu'il est proche de son frère qui est également présent sur le territoire français et qu'il est en couple avec une ressortissante française depuis 2019, avec laquelle il vit depuis août 2020 et qu'il a épousée le 25 février 2022. Cependant, l'intéressé, qui produit de nombreux éléments justifiant de sa présence en France depuis un peu plus de quatre ans à la date de l'arrêté, n'établit pas ni n'allègue qu'il serait dépourvu d'attache familiale ou personnelle en Algérie, où il a vécu la majeure partie de sa vie. S'il se prévaut des liens entretenus avec l'un de ses frères résidant en France, il n'est pas établi que ce dernier était titulaire d'un titre de séjour à la date de l'arrêté. Par ailleurs, les attestations peu circonstanciées versées au dossier ne permettent pas de déterminer l'ancienneté de la relation amoureuse qu'il entretient avec une ressortissante française. Si cette dernière atteste d'une vie commune depuis août 2020, sa déclaration de changement de situation familiale n'a été souscrite auprès de la caisse d'allocations familiales que le 4 février 2021, et les documents produits pour justifier de la présence en France de M. B... au cours de l'année 2020 comportent une adresse différente de celle de sa compagne. Enfin, le couple n'a pas d'enfant et leur mariage est postérieur à l'arrêté en litige. Dans ces conditions, la décision par laquelle la préfète de la Haute-Vienne a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens des stipulations citées au point précédent.

4. Toutefois et en second lieu, eu égard à l'ancienneté de la présence en France de M. B... et à la relation stable qu'il entretient avec une ressortissante française, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français contenue dans l'arrêté du 27 janvier 2022 de la préfète de la Haute-Vienne.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200184 du 24 mars 2022 du président du tribunal administratif de Limoges est annulé en ce qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français contenue dans l'arrêté du 27 janvier 2022 de la préfète de la Haute-Vienne.

Article 2 : La décision d'interdiction de retour sur le territoire français contenue dans l'arrêté du 27 janvier 2022 de la préfète de la Haute-Vienne est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve A...

Le président,

Didier Artus La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01573


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01573
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;22bx01573 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award