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16/12/2022 | FRANCE | N°22BX01102

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 décembre 2022, 22BX01102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105984 du 18 janvier 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête, enregistrée le 15 avril 2022, M. C..., représenté par Le Guédard, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105984 du 18 janvier 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, M. C..., représenté par Le Guédard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 26 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il serait isolé au Soudan ; son père a disparu et il n'a plus de contact avec sa mère et sa sœur depuis un échange épistolaire en mars 2020 ; il ne peut apporter une preuve négative d'absence de lien avec ces dernières ; le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France ; il a appris la langue française, a participé à diverses activités bénévoles et dispose d'une promesse d'embauche ; sa vie serait menacée au Soudan, pays qu'il a fui en raison des détentions arbitraires et actes de torture qu'il y avait subies ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa situation exceptionnelle justifie son admission au séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est recherché, au Soudan, par des milices de l'armée ; son retour dans son pays d'origine l'exporterait au risque de mort.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- et les observations de Me Pitel-Marie, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant soudanais né en 1989, est entré en France le 25 août 2016 selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile qui a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 décembre 2019, puis une demande de réexamen de cette demande qui a été rejetée par une ordonnance de cette cour du 9 octobre 2020. Par arrêté du 26 octobre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 18 janvier 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. M. C..., au soutien du moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour aurait été prise en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées, fait valoir que son père a disparu et qu'il n'a plus de contact, depuis mars 2020, avec sa mère et sa sœur résidant au Soudan, de sorte qu'il est isolé dans son pays d'origine. Il ajoute qu'il est inséré au sein de la société française, et justifie avoir appris la langue française et participé à diverses activités bénévoles en France depuis 2019, en particulier au sein de l'association Emmaüs Gironde pour laquelle il exerce des activités de bénévolat à raison de quatre jours par semaine depuis décembre 2020. Il fait enfin valoir qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Cependant, l'intéressé a vécu au Soudan jusqu'à l'âge de 27 ans, soit la majeure partie de sa vie, et la circonstance qu'il n'aurait plus de contact avec sa mère et sa sœur depuis un échange épistolaire en mars 2020 ne suffit pas à établir qu'il y serait privé de toute attache familiale ou personnelle. Il ne démontre en outre pas avoir tissé des liens d'une intensité particulière en France, et la promesse d'embauche dont il se prévaut a été établie le 4 novembre 2021, postérieurement à l'arrêté en litige. Enfin, la décision de refus de séjour n'implique pas, par elle-même, un retour au Soudan, et la demande d'asile du requérant a au demeurant été rejetée à deux reprises par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, et malgré les efforts d'insertion déployés en France, le refus de séjour n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens des dispositions et stipulations citées au point précédent.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

5. M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis cinq ans, qu'il y a réalisé diverses activités bénévoles et qu'il dispose d'une promesse d'embauche de l'association Emmaüs Gironde. Toutefois, et compte tenu de ce qui été dit au point 3, de tels éléments ne suffisent pas à caractériser une situation exceptionnelle au sens des dispositions précitées. Le refus de séjour ne repose ainsi pas sur une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, eu égard à ce qui été dit aux points 3 et 5, la préfète n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

7. En quatrième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen, invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de séjour, ne peut qu'être écarté.

8. Enfin, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. M. C... fait valoir qu'il a fui le Soudan en 2014 à la suite des détentions arbitraires et actes de torture qu'il y avait subies, qu'il est toujours recherché par des milices et que sa vie serait en danger en cas de retour dans son pays d'origine. Cependant, le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée à deux reprises, n'expose pas de manière précise les circonstances de son départ du Soudan. Les éléments d'ordre général sur la situation du Soudan ne suffisent pas à établir qu'il y serait personnellement menacé. La seule production de la traduction d'une lettre qui aurait été envoyée par sa sœur en mars 2020 ne présente pas un caractère probant compte tenu de son caractère peu circonstancié et convenu. Si le requérant, entré sur le territoire français en 2016, produit pour la première fois en appel deux mandats d'arrêt émis par les autorités soudanaises les 19 septembre 2019 et 15 juin 2020, il n'explique ni pour quel motif il n'avait pas versé ces pièces en première instance ni comment il les aurait obtenues alors qu'il affirme par ailleurs ne plus avoir aucun contact avec des proches résidant au Soudan depuis mars 2020.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve A...

Le président,

Didier Artus La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01102
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LE GUEDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;22bx01102 ?
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