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16/12/2022 | FRANCE | N°22BX00589

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 22BX00589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 28 juillet 2020.

Par un jugement n° 2102812 du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 18 octobre 2022, M. A..., représenté pa

r Me Astié, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 28 juillet 2020.

Par un jugement n° 2102812 du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 18 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Astié, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2021 ;

2°) d'annuler, à titre principal, la décision implicite par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, la décision de refus de séjour prise à son encontre par la préfète de la Gironde le 25 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui octroyer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'administration n'a jamais répondu à sa demande de titre de séjour ni même à sa demande de motifs dans le délai prévu par les textes ; le courrier du 25 janvier 2021, notifié le 28 janvier 2021, n'est pas intervenu dans le délai imposé, soit avant le 21 janvier 2021 ; au surplus, il s'agit d'un courrier confirmant les décisions antérieures à la décision implicite de rejet et non une décision portant rejet de la demande de titre formulée le 4 août 2020 ; ce courrier ne mentionne ni délai ni voie de recours et ne remplit pas les conditions pour se substituer à la décision antérieure ; il ne saurait régulariser la décision implicite entachée d'illégalité ; il en résulte un défaut de motivation de la décision ; à titre subsidiaire, la décision explicite du 25 janvier 2021 est insuffisamment motivée ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; il est parfaitement intégré en France, où il vit depuis sept ans et est dépourvu d'attaches dans son pays où, par ailleurs, il estime être en danger au regard des raisons qui ont poussé à son départ ; il a obtenu un diplôme d'études en langue française, le 7 septembre 2016, a suivi une seconde professionnelle aéronautique et justifie de plusieurs expériences professionnelles ;

- l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; il a obtenu une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à la date de la demande de titre de séjour, accompagnée d'une demande d'autorisation de travail formulée par son employeur ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 novembre 2022 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-147 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Debril, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais, est entré en France le 29 avril 2015, à l'âge de 15 ans. Mineur isolé, il a été placé en assistance éducative auprès de l'association de sauvegarde et d'action éducative des Landes du 29 avril 2015 au 25 juin 2017. L'intéressé a sollicité le 12 septembre 2017 un titre de séjour en qualité d'étudiant auprès du préfet des Landes, qui a opposé un rejet à sa demande, l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, par un arrêté du 2 janvier 2019, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Pau du 25 avril 2019. M. A... a adressé le 28 juillet 2020 à la préfète de la Gironde une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle a été implicitement rejetée. Par un jugement n° 2102812 du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision implicite. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 du même code, alors en vigueur : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'intervention de la décision implicite de rejet de sa demande du 28 juillet 2020, reçue le 4 août suivant, M. A... a demandé à la préfète de la Gironde, par un courrier du 15 décembre 2020, de lui communiquer les motifs de cette décision implicite. Par une décision du 25 janvier 2021, la préfète de la Gironde, statuant expressément sur la demande du 28 juillet 2020, a communiqué en même temps les motifs de sa décision de rejet.

4. Si, en vertu des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé par l'administration sur une demande de titre de séjour fait naître, au terme d'un délai de quatre mois, une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration en ne communiquant pas les motifs de sa décision implicite de rejet dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent. Les conclusions de M. A... dirigées contre la décision implicite de rejet antérieure doivent donc être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 25 janvier 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant.

5. Il résulte de ce qui précède que la décision expresse dont s'agit ne saurait être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées relatives à la motivation des actes administratifs en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent. La décision du 25 janvier 2021 portant refus de séjour mentionne de manière suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la circonstance que la décision du 25 janvier 2021 ne comporte pas la mention des voies et délais de recours est sans incidence sur sa légalité.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté.

8. En quatrième lieu, M. A... reprend en appel dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus à bon droit par les premiers juges.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

10. A la date de la décision attaquée, si M. A... résidait sur le territoire français depuis près de six ans, il était célibataire, sans charge de famille, et n'était pas dépourvu de liens personnels anciens et stables dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, la circulaire du 28 novembre 2012 qui recommande aux préfets de délivrer une carte de séjour temporaire lorsque le jeune majeur n'a plus aucun lien privé et familial avec son pays d'origine et suit un parcours scolaire assidu n'est pas méconnue, alors d'ailleurs que cette circulaire ne comporte que des orientations. En présence d'une demande de régularisation par le travail, présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier s'il existe des motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule peuvent constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour. M. A... fait valoir qu'il a été pris en charge depuis son arrivée en France jusqu'à sa majorité par l'aide sociale à l'enfance. Il a obtenu le certificat de formation générale et le diplôme d'études en langue française (DELF) niveau A2 au cours de l'année 2016, a été inscrit en seconde professionnelle aéronautique, a exercé quelques emplois peu qualifiés de courte durée et produit une promesse d'embauche datée du 5 mai 2022, en qualité d'employé polyvalent en restauration, soit postérieurement à la date de la décision attaquée. Toutefois, le parcours scolaire suivi et la volonté d'intégration professionnelle manifestée par M. A... ne suffisent pas pour permettre d'estimer que son admission exceptionnelle au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour en France et du droit d'asile doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera communiquée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte B... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00589
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;22bx00589 ?
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