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16/12/2022 | FRANCE | N°22BX00544

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 décembre 2022, 22BX00544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2104391 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 février 2022 et le 26 octobre 2022, Mme A...,

représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2021 ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2104391 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 février 2022 et le 26 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 ;

3°) d'ordonner une expertise médicale avant dire droit pour donner son avis sur les conditions requises par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la compétence du signataire de cette décision n'est pas établie ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII est irrégulier dès lors que deux signatures sont illisibles, la nouvelle copie produite par le préfet n'est pas le même document que celui produit en première instance ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 425-9 dès lors que l'absence de soins aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les soins ne sont pas disponibles au Congo ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle ne pouvait être éloignée dès lors qu'elle peut bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante de la République Démocratique du Congo, née en 1998, est entrée irrégulièrement en France le 14 avril 2019 selon ses déclarations. Elle a sollicité le bénéfice de l'asile le 16 avril 2019 et sa demande a été rejetée définitivement par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 février 2021. Elle a sollicité un titre de séjour pour raisons de santé le 22 janvier 2021. Par un arrêté du 6 août 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme A... reprend en appel dans des termes identiques et sans critique du jugement attaqué son moyen de première instance tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige. Cependant, elle n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau à l'appui de ce moyen, auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, l'avis produit en première instance comporte de manière lisible le nom des trois médecins ayant siégé ainsi que la mention "service médical OFII " et, malgré la mauvaise qualité de la copie de cet avis, l'existence d'une signature sous les noms des docteurs Millet et Candillier est discernable, de sorte qu'il n'y a pas lieu de douter de la signature de l'avis par ces médecins. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait entachée d'un vice de procédure faute de signature de l'avis par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.

4. En troisième lieu aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que par un avis rendu le 30 avril 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration a estimé que si l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque. Mme A..., qui souffre de troubles psychiatriques, produit en appel un certificat médical établi par un praticien hospitalier qui indique qu'elle bénéficie d'un suivi psychiatrique pour un état de stress post-traumatique en raison de violences subies de la part de son oncle au Congo. Si ce certificat présente de manière détaillée le traitement médicamenteux qu'elle suit et son renforcement depuis le début de l'année 2021 et évoque un risque de passage à l'acte en raison d'antécédents d'idées suicidaires, il ne précise pas la nature du suivi psychologique ou psychiatrique dont elle ferait l'objet ni sa fréquence et ne fait pas état d'une aggravation de son état de santé au regard des éléments sur lesquels se sont basés les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ainsi, il n'est pas de nature à infirmer l'avis du collège de médecins quant aux conséquences du défaut de soins. Dès lors, la préfète n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui refusant la délivrance du titre sollicité.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".

7. Mme A... se prévaut de la durée de son séjour, de son engagement auprès de la Croix-Rouge française et de la naissance de sa fille en France en 2019 et de sa scolarisation. Toutefois, son arrivée en France est récente et il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu en République démocratique du Congo jusqu'à l'âge de 21 ans et que ses deux premiers enfants, nés en 2012 et 2013, y résident toujours, alors qu'elle ne justifie d'aucun lien en France. Ainsi, elle ne peut être regardée comme ayant fixé, à la date de l'arrêté en litige, le centre de ses intérêts privés sur le territoire national. Par suite, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... au regard des motifs de ce refus, et les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme A....

8. En cinquième lieu, en l'absence de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A... ne saurait se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de cet article.

9. Enfin, la décision portant refus de séjour n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de séparer Mme A... de sa fille, née en France en 2019, ni de renvoyer l'enfant en République démocratique du Congo. Par suite, cette décision ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, Mme A... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, les moyens tirés de ce qu'elle ne pouvait légalement, pour ce motif, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

11. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme A... a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, qui a relevé les propos évasifs, imprécis et peu cohérents de l'intéressée. Mme A... ne produit aucun élément susceptible de permettre de tenir pour établies la réalité et l'actualité des risques qu'elle allègue encourir, ainsi que sa fille, en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2021. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

Christelle D...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00544 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00544
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;22bx00544 ?
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