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16/12/2022 | FRANCE | N°20BX04083

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 20BX04083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges :

- d'annuler l'arrêté n° 2018-57 du 25 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a mise en demeure, en application de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, de régulariser la situation administrative de son étang dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté et, dans l'intervalle, d'en suspendre la vidange et de le remettre en eau par la fermeture du système de vidange, dans un délai de quarant

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges :

- d'annuler l'arrêté n° 2018-57 du 25 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a mise en demeure, en application de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, de régulariser la situation administrative de son étang dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté et, dans l'intervalle, d'en suspendre la vidange et de le remettre en eau par la fermeture du système de vidange, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification dudit arrêté, la hauteur d'eau dans l'étang devant atteindre un niveau situé à quelques centimètres en dessous de la brèche constatée par la direction départementale des territoires de la Haute-Vienne lors de la visite du 25 janvier 2018, soit a minima un mètre de hauteur, et ce sous peine de l'application des mesures administratives mentionnées au II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ;

- d'annuler l'arrêté n° 2018-165 en date du 20 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne la rend redevable, en application des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, d'une astreinte administrative, d'un montant journalier de 150 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure du 25 avril 2018 ;

- de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une indemnité correspondant au montant de l'astreinte depuis son premier mois d'existence, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, d'autre part, une indemnité de 13 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1801004,1802026 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020 et un mémoire en production de pièces enregistré le 15 juin 2022, Mme C... représentée par Me de Lombardon demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2018-57 ;

3°) d'annuler l'arrêté n° 2018-165 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que la délégation de signature n'est pas visée dans l'arrêté du 25 avril 2018 ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 avril 2018 a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 171-6 et L. 171-8 du code de l'environnement ;

- l'arrêté du 25 avril 2018 est entaché d'incompétence de son auteur ;

- l'arrêté du 25 avril 2018 a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 171-6 et L. 171-8 du code de l'environnement car elle n'a disposé que d'un délai de 7 jours pour présenter ses observations avant l'édiction de celui-ci ;

- l'arrêté du 25 avril 2018 est entaché d'erreur d'appréciation ; d'une part, la présence réelle de la cistude d'Europe sur l'étang n'est pas démontrée ; à supposer établie cette présence, la cistude n'est pas affectée par la vidange et l'assec partiel puisque l'étang de Moustiers est partiellement resté en eau ; au demeurant, l'étang est en relation, en amont, avec une dizaine d'étangs ou plans d'eau situés à proximité qui peuvent parfaitement être des lieux de substitution en raison des faibles distances qui les séparent ; d'autre part, aucune ponte n'a été détruite puisqu'elles ne sont pas réalisées dans l'étang, mais dans des prairies voisines ;

- en méconnaissance de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, la mise en demeure de remise en eau de l'étang contenue dans l'arrêté du 25 avril 2018 n'est pas une mesure proportionnée tant au regard du risque de dommage encouru qu'au regard du coût économique de la mesure prescrite ;

- la prescription contenue à l'article 2 de l'arrêté du 25 avril 2018, tenant au maintien d'une hauteur minimale d'un mètre d'eau en dessous de la brèche de son étang, est entachée d'erreur d'appréciation ; il est impossible de maintenir cette hauteur car le fonctionnement de l'étang ne permet pas de contrôler avec une précision suffisante la hauteur de l'eau ; le préfet lui a d'ailleurs adressé des prescriptions contradictoires en lui ordonnant de suspendre la vidange de l'étang, ce qui supposerait à la fois d'obstruer l'exutoire de vidange puisque la bonde ne fonctionne plus, et de limiter la hauteur de l'eau à 1 mètre, ce qui supposerait cette fois de contrôler l'ouverture de l'exutoire une fois le niveau atteint ; la pelle de l'étang n'est pas en état de fonctionnement et la solution d'un positionnement d'une bâche imperméable maintenue par des sacs de sables et des pierres est non seulement en contradiction avec les règles de l'art mais surtout dangereuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er juillet 2022 à 12 heures.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 février 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est propriétaire de l'étang de Moustiers d'une surface de 10 ha, situé sur le territoire de la commune de Verneuil-Moustiers (Haute-Vienne), étang inscrit dans un site Natura 2000 (FR7401133). Le 17 janvier 2018, elle a informé la direction départementale des territoires (DDT) de la Haute-Vienne de l'existence d'une brèche dans la digue, entrainant, selon elle, la nécessité de travaux en urgence, et afin de mener ces derniers à bien, la nécessité préalable de la vidange de l'étang et de sa mise en assec partiel. L'assec d'une partie de l'étang de Moustiers est devenu effectif le 13 février 2018. A la suite d'échanges épistolaires à compter du 26 janvier 2018 et de visites sur le site les 25 janvier 2018 et 8 mars 2018, la DDT de la Haute-Vienne et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Nouvelle Aquitaine ont demandé à Mme C... la remise en eau de son étang au plus tard au mois de mars 2018 ou la mise en place d'un batardeau permettant de retenir l'eau sur une superficie de 4 ha en queue d'étang dans le but de préserver les cistudes d'Europe, espèce protégée. Mme C... ayant estimé qu'il lui était impossible de faire édifier un batardeau, le préfet de la Haute-Vienne par un arrêté du 25 avril 2018 l'a mise en demeure, en application de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, de régulariser la situation de son étang dans le respect des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, et plus particulièrement de suspendre la vidange et de remettre en eau son étang à une hauteur minimale d'un mètre, par la fermeture du système de vidange, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêté. L'intéressée n'ayant pas exécuté la mise en demeure d'avril 2018, le préfet, par un second arrêté du 20 novembre 2018, l'a rendue redevable, en application des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, d'une astreinte administrative, d'un montant journalier de 150 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 octobre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2018 et de l'arrêté en date du 20 novembre 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, Mme C... soutient que le tribunal a omis de répondre à son moyen tiré de ce que la délégation de signature n'est pas visée dans l'arrêté du 25 avril 2018. Toutefois, il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 avril 2018 est entaché d'incompétence de son auteur. La circonstance que la décision portant délégation de signature n'est pas visée par la décision attaquée est d'ailleurs sans incidence sur la légalité de cette dernière décision. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une omission à statuer doit être écarté.

3. D'autre part, la requérante n'a pas soulevé devant le tribunal le moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 avril 2018 a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 171-6 et L. 171-8 du code de l'environnement. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les premiers juges n'ont pas examiné ce moyen et que le jugement attaqué est de ce fait entaché d'une omission à statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés contestés :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 25 avril 2018 :

S'agissant de la légalité externe :

4. En premier lieu, Mme C... reprend en appel dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son auteur. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges. Si elle soutient encore d'une part, que la délégation de signature n'est pas visée dans l'arrêté du 25 avril 2018, cette circonstance est sans influence sur la compétence de l'auteur de l'acte, et d'autre part, que la délégation de signature est trop large, cet argument manque en fait puisque le secrétaire général de préfecture, signataire de l'arrêté attaqué ne bénéficie pas d'une délégation de signature pour certaines décisions et notamment les arrêtés de conflit.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable " Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre. II.- Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. Dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, ou porte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 une atteinte d'une gravité telle qu'aucune prescription ne permettrait d'y remédier. Les travaux ne peuvent commencer avant l'expiration de ce délai. Si le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3, l'autorité administrative peut, à tout moment, imposer par arrêté toutes prescriptions particulières nécessaires. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 171-6 du code de l'environnement : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation, un ouvrage, des travaux, un aménagement, une opération, un objet, un dispositif ou une activité, il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative. ", aux termes de l'article L. 514-5 du même code : " L'exploitant est informé par l'inspecteur des installations classées des suites du contrôle. L'inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l'exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations. ", aux termes de l'article L. 171-7 du même code " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. Elle peut suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages ou la poursuite des travaux, opérations ou activités jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8, notamment aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. " et, enfin, aux termes de l'article L. 171-8 du même code dans sa rédaction applicable : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement [...] ".

7. La requérante soutient que la lettre du préfet de la Haute-Vienne en date du 13 avril 2018 dont elle a accusé réception le 16 avril suivant qui l'informait de ce qu'elle disposait d'un délai de 7 jours pour présenter toute observation écrite relative aux éléments mentionnés dans le projet d'arrêté joint, portant mise en demeure et suspension en attente de régularisation de la situation administrative, fixait un délai trop bref pour lui permettre de présenter, dans le respect du principe du contradictoire, des observations utiles.

8. Toutefois, et de première part, aucune disposition législative ou réglementaire et notamment pas les dispositions précitées dont se prévaut la requérante, n'imposaient à l'administration de lui adresser préalablement à l'arrêté attaqué, une lettre l'informant d'un projet d'arrêté de mise en demeure. Au demeurant, elle a reçu une telle information 7 jours avant l'édiction de l'arrêté attaqué, délai suffisant, et cet arrêté se borne à tirer les conséquences tant des préconisations du rapport de contrôle que du courrier du 16 mars 2018 que le préfet de la Haute-Vienne a adressé à Mme C... l'informant notamment que seule la réalisation du batardeau proposé par celle-ci, lors d'une réunion qui s'est tenue le 8 mars 2018 - mais auquel elle a définitivement renoncé le 11 avril 2018 - ferait obstacle à l'édiction d'une mise en demeure.

9. De seconde part, à supposer que la requérante se plaigne d'une absence de porter à connaissance du rapport établi par l'agent chargé du contrôle après sa visite des lieux du 25 janvier 2018, il résulte de l'instruction que l'administration a adressé dès le lendemain, à Mme C..., une lettre à laquelle était jointe une copie du compte-rendu détaillé de cette visite et invitant celle-ci à présenter ses observations. Ce rapport informait Mme C... que la remise en eau devait être faite au plus tard mi-mars pour éviter toute incidence potentielle sur les espèces protégées.

10. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

11. En premier lieu aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection : " Pour les espèces d'amphibiens et de reptiles dont la liste est fixée ci-après : / (...) II. - Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l'espèce est présente ainsi que dans l'aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants, la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s'appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l'espèce considérée, aussi longtemps qu'ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l'altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques. ". La cistude d'Europe fait partie des reptiles protégés au titre de cet arrêté. Enfin, aux termes de l'article L. 411-2 du code de l'environnement : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle (...) ".

12. Pour soutenir que l'arrêté du 25 avril 2018 est entaché d'erreur d'appréciation en ce qu'il estime que l'assèchement de l'étang de Moustiers, lieu d'habitat, de repos et de reproduction de la cistude génère un risque de destruction de cette espèce, la requérante qui ne critique pas utilement la réponse des premiers juges, réitère son argumentation selon laquelle la présence réelle de la cistude d'Europe sur l'étang n'est pas démontrée, qu'à la supposer établie cette présence n'est pas affectée par la vidange et l'assec partiel, qu'en tout état de cause l'étang est en relation, en amont, avec une dizaine d'étangs ou plans d'eau situés à proximité qui peuvent parfaitement être des lieux de substitution en raison des faibles distances qui les séparent et qu'aucune ponte n'a été détruite par la vidange puisqu'elles ne sont pas réalisées dans l'étang, mais dans des prairies voisines. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal.

13. En deuxième lieu, Mme C... soutient que la prescription contenue à l'article 2 de l'arrêté attaqué, tenant au maintien d'une hauteur minimale d'un mètre d'eau en dessous de la brèche constatée par la direction départementale de la Haute-Vienne lors de la visite du 25 janvier 2018, est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que le fonctionnement de son étang ne lui permet pas de contrôler avec une précision suffisante la hauteur d'eau et que la bonde ne fonctionne plus. Elle précise que le préfet lui a adressé des prescriptions contradictoires en lui ordonnant à la fois de suspendre la vidange de l'étang, ce qui supposerait d'obstruer l'exutoire de vidange puisque la bonde ne fonctionne plus et de limiter la hauteur de l'eau à 1 mètre, ce qui supposerait de contrôler l'ouverture de l'exutoire une fois le niveau atteint. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'huissier en date du 10 avril 2018 que la pelle de l'étang, bien que détériorée, demeure en état de fonctionnement. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l'impossibilité de maintenir un niveau d'eau d'un mètre n'est pas établie. Au contraire, il ressort du courrier électronique adressé par un agent de la direction départementale des territoires de la Haute Vienne le 10 avril 2018 à Mme C... qu'une telle remise en eau pourrait être réalisée et sécurisée par le positionnement, au niveau de la zone de la brèche, d'une bâche imperméable maintenue par des sacs de sable et de pierres dont Mme C... n'établit nullement et en tout état de cause qu'il serait en contradiction avec les règles de l'art. Au demeurant, il ressort du compte-rendu de l'expert naturaliste Vincent Nicolas du 23 juin 2021 que celle-ci a remis en partie son étang en eau, ce qui confirme la faisabilité de l'opération. Ainsi, ce moyen doit être écarté.

14. En dernier lieu, l'article L. 110-1 du code de l'environnement définit le principe de précaution, consacré à l'article 5 de la Charte de l'environnement, comme le principe selon lequel " l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ".

15. Si la requérante soutient qu'en méconnaissance des dispositions précitées la mise en demeure de remise en eau de l'étang contenue dans l'arrêté du 25 avril 2018 n'est pas une mesure proportionnée tant au regard du risque de dommage encouru qu'au regard du coût économique de la mesure prescrite, l'arrêté attaqué ne fait pas application de ce principe. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 20 novembre 2018 :

16. La requérante ne soulève aucun moyen à l'appui de sa contestation de l'arrêté du 20 novembre 2018. Par suite, ses conclusions en annulation ne peuvent qu'être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

Nicolas B... La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX04083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04083
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DE LOMBARDON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;20bx04083 ?
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