La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2022 | FRANCE | N°22BX01653

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 13 décembre 2022, 22BX01653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200157 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, M. A...

, représenté par Me Breillat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2022 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200157 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, M. A..., représenté par Me Breillat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, sous les mêmes conditions, de réexaminer sa situation et enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que

- l'arrêté attaqué est signé par une autorité incompétente ; la délégation est trop large ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- cette décision méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La préfète de la Vienne a présenté un mémoire non communiqué enregistré le 17 novembre 2022.

Par ordonnance du 15 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2022 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 juillet 2022 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né en 1989, déclare être entré régulièrement en France le 20 décembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 4 décembre 2016 au 2 janvier 2017. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 27 septembre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 18 septembre 2018. Il a bénéficié de la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé valable du 10 décembre 2020 au 9 juin 2021. Sa demande de renouvellement de son titre de séjour a été rejetée par un arrêté du 10 décembre 2021 portant, en outre, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. A... relève appel du jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Par un arrêté du 27 août 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat, Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture de la Vienne, a reçu délégation de la préfète de la Vienne à l'effet de signer notamment tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne et notamment ceux entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des mesures générales concernant la défense nationale, la défense intérieure et la maintien de l'ordre et des matières qui font l'objet d'une délégation à un chef de service de l'Etat dans le département. Contrairement à ce que fait valoir l'appelant, cette délégation n'est pas trop générale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que la préfète a examiné la demande de M. A... du 21 juillet 2021 tendant au renouvellement d'un titre de séjour, présentée sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en visant les dispositions applicables à la situation de celui-ci et en prenant en compte tant l'avis de l'OFII en date du 21 octobre 2021 précisant que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité que l'attestation d'un médecin produite par M. A.... Cet arrêté mentionne également différents éléments de la situation personnelle de M. A.... La motivation de cet arrêté, qui est suffisante, ne révèle pas que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle, notamment médicale, de M. A... et que la préfète se serait placée, par erreur de droit, en situation de compétence liée par l'avis rendu par l'OFII.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".

5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

6. Dans son avis du 21 octobre 2021, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité en raison de l'état de santé du requérant, la préfète s'est notamment fondée sur l'avis précité. Le requérant qui lève le secret médical, précise notamment qu'il a été diagnostiqué comme porteur d'une tuberculose latente en 2017 et qu'il souffre d'une hépatite B active pour laquelle il bénéficie d'une surveillance radiologique et clinique tous les 6 mois. Il ressort effectivement tant du certificat médical confidentiel adressé aux services de l'OFII le 6 août 2021 que d'un courrier d'un professeur du service d'hépato-gastro-entérologie du CHU de Poitiers du 10 novembre 2021 que des analyses ont mis en évidence une sérologie virale B positive et élevée. Il ressort toutefois aussi de ce dernier courrier que l'intéressé est dans un bon état général sans signe fonctionnel apparent et qu'une simple surveillance semestrielle est prescrite. Aucun des autres documents médicaux produits, la plupart d'ailleurs très anciens, ne sont davantage de nature à démontrer qu'un défaut de soins devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Sa tuberculose latente ne fait, pour sa part, l'objet d'aucun traitement. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Vienne a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, si M. A... soutient que l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il admet n'avoir pas déposé une demande de titre de séjour sur ce fondement. Or, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la demande au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

10. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... ne résidait habituellement en France que depuis 5 ans. En outre, il n'est pas isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans et où résident son épouse et ses enfants. Par suite, alors même qu'il est hébergé à titre gratuit par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Poitiers, qu'il est volontaire et bénévole au sein de La Croix- Rouge et des " Resto du Cœur " et qu'il effectue des missions dans les domaines de la manutention et de la restauration, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale en France de sorte que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ; c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. ". Aux termes de l'article 3 de cette même convention " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 14 de cette même convention " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. "

13. M. A... ne peut pas utilement invoquer ces stipulations à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a pas pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Les moyens soulevés par M. A... tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision et de sa méconnaissance avec les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

Nicolas C... La présidente,

Evelyne Balzamo La greffière,

Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01653
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;22bx01653 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award