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13/12/2022 | FRANCE | N°21BX04532

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 13 décembre 2022, 21BX04532


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de circulation pendant une durée de 3 ans.

Par un jugement n° 2101760 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Takhedmit, dem

ande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2101760 du 28 octobre 2021 du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de circulation pendant une durée de 3 ans.

Par un jugement n° 2101760 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Takhedmit, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2101760 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de circulation pendant une durée de 3 ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de procéder à l'examen de sa situation au regard de son droit à l'admission au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation et révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ; la préfète ne précise pas en quoi son comportement général constitue une réelle menace à l'ordre public et ne mentionne aucun élément sur sa vie privée et familiale ;

- la menace à l'ordre public n'est pas constituée ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est en France depuis sept ans, et est entré sur ce territoire alors qu'il avait quatorze ans ; il ne dispose d'aucune attache familiale dans son pays d'origine ;

- l'absence de délai au départ volontaire n'est pas justifié ;

- l'interdiction de circulation sur le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public de sorte qu'aucune interdiction de circulation sur le territoire ne peut être prise à son encontre ;

- l'interdiction de circulation sur le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- à titre subsidiaire, la durée de l'interdiction de circulation est manifestement disproportionnée eu égard aux libertés fondamentales mises en cause.

Une ordonnance du 10 juin 2022 a fixé la clôture d'instruction au 10 août 2022 à 12 heures.

La préfète de la Gironde a produit un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant portugais né le 8 décembre 2000, a déclaré être entré en France en 2014. Il demande l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de renvoi et interdiction de circulation pendant une durée de 3 ans.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres éléments du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : /1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; /2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; /3° Ils sont inscrits dans un établissement (...) pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; /4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; /5° Ils sont le conjoint ou le descendant direct à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées au 3°." et aux termes de l'article L. 200-6 du même code : " Les restrictions au droit de circuler et de séjourner librement en France prononcées à l'encontre de l'étranger dont la situation est régie par le présent livre ne peuvent être motivées que par un comportement qui constitue, du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société./Il en va de même lorsque l'étranger dont la situation est régie par le présent livre a fait l'objet d'une peine d'interdiction du territoire, d'une décision d'expulsion, d'une interdiction de circulation sur le territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire. ".

5. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : /1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; /2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; /(...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".

6. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que la préfète de la Vienne s'est fondée, pour édicter une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A..., sur les deux premiers alinéas de l'article L. 251-1 précité, en retenant qu'il se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français, en l'absence de documents justifiant de son séjour régulier et que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné par le tribunal judiciaire de Poitiers le 25 juin 2020 à une peine d'emprisonnement de trois mois pour des faits, commis en récidive, d'acquisition non autorisée, usage illicite, détention non autorisée, transport non autorisé, offre ou cession non autorisée de stupéfiants et refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter. Eu égard à la gravité de ces faits et alors même que l'intéressé n'a fait l'objet que d'une seule condamnation pénale, la préfète de la Vienne a légalement pu estimer que son comportement constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Si M. A... soutient, sans l'établir, qu'il est entré à l'âge de 14 ans sur le territoire français où il a été scolarisé et qu'il n'a aucune attache au Portugal puisque toute sa famille proche réside à Poitiers, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfants à charge et ne justifie d'aucune intégration sociale et professionnelle significative, sans pouvoir se prévaloir de la circonstance qu'il conduit des démarches de recherche d'emploi soutenues par la mission locale. Il ne produit aucune pièce de nature à justifier de la réalité et de l'intensité des liens personnels et familiaux entretenus en France, notamment avec sa famille. Eu égard à ses conditions de séjour en France, la mesure d'éloignement n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision./ L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel. ".

10. La notion d'urgence prévue par les dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être interprétée à la lumière des objectifs de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004. Aussi, il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'urgence à éloigner sans délai de départ volontaire un citoyen de l'Union européenne ou un membre de sa famille doit être appréciée par l'autorité préfectorale, au regard du but poursuivi par l'éloignement de l'intéressé et des éléments qui caractérisent sa situation personnelle, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

11. Compte-tenu de la nature et des faits commis en récidive par M. A..., son comportement doit être regardé comme constituant, du point de vue de l'ordre public, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société de sorte que la préfète de la Vienne doit être regardée comme justifiant de la condition d'urgence, au sens des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour ne pas lui accorder un délai de départ volontaire, en l'absence de séjour régulier et de toute insertion particulière de l'intéressé sur le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de circulation sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ". Pour fixer la durée de l'interdiction de circulation sur le territoire français, l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à la situation de l'intéressé, notamment la durée de son séjour en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, ainsi que de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.

13. En premier lieu, M. A..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'interdisant de circulation sur le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.

14. En deuxième lieu, pour le même motif que celui exposé au point 8 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. En troisième lieu, pour le même motif que celui exposé au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de l'absence de menace à l'ordre public doit être écarté.

16. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui se maintient irrégulièrement sur le territoire français, sans avoir déposé de demande de titre de séjour, soit particulièrement inséré sur le territoire national alors qu'il est célibataire, sans charge de famille et qu'il ne justifiait d'aucune insertion sociale ou professionnelle. Eu égard à ces éléments, et alors qu'il a été condamné en récidive pour des faits d'acquisition, d'usage, de détention, de transport et d'offre ou cession non autorisées de stupéfiants, la préfète de la Vienne n'a pas entaché d'erreur d'appréciation sa décision en interdisant à M. A... de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Vienne du 25 juin 2021. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte B...La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX0 N° 21BX04532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04532
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;21bx04532 ?
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