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13/12/2022 | FRANCE | N°21BX03938

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 13 décembre 2022, 21BX03938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 2102112 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 12 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 2102112 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102112 du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui remettre un récépissé autorisant le séjour et le travail, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- la préfète de la Gironde a omis d'exercer sa compétence puisqu'elle fait uniquement référence aux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; elle n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; si la préfète avait procédé à un examen du dossier, elle n'aurait pas énoncé qu'elle est sans charge de famille alors qu'elle est mère d'un enfant de près d'un an ;

- l'administration n'énonce pas quelle a été la teneur de l'examen effectué quant aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'arrêté vise ses déclarations mais le document n'a pas été produit par la préfète, ce qui a placé le tribunal dans l'impossibilité de vérifier si cette audition portait bien sur la perspective de son éloignement vers son pays d'origine ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle bénéficie en France d'une prise en charge qui lui donne des perspectives de mener avec son enfant une vie familiale normale ;

- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a été victime d'un réseau de prostitution et est engagée dans un parcours de sortie de prostitution ; tant la CNDA que le comité d'étude et d'information sur la drogue et les addictions (CEID) la reconnaissent victime d'exploitation sexuelle ; le simple fait qu'elle ait été victime d'exploitation sexuelle démontre qu'elle encourt des risques personnels et directs en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 juin 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 11 août 2022 à 12 heures.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 26 août 1990, est entrée sur le territoire français le 5 septembre 2014. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 13 novembre 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 juin 2018, puis du rejet pour irrecevabilité de sa demande de réexamen, présentée sur le fondement des articles L. 741-1 et 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par l'OFPRA par décision du 17 septembre 2019, confirmée le 29 décembre 2020 par la CNDA, elle a fait l'objet, par arrêté préfectoral du 15 avril 2021, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par jugement n° 2102112 du 14 juin 2021 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête par laquelle l'intéressée a demandé l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 15 avril 2021.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. L'arrêté en litige vise les textes dont il fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 743-1 à 4, L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique les conditions d'entrée sur le territoire français de Mme A... et les décisions prises par l'OFPRA et la CNDA sur ses demandes d'asile. Il ajoute que l'intéressée n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit et que la décision qui lui est opposée ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté, qui n'avait pas à reprendre de manière exhaustive les éléments de la situation personnelle de l'intéressée, comporte ainsi une motivation en fait, suffisante pour permettre à la requérante de connaître les motifs du refus opposé à sa demande. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si Mme A... fait valoir que la préfète de la Gironde s'est fondée à tort sur la circonstance qu'elle est célibataire et sans charge de famille alors qu'elle est la mère d'un enfant né le 22 mai 2020 de sa relation avec un compatriote, l'administration répond avoir procéder à l'examen de la situation personnelle de l'intéressée au regard des éléments qui lui avaient été communiqués à la date de la décision contestée. Il ressort par ailleurs des mentions du mémoire en défense produit par la préfète devant le tribunal administratif que cette autorité a fait valoir que l'ancienneté et la stabilité de la vie familiale arguée par la requérante n'étaient pas établies. Le fait d'être parente d'un enfant né en France n'ouvrait pas, par lui-même, un droit particulier au séjour. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, en appréciant la situation personnelle de l'intéressée, aurait pris la même décision si elle n'avait pas commis cette erreur de fait sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Le moyen doit dès lors être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 723-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La collecte par l'office d'informations nécessaires à l'examen d'une demande d'asile ne doit pas avoir pour effet de divulguer aux auteurs présumés de persécutions ou d'atteintes graves l'existence de cette demande d'asile ou d'informations la concernant. /Sans préjudice des dispositions de l'article L. 733-4, ne sont pas communicables par l'office les informations versées au dossier du demandeur ou relatives à leurs sources dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité des personnes physiques ou morales ayant fourni ces informations ou à celle des personnes auxquelles elles se rapportent ou serait préjudiciable à la collecte d'informations nécessaires à l'examen d'une demande d'asile. ".

6. Il est loisible au demandeur d'asile, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Ainsi, la circonstance que la préfète de la Gironde a mentionné, dans l'arrêté contesté, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que celles de la Cour nationale du droit d'asile, n'est pas, à elle seule, de nature à laisser supposer que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation, et ce, dès lors, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait présenté des éléments nouveaux et, d'autre part, qu'il n'est nullement établi que la requérante aurait présenté une demande de titre qui aurait pu faire obstacle à une mesure d'éloignement. En outre, il ne peut sérieusement être reproché au représentant de l'État de ne pas passer outre la confidentialité des éléments d'information concernant les demandeurs d'asile. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de la requérante ne peut donc être accueilli.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Si Mme A... fait valoir sa présence en France depuis 2014, sa volonté d'intégration par son engagement associatif auprès d'une épicerie sociale depuis le 5 octobre 2020 et le souhait de reprendre les cours de français, elle n'établit toutefois pas, par les pièces produites, avoir tissé des liens personnels et sociaux en France. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans au moins. Eu égard au caractère récent de la vie familiale dont l'intéressée se prévaut et au jeune âge de son enfant, et en l'absence de toute circonstance faisant obstacle à ce qu'elle poursuive sa vie familiale dans son pays d'origine, accompagnée du père de son enfant, de même nationalité et en situation irrégulière, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour aurait été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces dispositions et stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger, faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un État pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet État, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

10. Mme A... soutient qu'elle a été victime d'un réseau de traite des êtres humains qui a organisé son départ pour la France et l'a obligée à se prostituer et qu'elle encourt des risques de représailles en cas de retour au Nigéria. S'il ressort des pièces produites par l'appelante et notamment d'une attestation d'un membre d'une association spécialisée d'aide aux victimes de la prostitution du 7 octobre 2019 qu'elle a été victime d'un réseau de prostitution d'origine nigériane, les éléments versés au dossier ne permettent pas de regarder comme établi le fait qu'elle était encore exposée, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, à des risques de représailles de la part des membres de ce réseau. Sa demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par une décision du 13 novembre 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 29 décembre 2020 par la Cour nationale du droit d'asile.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 15 avril 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte C...La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03938
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;21bx03938 ?
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