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13/12/2022 | FRANCE | N°20BX00810

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 13 décembre 2022, 20BX00810


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2020 et un mémoire enregistré le 10 juin 2021, la société Ferme éolienne de Mauprévoir représentée par Me Guiheux demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 6 janvier 2020 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation unique pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Mauprévoir ;

2°) de lui délivrer l'a

utorisation d'exploiter sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2020 et un mémoire enregistré le 10 juin 2021, la société Ferme éolienne de Mauprévoir représentée par Me Guiheux demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 6 janvier 2020 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation unique pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Mauprévoir ;

2°) de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Vienne sous astreinte de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté reproche à tort, au dossier de demande de ne pas avoir tenu compte du projet développé par la régie locale d'électricité, la société Sergies ; en effet, la demande d'autorisation de cette société est intervenue postérieurement à la sienne ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- les trois motifs de refus sont entachés d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- le site ne présente, par lui-même, aucune sensibilité justifiant une protection particulière ; le projet n'a pas d'impact visuel sur l'abbaye de La Réau, le château de Mauprévoir, l'église de Payroux, le paysage de la rivière de Payroux ; c'est également au prix d'une erreur d'appréciation que l'autorité préfectorale a considéré que les éoliennes litigieuses " accentueraient " l'effet de saturation visuelle ; c'est également à tort que le ministre fait valoir que le balisage des éoliennes aurait un impact sur le paysage ;

- c'est à tort que l'arrêté attaqué se fonde sur le prétendu effet barrière pour l'avifaune et les chiroptères qui résulterait de la proximité du projet litigieux avec celui de la société Sergies ; le site d'implantation est situé en dehors de toute zone de protection spéciale (ZPS) et possède une faible emprise sur l'axe de migration Nord/Sud de la grue cendrée ; les zones à fort enjeux ont été évitées ; l'emprise du parc sur l'axe principal de migration est faible ; l'espacement entre les éoliennes (entre 500 m et 750 m, plus élevé que celui du parc éolien de Sergies, de l'ordre de 420 m à 720 m), permet la circulation des oiseaux entre celles-ci, sans les obliger à systématiquement contourner le parc ; un bridage des éoliennes est prévu ; un arrêt des machines en périodes agricoles susceptibles d'attirer les rapaces et oiseaux charognards est également prévu ; concernant les chiroptères, trois mesures d'évitement et une mesure de réduction fortes ont été prises ;

- c'est à tort que la décision attaquée se fonde sur la circonstance que les éoliennes litigieuses seraient implantées à une distance insuffisante des éoliennes qui seront exploitées par la société Sergies ; la seule circonstance que ces éoliennes soient situées à moins de 500 mètres des éoliennes projetées ne permet pas, en elle-même, d'établir l'existence d'un risque pour la sécurité publique ; la ministre commet une erreur de fait en indiquant dans son mémoire en défense que " certaines éoliennes de deux projets [sont] à moins de 135 mètres l'une de l'autre " alors que l'exposante, qui a calculé les inter-distances exactes à partir des coordonnées déposées, relève que la distance minimale est de 162 mètres entre les éoliennes E2 de Sergies et Volkswind ; s'agissant des autres éoliennes, la distance est comprise pour la grande majorité d'entre elles au-delà de la distance correspondant à deux diamètres de rotors (i.e. 272 mètres), entre 274 et 490 mètres ; dès lors que comme le relève la ministre elle-même dans son mémoire en défense, conformément aux recommandations faites par l'INERIS les " effets domino " ne sont étudiés et n'ont à être pris en compte que pour les autres installations classées situées à moins de 100 mètres, c'est au prix d'une erreur de droit que le refus est fondé, en l'espèce, sur l'existence d'un " effet domino " induit par le projet.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 9 juillet 2021, la SNC Abbaye royale de La Réau représentée par Me Lelong, avocat, demande à la cour de déclarer son intervention recevable et de rejeter la requête de la société Ferme Eolienne de Mauprévoir. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 juillet 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Rochard, représentant la société Ferme éolienne de Mauprévoir,

- et les observations de Me Lelong, représentant la SNC Abbaye royale de La Réau.

Une note en délibéré présentée par la société Ferme éolienne de Mauprévoir a été enregistrée le 24 novembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne de Mauprévoir a déposé le 27 février 2017, une demande d'autorisation unique qu'elle a complétée les 17 mars 2017, 6 juin 2018 et 6 septembre 2018 en vue de créer et d'exploiter, sur le territoire de la commune de Mauprévoir une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, comprenant, d'une part, six aérogénérateurs d'une puissance nominale de 3,6 MW et d'une hauteur en bout de pale comprise de 180 mètres et d'autre part, un poste de livraison. Par un arrêté du 6 janvier 2020, la préfète de la Vienne a rejeté sa demande. La société Ferme Eolienne de Mauprévoir demande à la cour l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention :

2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. La SNC Abbaye royale de La Réau est propriétaire de l'ancienne abbaye de La Réau située à 1,2 kilomètre du projet d'éoliennes en litige. Compte tenu de la faible distance séparant les éoliennes envisagées de ce monument, et de la taille de celles-ci, l'annulation de l'arrêté attaqué est susceptible d'avoir un impact sur la SNC Abbaye royale de La Réau. Dès lors, cette société justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions en défense présentées par l'Etat. Ainsi l'intervention de cette société est recevable.

Sur la légalité du refus d'autorisation d'exploiter :

4. Aux termes, d'une part, de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " I. - A titre expérimental, (...) sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé "autorisation unique" (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...), avant le 1er mars 2017 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ".

5. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 511-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

6. En premier lieu, par l'arrêté attaqué, la préfète de la Vienne a refusé au visa, notamment, de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, de délivrer à la société Ferme éolienne de Mauprévoir une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent. Pour refuser de délivrer l'autorisation attaquée, la préfète s'est fondée sur trois motifs.

7. De première part, elle a relevé que les éoliennes du projet se trouvent à 1,2 kilomètre de l'ancienne abbaye de La Réau classée au titre des monuments historiques, à 1,6 kilomètre du châtelet du château de Mauprévoir, inscrit au titre des monuments historiques, et, également, à 3,1 kilomètres de l'église de Payroux, inscrite au titre des monuments historiques, surplombant le paysage de la vallée de Payroux. Elle en a déduit que " les six éoliennes composant le projet, d'une hauteur de 180 mètres (pales comprises), auront par leur taille et hauteur importante un impact fort dans ce paysage sensible, portant non seulement atteinte à la qualité des abords patrimoniaux des monuments historiques par des éléments émergents artificiels, mais aussi au paysage séculaire et pittoresque de la rivière de Payroux, et aux perspectives depuis la route D28, chemin des abbayes et monuments du Haut-Poitou " et que " ce porté-atteinte était d'autant plus augmenté par le mouvement tournant des pales, et le clignotement des lumières, dérangeant un coucher de soleil (paysage du Payroux) ou un lever de soleil (paysage depuis l'ancienne abbaye de La Réau) ". Elle a encore relevé la co-visibilité, constatée dans l'étude paysagère jointe à la demande présentée par la société Ferme éolienne de Mauprévoir, entre les éoliennes et le parking d'accueil, d'une part, la voie d'accès, d'autre part, de l'ancienne abbaye de la Réau et considéré que " l'absence de prise de vue depuis les parties publiques de l'ancienne abbaye ne permet pas d'écarter le risque d'impact encore supérieur à ce niveau ". Elle a enfin relevé que deux demandes d'autorisation d'exploiter un parc éolien ont été déposées sur le même secteur (commune de Mauprévoir), l'une portée par la société Sergies, l'autre par la société Ferme éolienne de Mauprévoir et que compte tenu de leur proximité immédiate et de leur hauteur différente, cette situation était de nature à accentuer l'effet de saturation visuelle, pour les hameaux, et d'impact paysager, pour les monuments inscrits et classés au titre des monuments historiques et d'engendrer une incohérence visuelle.

8. De deuxième part, la préfète a relevé que la proximité immédiate des deux projets de parcs éoliens portés par la société pétitionnaire et par la société Sergies accentuait " l'effet barrière en matière de biodiversité, tant pour l'avifaune que pour les chiroptères ".

9. De troisième part, elle a relevé que d'un point de vue aérodynamique les éoliennes doivent être suffisamment distantes les unes des autres afin que les perturbations liées aux courants d'air engendrés par la rotation des pales soient atténuées au niveau de l'éolienne voisine et que si le projet prévoit une implantation des éoliennes à 490 mètres minimum les unes des autres, toutefois certains aérogénérateurs sont situés à moins de 180 mètres de ceux du parc de la société Sergies, autorisé par arrêté préfectoral du 7 octobre 2019 de sorte qu'en cas de chute d'une éolienne, il existe un risque d'effet domino de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et, notamment, à la sécurité d'une partie des aérogénérateurs concernés.

10. Cet arrêté qui identifie précisément et de manière détaillée les inconvénients du projet au regard de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, est suffisamment motivé en droit et en fait. La circonstance que la préfète ait pris en compte le projet développé par la société Sergies, régie locale d'électricité, alors que la demande d'autorisation de cette société est intervenue postérieurement à la sienne est en tout état de cause sans influence sur la motivation formelle de l'arrêté.

11. En deuxième lieu, pour statuer sur une demande d'autorisation unique, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'atlas des paysages Poitou-Charentes que la commune de Mauprévoir est située sur l'entité paysagère Les Terres de Brandes où le motif végétal se décline en bosquets, taillis ou autres forêts d'assez faibles rendements. Il ressort également de l'étude paysagère produite par la requérante que le site d'implantation est composé de trois ambiances paysagères différentes (plaine, bocage, vallée) qui présentent à la fois des vues dégagées depuis les plaines et des vues fermées et plus intimistes depuis le bocage et le fond des vallées a priori favorables à l'implantation d'éoliennes. Le paysage comporte d'ailleurs déjà 122 aérogénérateurs dans un rayon de 20 km. Il ressort enfin du rapport de l'inspecteur des installations classées en date du 17 décembre 2019 que le paysage du périmètre intermédiaire se caractérise par une juxtaposition de familles paysagères qui sont bornées par les vallées principales du territoire, à savoir le Clain, la Charente et la Vienne et que le principal enjeu patrimonial du projet est constitué par la localisation de trois monuments historiques, l'abbaye de La Réau à 1,2 km au nord du projet éolien, l'église de Payroux à 3,1 km, surplombant le paysage de la vallée du Payroux et le château de Mauprévoir à 1,6 km à l'ouest du projet.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport précité de l'inspecteur des installations classées que s'il n'existe aucune covisibilité entre le projet en cause et l'abbaye de La Réau qui est implantée dans un écrin paysager, ce projet est toutefois visible depuis l'allée de l'abbaye (4 éoliennes sont visibles), et depuis l'entrée de l'abbaye, au niveau du parking (4 éoliennes) en période hivernale. Or, selon l'avis défavorable du 8 mars 2019 rendu par le commissaire enquêteur à l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du lundi 7 janvier 2019 au vendredi 8 février 2019, l'impact sur l'abbaye de La Réau constitue un point particulièrement sensible du projet qui a été sous-estimé dans l'étude d'impact paysagère laquelle ne traduit pas la réalité des angles de vue et des écrans végétaux sur ces deux monuments. Le commissaire-enquêteur s'approprie, à cet effet, les différents photomontages produits par des opposants au projet et réalisés à partir de ballons par la société Sergies dans sa propre demande d'autorisation pour le parc éolien voisin, lesquels traduisent un impact moyen ou fort sur le paysage. En outre, cette abbaye est classée monument historique depuis le 4 octobre 1941 pour une partie et depuis le 2 septembre 1994 pour une autre. Il ressort encore du rapport de l'inspecteur des installations classées que pour le châtelet (inscrit) du château de Mauprévoir à 1,6 km à l'ouest du projet, s'il est conclu à une absence de risque de co-visibilité du fait d'une végétation abondante, en revanche, en matière de visibilité du projet depuis le château, l'étude des photomontages en vue estivale et en vue hivernale amène à considérer un impact fort à proximité du château puisque deux éoliennes (E5 et E6) sont visibles, une autre n'étant que partiellement masquée. L'étude paysagère produite au dossier selon laquelle " les impacts du projet de Mauprévoir sur le patrimoine sont faibles du fait de nombreux masques présents sur le territoire " sous-estime donc l'impact du projet sur le paysage. Dans ces conditions, c'est sans portée utile que la société requérante fait valoir que les impacts cumulés avec les autres parcs seraient faibles en raison des masques végétaux et de la distance entre les parcs en ce que l'indice d'occupation de l'horizon ne dépasserait pas le seuil d'alerte de 120° sur les espaces de respiration. Au demeurant, alors que la hauteur des éoliennes projetées est supérieure de 30 mètres à celles prévue pour la réalisation du parc de la société Sergies, situé sur le même site d'implantation, cette situation créerait des points de vue et un impact visuel plus forts sur les monuments précités que ne pourrait masquer un éventuel renforcement des espaces boisés et des haies bocagères. Le projet induit donc un effet de saturation visuelle et une disharmonie paysagère. Dans ces conditions, en refusant de délivrer l'autorisation unique sollicitée pour le motif retenu, la préfète de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

14. En troisième lieu, il ressort du rapport du commissaire-enquêteur et du rapport de l'inspecteur des installations classées, que le projet de ferme éolienne de Mauprévoir présente des faiblesses par rapport à la protection de l'avifaune, que deux espèces de rapaces affichent une vulnérabilité forte, le Milan noir et le Faucon crécerelle " quoiqu'" un faible nombre de contacts en période de reproduction a été relevé ". Il ressort aussi de la contribution de la Ligue de la protection des oiseaux en date du 7 février 2019 que " La zone d'implantation choisie est située sur un axe majeur de la migration de la Grue cendrée en Vienne, avec jusqu'à 5 000 individus recensés la même journée (densité forte) ", que " les 6 machines prévues pour ce projet ne sont pas regroupées sur une zone restreinte mais sont placées perpendiculairement à l'axe de migration, augmentant ainsi les risques de collision pour les oiseaux " et que " ce projet pose problème quant à sa localisation car situé à moins de 2,5 kilomètres de la Zone de Protection Spéciale " Région de Pressac, étang de Combourg ", site Natura 2000 désigné pour sa diversité d'espèces d'intérêt communautaire qui fréquentent le site en période de nidification, d'hivernage ou de migration (anatidés, ardéidés...) ". Enfin, la proximité immédiate des deux demandes d'autorisation d'exploiter un parc éolien portées par la société pétitionnaire et par la société Sergies accentuerait l'effet barrière en matière de biodiversité, pour la grue cendrée. S'il est vrai que les grues cendrées volent généralement à des altitudes élevées, l'étude d'impact indique qu'il existe un risque d'effarouchement, voire de collision, en cas de mauvaises conditions météorologiques (brouillard, vents forts) qui obligeraient les grues à abaisser leur hauteur de vol. Par suite et nonobstant les mesures envisagées d'évitement et de réduction, la préfète de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que le projet présentait un risque en matière de biodiversité.

15. En dernier lieu, il ressort des pièces du projet et notamment du pré-rapport de l'inspection des installations classées du 10 septembre 2018 que les 6 aérogénérateurs du projet sont composés d'un rotor de 136 mètres de diamètre. Alors que la proximité entre des aérogénérateurs favorise les phénomènes de turbulences au point qu'en deçà d'un périmètre inférieur à deux diamètres de rotor, le niveau de turbulences rend impossible techniquement l'implantation d'une autre éolienne, des éoliennes du parc en litige et de celui pour lequel la société Sergies a obtenu une autorisation le 7 octobre 2019 sont situées à moins de 180 mètres - 162 mètres entre les éoliennes E2 de Sergies et Volkswind - les unes des autres, de sorte qu'il existe, en cas de chute d'une éolienne, un risque " d'effet domino ", certes limité, de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et, notamment, à la sécurité d'une partie des aérogénérateurs concernés. Par suite, la préfète de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en prenant en compte ce risque de chute.

16. Il résulte de tout ce qui précède, que la requête de la société Ferme éolienne de Mauprévoir doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la SNC Abbaye royale de la Réau est admise.

Article 2 : La requête de la Ferme éolienne de Mauprévoir est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de Mauprévoir et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

Nicolas B...

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00810
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;20bx00810 ?
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