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13/12/2022 | FRANCE | N°20BX00805

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 5), 13 décembre 2022, 20BX00805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes enregistrées sous le n° 1800445 et le n° 1800967, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Pau, à titre principal, d'annuler la décision du 5 janvier 2018 par laquelle l'administratrice générale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques a ordonné le reversement de la somme de 60 028,52 euros, représentant un indu de rémunération, ainsi que la décision du 4 avril 2018 en tant que la même autorité a confirmé cette dernière, à titre subsidiaire, de ramener la som

me laissée à sa charge à 7 698,09 euros, d'enjoindre au directeur départemental des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes enregistrées sous le n° 1800445 et le n° 1800967, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Pau, à titre principal, d'annuler la décision du 5 janvier 2018 par laquelle l'administratrice générale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques a ordonné le reversement de la somme de 60 028,52 euros, représentant un indu de rémunération, ainsi que la décision du 4 avril 2018 en tant que la même autorité a confirmé cette dernière, à titre subsidiaire, de ramener la somme laissée à sa charge à 7 698,09 euros, d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques de lui rembourser la somme, indument prélevée sur son traitement, de 1 547,51 euros avec intérêts depuis la perception par l'administration de cette somme, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un jugement n° 1800445, 1800967 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 6 000 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mars 2020 et le 14 février 2022, M. D..., représenté par Me Mendiboure, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du comportement fautif de l'administration et de la persistance d'une situation de harcèlement moral ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 60 028,52 euros bruts, versée à tort ;

4°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques de lui rembourser la somme, indument prélevée sur son traitement, de 1 547,51 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 620 euros au titre de frais d'instance et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'Etat avait commis une négligence fautive à son égard en lui maintenant à tort un régime de rémunération auquel il ne pouvait plus prétendre ; l'absence de prise en compte de sa situation s'inscrit dans le cadre d'un contexte de harcèlement moral avéré et reconnu par la cour, qui a condamné l'Etat sur ce fondement à l'indemniser à hauteur de 10 000 euros ; l'absence de réaction de l'administration des finances publiques durant près de trente mois est constitutive d'une faute révélatrice d'une volonté de lui nuire ; cette volonté de lui nuire est également caractérisée par le refus de l'administration de lui accorder la protection fonctionnelle à laquelle il pouvait prétendre et d'accéder à son dossier administratif, constaté par le tribunal administratif ; son placement en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée, n'est que la conséquence du harcèlement moral subi, dès lors que sans ce harcèlement et les arrêts de travail en résultant, il aurait continué de percevoir la totalité de sa rémunération, aurait pu évoluer dans son emploi et ne pas être mis à la retraite pour invalidité ;

- la créance qui lui a été réclamée au titre d'un trop perçu de rémunération est atteinte par la prescription biennale au titre des années 2016 et 2017, à défaut d'avoir été interrompue par un acte régulier, en application de l'article 37-1 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ; l'administration n'a pas respecté les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 dès lors que les lettres des 5 janvier et 4 avril 2018 n'ont pu interrompre la prescription, qualifiées par les premiers juges de mesures préparatoires, insusceptibles de recours ;

- son préjudice moral, qu'il évalue à la somme de 12 000 euros, est imputable aux conséquences néfastes sur sa santé du harcèlement moral subi, alors que la demande de remboursement des salaires indûment versés a aggravé sa détresse morale et son anxiété, entraînant son départ anticipé en retraite pour invalidité le 1er avril 2019 ; l'erreur de liquidation commise à son détriment est constitutive d'un nouvel agissement de harcèlement moral ;

- son préjudice économique, qu'il chiffre à la somme de 25 000 euros, est établi, dès lors que le versement à tort pendant trente mois d'une rémunération indiciaire complète et de son régime indemnitaire l'a induit en erreur quant à la date à laquelle il pouvait demander sa mise à la retraite pour invalidité ; il en résulte un préjudice résultant du différentiel entre le montant de sa pension et les salaires perçus entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2019 d'un montant de 4 772 euros ; il a subi un surcoût d'imposition sur les sommes versées à tort de l'ordre de 8 222 euros ; il justifie du traitement tardif de sa demande d'admission à la retraite ;

- il est en droit de réclamer le montant réel des frais d'avocat qu'il a dû engager, à hauteur de 3 120 euros, selon factures, qui excède la somme allouée de 1 200 euros par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de M. D....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., né en 1954 et qui a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité au 1er avril 2019, était agent de l'administration fiscale depuis 1973, puis inspecteur des impôts à compter de l'année 1981, et affecté en dernier lieu en qualité d'enquêteur au sein de la brigade de contrôle et de recherche de Bayonne. Il a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique. Par jugement n°1301395 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Toutefois, par un arrêt n° 15BX02175 du 9 mai 2017, la cour a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice résultant de faits de harcèlement moral.

2. M. D... a été placé en congé de longue maladie à compter du 14 avril 2011, requalifié en congé de longue durée imputable au service par décision du 22 juin 2015. M. D... n'a pas repris ses fonctions depuis lors. Par lettre du 5 janvier 2018, l'administratrice générale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques a informé M. D... qu'il était redevable de la somme de 60 028,52 euros, représentant un indu de rémunération, du fait d'une erreur dans le versement de sa rémunération, maintenue de façon indue à plein traitement depuis le 23 juin 2015, Par deux courriers du 9 janvier 2018 et du 5 février 2018, M. D... a sollicité d'être déchargé du paiement de cette somme en se prévalant de l'erreur fautive de l'administration. Par une lettre du 4 avril 2018, la même autorité a informé l'intéressé de l'existence d'une retenue sur son traitement à compter du mois de mars 2018 et de ce que ce précompte porterait également sur l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires et sur la prime de rendement, en rejetant la demande tendant à la diminution ou la décharge de la dette en litige.

3. M. D... a alors saisi, par requêtes distinctes, le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de la lettre du 5 janvier 2018 par laquelle l'administratrice générale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques l'a informé de son obligation de rembourser la somme de 60 028,52 euros au titre d'un trop-perçu de rémunération, ainsi que la décision du 4 avril 2018 en tant que la même autorité a confirmé cette dernière, à ramener la somme mise à sa charge à 7 698,09 euros et à condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et des troubles subis dans ses conditions d'existence. Par un jugement n° 1800445, 1800967 du 19 décembre 2019, ce tribunal a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions et conclut à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, à être entièrement déchargé des sommes réclamées au titre du trop-perçu de rémunération et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui restituer les sommes précomptées sur ses traitements des mois de mars, avril et mai 2018 à hauteur de 1 547,51euros. Par un mémoire en défense, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui ne conteste pas le principe de la responsabilité de l'Etat, conclut au rejet de la requête de M. D....

Sur la demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 60 028,52 euros :

4. Aux termes de l'article de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. (...). " Les règles fixées par cet article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification.

5. Il résulte de l'instruction, et en particulier du recours gracieux du 9 janvier 2018 et du 14 février 2018 que le requérant a lui-même adressé à la directrice départementale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques, qu'il a été destinataire d'une lettre du 5 janvier 2018 par laquelle il a été informé de l'existence d'un trop perçu de rémunération d'un montant estimatif de 60 028,52 euros sur la période allant du 14 avril 2016 au 31 décembre 2017 et lui demandant de lui faire part de son choix quant aux modalités de régularisation de cette créance, soit par précompte sur la paie soit par l'émission ultérieure d'un titre de perception correspondant au trop-perçu de rémunération au titre de la période en cause, sollicitation à laquelle il n'a pas donné suite. Le ministre fait valoir que la somme non prescrite s'élève à 60 028,52 euros, ce qui n'est contredit ni par les éléments de calcul produits par M. D... ni par l'ensemble des pièces versées au dossier. Par suite, M. D... n'est pas fondé à demander, en application de ces mêmes dispositions, à être déchargé par l'effet de la prescription prévue par l'article 37-1 précité du remboursement de cette somme.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne la carence fautive de l'administration :

6. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation. Il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement. Néanmoins, la responsabilité de l'administration peut être engagée pour négligence fautive, si elle tarde à corriger une telle erreur et à réclamer le reversement des sommes payées à tort.

7. Il est constant que, par une décision du 14 octobre 2011, M. D... a été placé en congé de longue maladie. Ce congé de longue maladie a ensuite été requalifié rétroactivement en congé de longue durée par une décision du 22 juin 2015, et a été renouvelé. Ce congé de longue durée a été également reconnu comme étant imputable au service par une décision du même jour, lui ouvrant droit au maintien de son plein traitement durant cinq années à compter du 14 avril 2011, de sorte que ce droit à plein traitement expirait le 14 avril 2016, ce que l'administration ne pouvait ignorer. Le maintien de ces versements a constitué une erreur de liquidation. Il appartenait alors à l'administration de corriger cette erreur et de demander à l'intéressé le recouvrement des sommes indûment payées. Par suite, M. D... n'est pas fondé à demander la décharge de l'obligation de payer cet indu.

8. Toutefois, il est constant que l'administration a continué postérieurement au 14 avril 2016 à verser à M. D... son entier traitement pendant une durée de 20 mois jusqu'au 31 décembre 2017. En outre, l'administration n'a informé M. D... de l'existence d'un trop-perçu que le 5 janvier 2018. Par suite, la perception prolongée par l'intéressé d'une rémunération à taux plein postérieurement au 14 avril 2016 alors qu'il avait, à cette date, épuisé ses droits à congé de longue durée, est imputable à l'administration alors qu'elle ne pouvait ignorer que cette position statuaire ne lui conférait pas de droit au maintien d'un traitement à taux plein au-delà du 14 avril 2016 et n'a pris aucune mesure pendant 20 mois. Ainsi qu'en a jugé à bon droit le tribunal, cette négligence prolongée de l'administration constitue une faute engageant la responsabilité de l'Etat à l'égard du requérant.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'établit pas qu'en lui allouant une indemnité de 6 000 euros en réparation du retard fautif mis par l'administration à corriger une erreur de liquidation, compte tenu notamment de la durée pendant laquelle se sont étendues les perceptions irrégulières, et alors même qu'il a été de bonne foi, le tribunal aurait fait une appréciation erronée de l'ensemble de son préjudice.

10. Pour solliciter une majoration de l'indemnité allouée en premier instance, au titre du préjudice subi, M. D... soutient que la perception prolongée de sa rémunération à plein traitement l'a induit en erreur sur la date à laquelle il pouvait faire valoir ses droits à la retraite et que, par voie de conséquence, cette erreur de liquidation est à l'origine directe de son départ en retraite pour invalidité au 1er avril 2019. Toutefois, d'une part, il est constant que M. D... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2019, sur sa demande présentée le 25 septembre 2018, date à laquelle ses droits à congés de longue durée pour maladie imputable au service étaient expirés. D'autre part, s'il est exact qu'il a été informé de l'existence de ce trop-perçu par courrier du 5 janvier 2018, il n'a adressé sa demande d'admission à la retraite qu'en septembre 2018. Par suite, la date à laquelle M. D... a décidé à faire valoir ses droits à la retraite est sans lien avec l'erreur de liquidation commise par l'administration.

11. Si M. D... demande la somme de 4 772 euros correspondant à la différence entre le traitement perçu et la pension de retraite qu'il aurait dû percevoir entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2019, le ministre fait valoir que la pension de M. D... a été liquidée sur la base d'un indice de rémunération correspondant à sa promotion au grade d'inspecteur divisionnaire à compter du 1er octobre 2018. Si le requérant objecte que la carence fautive de l'administration lui a néanmoins fait perdre une chance de poursuivre son activité professionnelle jusqu'à l'âge de 66 ans, il a été déclaré définitivement inapte à tout poste de travail notamment lors des expertises médicales réalisées les 4 novembre 2017 et 29 décembre 2018 et a été admis, à sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2019. Par suite, en se bornant à produire une note de calcul théorique établie par ses soins selon laquelle il aurait perdu environ 318 euros par mois sur cette période, le préjudice financier allégué n'est pas établi.

12. M. D... soutient que la faute de l'administration l'a conduit à acquitter des impôts sur une rémunération qu'il ne devait pas percevoir, en invoquant un surcoût d'imposition de 8 222 euros sur ses revenus perçus en 2016 et en 2017. Toutefois, si les sommes dont le requérant a dû reverser à l'Etat une partie a été retenue pour l'assiette de l'impôt sur le revenu auquel l'intéressé a été assujetti pour les années au titre desquelles il les avait perçues, le requérant est en droit d'obtenir une révision corrélative de ces impositions. Dès lors, il n'est pas fondé à se prévaloir de ce qu'il a acquitté l'impôt sur le revenu sur la totalité de ces sommes pour soutenir qu'il a, de ce chef, subi un préjudice indemnisable.

En ce qui concerne la responsabilité fautive tenant à un harcèlement moral :

13. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

14. Il résulte de l'instruction que, par un arrêt n° 15BX02175 du 9 mai 2017, devenu définitif, la cour a fait partiellement droit à la demande indemnitaire de M. D..., présentée sur le fondement du harcèlement moral subi dans l'exercice de ses fonctions d'enquêteur au sein de la brigade de contrôle et de recherche de Bayonne, en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices en résultant. Dans le cadre de la présente instance, M. D... soutient que la perception prolongée par lui d'un plein traitement après l'expiration de son congé de longue durée alors que sa position statutaire qui était connue de l'administration depuis le 22 juin 2015 ne lui ouvrait plus ce droit, procède d'agissements répétés de harcèlement moral, révèle une intention de lui nuire et s'inscrit dans le prolongement des agissements ayant conduit à la condamnation de l'Etat par l'arrêt de la cour susmentionné. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'erreur commise par l'administration pour avoir maintenu à tort sa rémunération à taux plein durant 20 mois, le retard mis à l'en informer et à y mettre un terme résulteraient d'une intention malveillante de l'administration susceptible de révéler des agissements constitutifs de harcèlement moral dont il serait fondé à demander l'indemnisation.

15. C'est donc à juste titre que les premiers juges, au point 7 de leur jugement, n'ont pas retenu la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. D... sur ce fondement et ont rejeté ses conclusions indemnitaires présentées à ce titre.

En ce qui concerne le préjudice lié aux frais destinés à couvrir les frais d'avocat :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée (...) ".

17. Si les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause.

18. M. D... réclame la somme de 3 120 euros destinée à couvrir les frais d'avocat exposés pour sa défense dans l'instance ayant donné lieu au jugement attaqué du tribunal administratif de Pau, qui a condamné l'Etat au versement de la somme de 1 200 euros au titre des frais d'irrépétibles. Toutefois, les six factures qu'il produit ne permettent pas d'établir, compte tenu de leur imprécision, qu'elles se rapportent toutes aux affaires n° 1800445 et n° 1800967 qui ont fait l'objet du jugement attaqué, alors qu'au demeurant le requérant avait engagé d'autres instances tant au fond qu'en référé. Dans ces conditions, M. D... ne justifie pas en appel avoir exposé des frais d'avocat destinés à assurer sa représentation dans le cadre des instances n° 1800445 et n° 1800967 ayant donné lieu à la décision du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2019. Dès lors, le tribunal administratif n'étant pas tenu, compte tenu des termes de l'article L. 761-1 précité, d'accorder à l'intéressé l'intégralité des sommes engagées, il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges aient commis une erreur d'appréciation en accordant à M. D... une somme de 1 200 euros au titre des frais non compris dans les dépens. Par suite, les conclusions de M. D... tendant à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice lié aux frais destinés à couvrir les frais d'avocat doivent être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué n°1800445, 1800967 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Pau.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques de rembourser à M. D... les sommes de 1 547,51 euros prélevées sur ses traitements des mois de mars à mai 2018. Ses conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Didier Artus, président de la 3ème chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Agnès B...Le président,

Luc DEREPASLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX00805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX00805
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCPA MENDIBOURE-CAZALET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;20bx00805 ?
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