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29/11/2022 | FRANCE | N°22BX00790

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 novembre 2022, 22BX00790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2101499 du 10 décembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars

2022, M. B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2101499 du 10 décembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2022, M. B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à lui-même sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté litigieux est fondé, à tort, sur le caractère non probant des documents d'état civil qu'il a fournis :

- cet arrêté est fondé sur un avis du collège de médecins de l'OFII qui n'est pas signé ;

- cet arrêté a méconnu les dispositions des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est privée de base légale par l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a méconnu les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et privée de base légale par l'illégalité des décisions sur lesquelles elle est fondée ;

- la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2022 par une ordonnance du 20 septembre 2022.

Un mémoire du préfet de la Vienne a été enregistré le 4 novembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être né le 2 mai 2001 à Conakry et être entré irrégulièrement sur le territoire français le 20 février 2017. Il a été opéré le 8 août 2017 à Poitiers des séquelles d'un accident de la circulation dont il a été victime en Guinée en 2013 et a dû, à la suite de complications, être amputé le 8 novembre 2019 au tiers moyen de la cuisse droite. Il a ensuite bénéficié d'un titre de séjour temporaire en raison de son état de santé, valable du 10 août 2020 au 9 février 2021. Par un arrêté du 11 mai 2021, la préfète de la Vienne a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 10 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que la décision lui refusant le séjour ainsi que celle fixant le pays de renvoi seraient insuffisamment motivées et que l'arrêté litigieux n'aurait pas été précédé d'un examen de sa situation personnelle, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux du 11 mai 2021 n'est pas fondé sur l'insuffisance des justificatifs présentés par M. B... pour établir son état civil mais se borne à rappeler que la cellule de lutte contre la fraude documentaire a, antérieurement à la délivrance d'un premier titre de séjour à son profit, rendu un avis défavorable concernant les pièces d'état civil présentées. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de ce qu'il justifiait suffisamment de son identité.

4. En troisième lieu, l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

5. D'une part, si M. B... soutient que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 15 avril 2021 au vu duquel l'arrêté litigieux a été pris n'est signé que par un seul des trois médecins composant ce collège, il ressort de l'avis produit que cet avis comporte effectivement une seule signature manuscrite mais que les deux autres médecins l'ont également signé en y apposant leur tampon personnel.

6. D'autre part, le collège de médecins a considéré qu'à l'issue de l'amputation subie par M. B..., son état de santé ne nécessitait plus une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contredire cet avis médical, M. B... entend faire valoir que la fracture ouverte du tibia dont il a été victime dans son pays d'origine n'y a pas été correctement traitée, qu'il est pris en charge par le centre hospitalier universitaire de Poitiers pour une hémophilie mineure A..., qu'il y bénéficie d'un suivi spécialisé en rééducation pour adaptation de la prothèse du membre inférieur droit et qu'il consulte une psychologue depuis l'automne 2020. Toutefois, il n'établit pas que cette hémophilie ne pourrait être prise en charge, en cas de traumatisme, dans son pays d'origine, ni que l'interruption de cette rééducation ou de ce soutien psychologique pourraient avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité en se bornant à produire une attestation particulièrement peu circonstanciée établie par un médecin généraliste le 1er juin 2021, qui ne précise, en particulier, pas de quelles pathologies il est atteint ni les motifs pour lesquels une prise en charge adaptée ne serait pas disponible dans son pays d'origine, ainsi qu'un certificat médical établi par un praticien hospitalier le 25 mai 2021, postérieurement à l'arrêté litigieux, qui évoque uniquement un risque de plaies risquant elles-mêmes de nécessiter l'arrêt de l'utilisation de la prothèse susmentionnée en cas d'interruption de la rééducation. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait méconnu les dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B... fait valoir qu'il bénéficie en France d'un accompagnement spécifique lié à son handicap, qu'il s'est vu accorder le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés, de la carte " mobilité " ainsi que de la carte " mobilité inclusion " et qu'il a entrepris des démarches afin de passer un permis de conduire adapté. Il ajoute qu'il a été scolarisé avec de très bons résultats en seconde année de CAP en 2018/2019 et produit un certificat d'inscription dans la même année d'études pour 2019/2020. En outre, il bénéficie d'un logement social depuis le 27 novembre 2020, est titulaire d'un contrat " parcours emploi compétence " d'aide en blanchisserie d'une durée d'un an depuis le 11 janvier 2021 et justifie donner toute satisfaction à son employeur. Enfin, il est membre d'une équipe sportive de handisport et son entraineur l'estime éligible à intégrer une équipe compétitive au niveau national. Toutefois, M. B..., qui n'a été admis à séjourner en France que pour la durée des soins nécessités par de son état de santé, et y résidait depuis moins de quatre années à la date de l'arrêté litigieux, ne fait état d'aucun lien personnel ou familial particulier en France alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident son père et sa sœur. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni, par voie de conséquence, qu'il aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est fondé à soutenir ni que l'illégalité de la décision lui refusant le séjour priverait de base légale la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ni que cette dernière décision aurait méconnu, à raison de son état de santé, les stipulations des articles 2, 3 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives, respectivement, au droit à la vie, à la prohibition des traitements inhumains ou dégradants et au principe de non-discrimination.

10. En sixième lieu, il résulte également de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire priverait de base légale la décision fixant le pays de renvoi ou que cette dernière décision aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son état de santé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 11 mai 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Didier ArtusLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX00790 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00790
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;22bx00790 ?
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