La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2022 | FRANCE | N°22BX00584

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 novembre 2022, 22BX00584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours, a désigné un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106033 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux

a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours, a désigné un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106033 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2022, la préfète de la Gironde demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2021 en tant qu'il a annulé sa décision interdisant à M. B... de revenir sur le territoire français et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2022, M. B..., représenté par Me Autef, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 novembre 2020 par lesquelles la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'avis du collège de médecins de l'OFII est irrégulier dès lors que les signatures des membres de ce collège, sous la forme des facsimilés numérisés, sont illisibles ;

- les décisions lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire ont méconnu les dispositions, respectivement, du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est privée de base légale par l'illégalité de la décision lui refusant le séjour et il en est de même de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 3 février 1998, déclare être entré en France le 18 avril 2017. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 juin 2020. Il a, entre-temps, sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 12 novembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire et le pays de destination et a lui fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. La préfète de la Gironde relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2022 en tant qu'il a annulé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des exposés pour l'instance. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 novembre 2020 par lesquelles la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a désigné un pays de destination.

2. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins ne comporterait pas de signature lisible et authentique en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article L. 511-4, alors en vigueur, du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

4. Il ressort de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 7 février 2020 que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement approprié est effectivement disponible dans son pays d'origine. Pour contredire cet avis médical, l'appelant se prévaut d'un certificat médical établi par son médecin traitant à une date illisible ainsi que de plusieurs ordonnances médicales. Toutefois, ce certificat indique seulement que M. B... " souffre depuis 2017 d'une pathologie chronique sévère " dont " le suivi se poursuit à ce jour " et ne fait état d'aucun traitement médicamenteux tandis que la plus ancienne des ordonnances produites est datée du mois de septembre 2021, soit plus de 19 mois après l'avis rendu par le collège de médecins et près d'un an après la décision lui refusant le séjour. Dans ces conditions, faute en particulier d'établir que son état de santé nécessitait un traitement médicamenteux à la date à laquelle cette décision a été prise et d'en préciser l'éventuelle composition, l'appelant n'établit pas qu'il ne pouvait bénéficier, à cette date, d'un traitement approprié dans son pays d'origine en se bornant à soutenir que trois des quatre médicaments qui lui sont dorénavant prescrits ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision lui refusant le séjour aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire aurait méconnu les dispositions également précitées du 10° de l'article L. 511-4 10° du même code.

5. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est fondé à soutenir ni que l'illégalité de la décision lui refusant le séjour priverait de base légale la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ni que l'illégalité de cette dernière décision priverait de base légale la décision fixant le pays de renvoi.

6. En quatrième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Ces dispositions permettent à la préfète d'assortir, par une décision motivée, une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire d'une interdiction de retour d'une durée maximale de deux ans. L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité préfectorale en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour fixer la durée de l'interdiction de séjour annulée, la préfète de la Gironde a relevé que M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans, qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et qu'il est défavorablement connu des services de police pour des faits de violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours en novembre 2018. Toutefois, elle n'établit ni même ne soutient que ce dernier aurait fait l'objet d'une quelconque condamnation à raison de ces faits et reconnait explicitement dans sa décision qu'il ne constitue pas une menace actuelle pour l'ordre public. En outre, elle relève elle-même qu'il n'a précédemment fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement. Dans ces conditions, la préfète n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant l'interdiction de retour prononcée à la durée maximale de deux ans.

8. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la préfète n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé sa décision du 12 novembre 2020 portant interdiction de retour de M B... et ont mis à la charge de l'Etat, en sa qualité de partie perdante, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance. D'autre part, M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du même jour portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.

9. Enfin, il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par M. B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Didier ArtusLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX00584 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00584
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : AUTEF

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;22bx00584 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award