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29/11/2022 | FRANCE | N°20BX03805

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 novembre 2022, 20BX03805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'article 4 de l'arrêté du 8 août 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a refusé de lui accorder le versement de l'indemnité de sujétion géographique.

Par un jugement n° 1801234 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, M. D... B..., représenté par Me Trennec, demande à la cour :

1°) d'

annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 22 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'article 4 de l'arrêté du 8 août 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a refusé de lui accorder le versement de l'indemnité de sujétion géographique.

Par un jugement n° 1801234 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, M. D... B..., représenté par Me Trennec, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 22 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2018 en tant que le ministre de l'intérieur a refusé de lui accorder le versement de l'indemnité de sujétion géographique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle a procédé illégalement au retrait de la décision du 29 juin 2017, créatrice de droits, en ce qu'elle lui accordait le versement de l'indemnité de sujétion géographique, en ne respectant pas les règles régissant le retrait des actes créateurs de droits fixées par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement des agents publics ;

- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 est entaché d'illégalité, en ce que les conditions d'attribution de l'indemnité de sujétion géographique qu'il prévoit créaient une rupture d'égalité de traitement entre les fonctionnaires de l'Etat en raison de leur origine géographique.

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2022 à 12 heures.

Un mémoire a été enregistré par le ministre de l'intérieur et des Outre-mer le 4 novembre à 17 heures 33, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., fonctionnaire de la police nationale titulaire du grade de gardien de la paix, en poste à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) à Mamoudzou (Mayotte), a été muté, à sa demande, à compter du 1er septembre 2017, à la DDSP de Cayenne (Guyane), à l'issue d'un congé administratif d'une durée de neuf mois, par un arrêté du 29 juin 2017, dont l'article 3 précisait que cette mutation ouvrait droit à l'intéressé au paiement de l'indemnité de sujétion géographique prévue par le décret du 15 avril 2013. Mais, par un arrêté du 8 août 2018, le ministre de l'intérieur a retiré sa décision du 29 juin 2017 en tant qu'elle concerne l'indemnité de sujétion géographique. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 8 août 2018 en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique. M. B... relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique : " Une indemnité de sujétion géographique est attribuée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats, titulaires et stagiaires affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte, s'ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services. ". Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 2 du même décret : " L'indemnité de sujétion géographique est versée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats dont la précédente résidence administrative était située hors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy ou de Mayotte. / (...) ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 29 juin 2017, en son article 3, a accordé à M. B... le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique sous réserve de la non perception de la prime spécifique d'installation et de l'accomplissement d'une durée minimale de séjour de quatre années consécutives de service. Par arrêté du 8 août 2018, le ministre de l'intérieur a entendu retirer cette décision, créatrice de droits à l'égard de M. B..., par laquelle l'administration s'était reconnue débitrice envers ce dernier de l'indemnité de sujétion géographique à l'occasion de sa mutation en Guyane, sur le fondement du premier alinéa de l'article 2 du décret précité du 15 avril 2013, au motif que la précédente résidence administrative de l'intéressé étant située à Mayotte elle était illégale.

4. D'autre part, la notion de résidence administrative doit être entendue comme étant le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté. Il est constant que M. B..., par un arrêté du 13 juin 2014, a été affecté à Mayotte à compter du 1er septembre 2014, affectation prolongée en dernier lieu d'un an à compter du 1er septembre 2016. Il n'est pas contesté que M. B..., dont la précédente résidence administrative se situait à Mayotte, ne rentrait donc pas dans le champ d'application du premier alinéa de l'article 2 du décret du 15 avril 2013 pour une nouvelle affectation en Guyane.

5. M. B... fait valoir que les conditions d'attribution de l'indemnité de sujétion géographique telles que prévues par les dispositions de l'article 2 du décret du 15 avril 2013 créent une rupture de l'égalité de traitement entre fonctionnaires de l'Etat en raison de leur origine géographique, dès lors qu'un fonctionnaire précédemment établi dans un des territoires visés par l'article 1er de ce décret ne pourra ensuite plus bénéficier de l'indemnité de sujétion géographique lorsqu'il sera affecté en Guyane, alors que les fonctionnaires ayant leur résidence sur un autre territoire peuvent prétendre au bénéfice de cette indemnité. Ce faisant, l'appelant doit être regardé comme excipant de l'illégalité des dispositions citées au point 2 de l'article 2 du décret du 15 avril 2013, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 août 2018 en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique.

6. Toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Saisi d'un moyen tiré de ce qu'un acte administratif méconnaît le principe d'égalité, le juge ne peut, pour l'écarter, se borner à constater l'existence d'une différence de situation en rapport avec l'objet de cet acte mais doit, en outre, même en l'absence d'une argumentation spécifique du requérant sur ce point, rechercher si la différence de traitement résultant de l'acte litigieux n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à cette différence de situation.

7. L'instauration au profit des agents affectés en Guyane et dans d'autres collectivités de l'indemnité de sujétion géographique, par le décret du 15 avril 2013 applicable à la situation de M. B..., a pour objectif de tenir compte des spécificités intraterritoriales de ces collectivités et de la difficulté des postes à pourvoir en renforçant leur attractivité par des mécanismes d'incitation financière.

8. Ainsi, la différence de traitement instituée entre les agents dont la résidence administrative était située dans un des territoires visés par l'article 1er de ce décret, comme M. B..., et ceux qui n'y étaient pas établis, répond à une différence de situation objective en rapport avec l'objet du texte qui vise à inciter les fonctionnaires à solliciter une affectation dans un de ces territoires présentant des difficultés de recrutement et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objet du décret du 15 avril 2013. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté.

9. Toutefois, aux termes des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ".

10. Par suite, la décision du 29 juin 2017, en tant qu'elle a alloué à M. B... en son article 3, l'indemnité de sujétion géographique, a méconnu les dispositions précitées de l'alinéa premier de l'article 2 du décret du 15 avril 2013 et est, par suite, illégale. Il s'ensuit que l'administration ne disposait que d'un délai de quatre mois pour retirer cette décision individuelle créatrice de droits. Dès lors, ce délai était expiré à la date du 8 août 2018.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2018.

Sur les frais d'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par M. B... sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 22 octobre 2020 et l'arrêté du 8 août 2018 en tant que le ministre de l'intérieur a retiré à M. B... le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.

La rapporteure,

Agnès C...Le président,

Didier ARTUS

Le greffier,

Anthony FERNANDEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX03805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03805
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET ARENTS TRENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;20bx03805 ?
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