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29/11/2022 | FRANCE | N°20BX02695

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 novembre 2022, 20BX02695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite rejetant sa réclamation du 23 avril 2019, tendant à la régularisation d'un arriéré de traitement résultant de sa reconstitution de carrière, intervenue à la suite de l'arrêté n° 006298 du ministre de l'intérieur du 20 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900396 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision implicite en tant que le ministre de l'intérieur a

refusé à M. D... le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et le versement des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite rejetant sa réclamation du 23 avril 2019, tendant à la régularisation d'un arriéré de traitement résultant de sa reconstitution de carrière, intervenue à la suite de l'arrêté n° 006298 du ministre de l'intérieur du 20 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900396 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision implicite en tant que le ministre de l'intérieur a refusé à M. D... le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et le versement des rémunérations correspondantes à compter du 1er janvier 2011.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2020, M. D..., représenté par Me Gernez, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 18 juin 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la régularisation de l'arriéré de rémunération résultant de la reconstitution de sa carrière, intervenue à la suite de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 20 décembre 2017 en tant qu'il lui refuse le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er janvier 1995 ;

2°) d'annuler la décision implicite en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er janvier 1995 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de régulariser sa situation au regard de son arriéré de traitement depuis 1995 dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, le cas échéant sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit, dès lors que l'avantage spécifique d'ancienneté ne constitue pas un élément de rémunération du fonctionnaire actif de la police nationale susceptible d'être prescrit mais simplement un mécanisme visant à faire progresser plus rapidement les agents affectés dans une zone correspondant à des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit quant au point de départ de la prescription quadriennale, qui ne peut être antérieur à la publication, le 15 avril 2016, de la directive du ministre de l'intérieur du 9 mars 2016 déterminant la liste des circonscriptions de sécurité publique bénéficiant de l'avantage spécifique d'ancienneté, au nombre desquelles figure la circonscription de sécurité publique de Fort-de-France, où il exerce ses fonctions depuis août 1990, ni avant que sa situation administrative n'ait été reconstituée au regard de ses droits à l'avantage spécifique d'ancienneté, par arrêté du ministre de l'intérieur du 20 décembre 2017 ; le délai de prescription quadriennale n'a donc commencé à courir qu'à compter du 1er janvier 2017, voire à partir du 1er janvier 2018 ;

- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée dès lors qu'il était dans l'ignorance légitime de l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 avant la publication de la directive du ministère de l'intérieur du 9 mars 2016 et l'entrée en vigueur de l'arrêté ministériel du 3 décembre 2015 et alors que sa situation résulte d'une série de fautes de l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2021, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer, conclut au rejet de la requête de M. D....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., commandant divisionnaire de police, affecté au sein de la circonscription de sécurité publique de Fort-de-France depuis le 17 août 1990, a sollicité le bénéfice d'une bonification d'ancienneté au titre de l'avantage spécifique d'ancienneté. L'intéressé a alors adressé à l'administration une demande de révision de sa situation administrative par l'octroi du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, par lettre du 17 novembre 2015. Sa carrière a été reconstituée à ce titre par un arrêté du ministre de l'intérieur du 20 décembre 2017, sans que cette reconstitution ait été effectivement mise en œuvre. Par un courrier du 23 avril 2019, resté sans réponse de l'administration, M. D... a sollicité la régularisation de sa situation. M. D... a alors saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté et à ce qu'il soit enjoint à la même autorité de reconstituer sa carrière en tenant compte de cette bonification. Par jugement du 18 juin 2020, ce tribunal a annulé cette décision implicite en tant seulement qu'elle a rejeté la demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à la circonscription de sécurité publique de Fort-de-France à compter du 1er janvier 2011, en enjoignant au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière en tenant compte de ses droits à l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période courant à compter du 1er janvier 2011 et de procéder au versement des sommes correspondant à cette restitution. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant au versement des sommes correspondant à la reconstitution de carrière pour la période antérieure au 1er janvier 2011.

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Selon l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " En ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année. Les années de services ouvrant droit à l'avantage mentionné à l'alinéa précédent sont prises en compte à partir du 1er janvier 1995 pour les fonctionnaires mentionnés au 3° de l'article 1er et, pour les fonctionnaires mentionnés aux 1° et 2° du même article, à partir du 1er janvier 2000. (...) ".

3. La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001, dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par voie d'exception, constaté l'illégalité par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011. Un arrêté du 30 décembre 2015 a alors arrêté une nouvelle liste comprenant, notamment, des circonscriptions de sécurité publique. Par ailleurs, une directive du 9 mars 2016 relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté, publiée le 15 avril 2016 au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, a permis la prise en compte de la situation des fonctionnaires de police au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1995 et le 16 décembre 2015.

4. Aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par (...) / (...) Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, (...) ". L'article 3 de la même loi précise que la prescription ne court pas contre le créancier " qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance. ".

5. Lorsque la créance d'un agent porte sur la réparation du préjudice résultant de l'illégalité d'une disposition réglementaire qui a porté atteinte, par elle-même, aux droits qu'il avait acquis du fait des services accomplis jusqu'alors, son fait générateur doit être rattaché à l'année au cours de laquelle cette disposition a été régulièrement publiée, sans que l'agent ne puisse être regardé comme ignorant légitimement l'existence d'une telle créance jusqu'à ce qu'ait été révélée l'illégalité dont la disposition était entachée.

6. En l'espèce, le fait générateur de la créance dont se prévaut M. D... est constitué par le service qu'il a effectué pendant trois années continues au sein de la circonscription de sécurité publique de Fort-de-France. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'appelant a été privé du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté par les dispositions de l'arrêté du 17 janvier 2001 restreignant le bénéfice de cet avantage aux fonctionnaires de police affectés dans les ressorts des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles. Par suite, le fait générateur de la créance sur l'Etat qu'il détient à raison de la prise en compte de l'avantage spécifique d'ancienneté dans le déroulement de sa carrière doit être rattaché à l'année 1995, sans qu'il puisse être regardé comme ayant ignoré légitimement l'existence d'une telle créance jusqu'à ce que l'illégalité dont l'arrêté du 17 janvier 2001 était entaché ait été révélée par la décision du Conseil d'Etat n° 327428 du 16 mars 2011 et ce, en dépit des fautes qui ont été commises par l'administration dans la détermination des secteurs ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, avant la parution de l'arrêté du 30 décembre 2015. A cet égard, l'intervention de l'arrêté individuel du 20 décembre 2017 par lequel l'administration a reconstitué la carrière de M. D... au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté est sans aucune incidence sur le point de départ de la prescription quadriennale. Enfin, le requérant ne saurait utilement soutenir que la prescription aurait dû courir depuis le 1er janvier 2017 ou 2018, ce qui serait au demeurant défavorable à sa situation.

7. Dans ces conditions, la créance de M. D... était prescrite en ce qui concerne les sommes qui lui étaient dues au titre des années antérieures à l'année 2011 lorsqu'il en a sollicité le paiement le 12 novembre 2015, sans qu'il puisse utilement se prévaloir ni des dispositions de l'arrêté du 30 décembre 2015, lesquelles ne lui confèrent aucune créance sur l'Etat distincte de celle dont il était titulaire en application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 ni de celles de la directive du 9 mars 2016 mentionnée au point 3.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique n'a pas fait droit aux conclusions de sa demande tendant au versement des sommes correspondant à sa reconstitution de carrière en tenant compte de ses droits à l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période antérieure au 1er janvier 2011.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.

La rapporteure,

Agnès C...Le président,

Didier ARTUS

Le greffier,

Anthony FERNANDEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX02695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02695
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : GERNEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;20bx02695 ?
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