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29/11/2022 | FRANCE | N°20BX02407

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 29 novembre 2022, 20BX02407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2013 et 2014 pour un montant total, en droits et pénalités, de 256 167 euros.

Par un jugement n° 1802971 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a réduit la base d'imposition des bénéfices non commerciaux perçus au titre de l'année 2014 de 10 565,24 euros, a décharg

é en conséquence M. A... de la différence avec les cotisations supplémentaires auxquel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2013 et 2014 pour un montant total, en droits et pénalités, de 256 167 euros.

Par un jugement n° 1802971 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a réduit la base d'imposition des bénéfices non commerciaux perçus au titre de l'année 2014 de 10 565,24 euros, a déchargé en conséquence M. A... de la différence avec les cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014 et rejeté le surplus.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 30 juillet 2020, 16 décembre 2021 et 3 juin 2022, M. A..., représenté par la SCP d'avocats Ten France, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1802971 du 2 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge à titre principal, des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, à titre subsidiaire, de le décharger partiellement pour ces deux années, en droits et pénalités, en déduisant du bénéfice non commercial les gains et pertes de jeux, ainsi que les charges, " buy-in ", et les reversements au titre des " stacking " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- à titre principal, le poker constitue un jeu de hasard, quel que soit le niveau du joueur, entraînant la non-imposition des gains réalisés à l'issue des parties ; le poker est un jeu qui combine des éléments de hasard et de stratégie ; les gains ne sont pas assurés avant l'issue de la partie, et seul le hasard l'explique ;

- la documentation de base 5 G 116 (n° 118) du 15 septembre 2000, rappelle la non-imposition des jeux de hasard ;

- à titre subsidiaire, occultant les pertes et charges dans les tournois de poker, l'administration fiscale vicie sa méthode de reconstitution, puisqu'elle omet de faire application de l'article 93 du code général des impôts et s'éloigne des conditions réelles de la pratique régulière du poker ; elle aurait dû s'interroger sur la prépondérance de l'aléa dans les gains perçus ;

- sans établir cette démonstration, l'administration fiscale a reconstitué les bénéfices non commerciaux en retenant les crédits identifiés sur les comptes bancaires et les réponses reçues dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, sans retenir aucune charges ou pertes ; il est en droit de proposer une méthode permettant de déterminer les charges engagées pour participer aux tournois de poker, notamment à travers les comptes de joueurs attachés à un site web de jeux ;

- l'examen des comptes retrace uniquement les crédits que le joueur a bien voulu transférer sur son compte bancaire ; les comptes en ligne et le compte bancaire du joueur sont forcément corrélés ; l'administration fiscale ne peut s'affranchir du compte de joueur en ligne ; en omettant les dépôts réglés en ligne sur le compte de joueur, l'administration fiscale aboutit à une imposition manifestement exagérée ; il a ainsi reçu de l'argent de tiers pour financer ces " buy in " lors des tournois auxquels il a participé ; ces flux entrants ne sont pas des gains mais une prise de participation dans les gains éventuels et les flux de sortie sont en revanche des " frais " inhérents à cette activité, qu'il convient de déduire des gains réalisés ;

S'agissant de l'année 2013 :

- pour pouvoir jouer sur le site de Winamax, il a crédité son compte de jeu à hauteur de 25 103,86 euros ; le bénéfice n'est donc que de 28 864 euros (53 968- 25 103,86 ) et non pas 53 968 euros ;

- il a enregistré une perte de 8 837 euros aux Gains Poker Stars (Poker en ligne) ; pour chaque dépôt ou retrait d'argent depuis ce compte de jeu, il a fait le lien avec le compte bancaire ; les documents sont probants et opposables ;

- les gains Live s'élèvent à un montant de 11 171 euros ; les justificatifs produits, probants, sont des documents officiels obtenus depuis le site suivant " pokerdb.thehendonmob.com " ;

- sur son compte LB Poker, la somme de 1 773 euros peut être prise en compte, conjuguée à des retraits de 3 863,91 euros et un gain de 2 090 euros ; cette demande ne constitue pas un moyen nouveau dès lors qu'il réclame depuis le début de la procédure la soustraction de ses revenus imposables des dépôts d'argent sur son compte en ligne ;

S'agissant de l'année 2014 :

- doivent être retirés du montant de ses revenus imposables au titre de gains de poker les 49 994,59 euros de dépôt sur son compte Winamax ; conjugué à des retraits de 122 360 euros, le gain a été de 72 365 euros ;

- il présente le détail des gains " live " ;

- l'historique de jeux communiqué par l'Autorité nationale des jeux (ANJ) corrobore en tous points ses prétentions concernant ses dépôts d'argent sur ses comptes Winamax et LB Poker ;

- l'ANJ est une autorité administrative indépendante dont la réponse ne peut être remise en cause ; elle est la preuve des gains et dépôts effectués par lui sur ses comptes de joueur en ligne ; il apporte un faisceau d'indices suffisamment probants pour démontrer que le montant des dépôts et retraits opérés sur ses comptes de joueur en ligne correspond aux mouvements de son compte bancaire Crédit industriel et commercial (CIC) ;

S'agissant des revenus d'origine indéterminée :

- l'historique de jeux communiqué par l'Autorité nationale des jeux (ANJ), permet de retracer l'origine de la majeure partie de ses revenus qualifiés d'origine indéterminée ainsi que les sommes déposées sur ses autres comptes de joueur auprès d'autres opérateurs, dépôts qui doivent venir en diminution de ces revenus ;

- il justifie de la liste des mouvements du compte courant auprès du CIC en 2013 et 2014 ; cette liste fait apparaître des centaines de paiements par carte bleue de montant de 50,100,150, 200, 500 parfois même 1 000 ou 1 500 euros, correspondant aux dépôts sur les sites de jeux en ligne référencés par l'ANJ ;

- les données communiquées par l'ANJ permettent d'identifier une grande partie des revenus constitués, pour l'année 2013, de 6 500 euros de retrait de gains de poker sur Everest Gaming Limited, de 6 360 euros de retrait de gains de poker sur Réel Malta Limited, soit un total de 12 860 euros et pour l'année 2014, 49 464 euros de retrait de gains de poker sur Réel Malta Limited ;

- pour l'année 2013, doit être retirée de ses revenus, la somme totale de 13 987 euros, correspondant aux dépôts suivants : 150 euros (dépôt sur le site Electraworks France Limited) ; 257 euros (dépôt sur le site Everest Gaming Limites) ; 400 euros (dépôt sur le site Partouche Gaming France SAS) ; 13 180 euros (dépôt sur le site Réel Malta Limited connu sons le nom de E...) ;

- pour l'année 2014, doit être retirée de ses revenus, la somme totale de 31 679 euros, correspondant aux dépôts suivants : 250 euros (dépôt sur le site Euro Online Gambling SAS) ; 92 euros (dépôt sur le site Everest Gaming Limites) ; 530 euros (dépôt sur le site Joaonline) ; 250 euros (dépôt sur le site PMU) et 30 557 euros sur le site Réel Malta Limited) ;

- s'agissant des charges, il n'est pas en mesure de justifier l'ensemble des dépenses engagées dans le cadre de sa pratique du poker à l'exception en 2013 d'une cotisation payée auprès du Cercle des Cadets d'un montant de 120 euros et en 2014 de différents frais d'hôtel et de transport pour un montant de 11 411, 15 euros ;

- les " buy in ", droits qu'il convient de payer pour accéder à la table de jeu doivent être déduits des gains, soit 4 659 euros au titre de 2013 et 44 212 euros au titre de 2014 ; le contrat signé avec Winamax est relatif aux seules années 2015 et 2016 ;

- en 2013, a dû être reversée via le site susvisé " MPS Limited " aux personnes qui l'avaient " stacké " la somme de 2 700 euros ; la somme de 1 580 euros qu'il a reçue par des personnes qui l'ont " stacké " ne constitue, en aucun cas, des revenus ;

- en 2014, 4 165 euros doivent venir en déduction des gains ; il a dû reverser via le site susvisé " MPS Limited " aux personnes qui l'avaient " stacké " pour des tournois où il a gagné différentes sommes dont le total s'élève à 16 356 euros ; la somme de 5 710 euros qu'il a reçue des personnes qui l'ont " stacké " ne constitue pas des revenus ; les sommes qu'il a reversées à ces " stackeurs " ou qu'il a lui-même pariées sur d'autres joueurs représentent un total de 16 253 euros ;

S'agissant des pénalités :

- sur l'application de l'article 1728-1 du code général des impôts, outre le fait qu'il considère que sa résidence fiscale était en République tchèque au titre des années 2013 et 2014, rien n'indiquait clairement que les gains de poker n'étaient pas des gains de hasard ; il était célibataire et ne disposait d'aucun bien immobilier en France ; en application de la convention fiscale, il était considéré comme un résident de la République tchèque ;

- il doit bénéficier de la réserve d'interprétation dégagée par le Conseil d'Etat pour l'application du c) de l'article 1728 du code général des impôts rendu en assemblée plénière le 7 décembre 2015 (CE plén. 7-12-2015, n° 368227) et appliquée aux gains de poker dans son arrêt du 26 juin 2018 précité ;

- sur l'application de l'article 1729-a du code général des impôts, il n'avait aucunement l'intention de frauder l'administration fiscale française ; il pensait tout simplement être dans son bon droit en ne déclarant pas ses revenus dans la mesure où il considère avoir sa résidence fiscale uniquement en République tchèque et alors que ses revenus, liés à un jeu de hasard, n'étaient pas imposables.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 mars et 31 mai 2021, le mémoire enregistré le 17 juin 2022 n'ayant pas fait l'objet de communication, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le litige est limité à la somme globale en droits et pénalités de 242 276 euros, après qu'un dégrèvement ait été prononcé en exécution du jugement contesté ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 5 juillet 2022 à 12 heures.

Une mesure supplémentaire d'instruction a été diligentée le 28 septembre 2022 pour demander à M. A... de produire dans son intégralité la pièce n° 81- liste des mouvements du compte CIC Neuville-de-Poitou- en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

M. A... a produit la pièce sollicitée le 28 septembre 2022, elle a été communiquée le même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;

- le décret n° 2010-518 du 19 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hababou, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2013 et 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que l'intéressé avait exercé une activité de joueur de poker professionnel et a imposé, selon la procédure de taxation d'office, d'une part, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les revenus tirés de cette activité, d'autre part, des sommes, dont l'origine n'a pu être identifiée, qualifiées de revenus d'origine indéterminée. Ces rappels d'impôt sur le revenu ont été assortis, s'agissant des bénéfices non commerciaux, de la majoration de 80 % pour activité occulte prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, s'agissant des revenus d'origine indéterminée, de la majoration de 40 % pour les inexactitudes ou omissions relevées dans les déclarations, prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement n° 1802971 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a ramené la base d'imposition des bénéfices non commerciaux perçus par M. A... au titre de l'année 2014 à la somme de 10 565,24 euros, prononcé la décharge correspondante et rejeté le surplus de la requête. M. A... relève appel du jugement du 2 juin 2020, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des impositions restant en litige au titre des années 2013 et 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 242 276 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du 1. de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ".

3. Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, en raison de l'aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu'il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables, en application de l'article 92, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, alors même que le contribuable exercerait aussi, par ailleurs, une activité professionnelle. Si le jeu de poker fait intervenir des distributions aléatoires de cartes, un joueur peut parvenir, grâce à l'expérience, la compétence et l'habileté, à atténuer notablement le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants et réguliers. Par suite, dès lors qu'une personne se livre à une pratique habituelle de ce jeu dans l'intention d'en tirer des bénéfices, lesdits bénéfices doivent être regardés comme tirés d'une occupation lucrative ou d'une source de profits au sens des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, et imposables en application de cet article.

4. Il résulte de l'instruction que M. A... a, en 2013 et 2014, participé à des tournois de poker en ligne sur différents sites spécialisés ainsi qu'à des tournois physiques, notamment à Monaco, Deauville ou Las Vegas. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'intéressé ne conteste pas qu'il figurait dans les classements des meilleurs joueurs de poker français et qu'il n'occupait par ailleurs aucun emploi. Des sommes provenant de sociétés de jeux de poker, d'un montant de 57 636 euros en 2013 et de 120 414 euros en 2014 ont été créditées sur ses comptes bancaires. Ainsi, le montant et le caractère régulier de ces gains laissent présumer une maîtrise significative de l'aléa inhérent au poker. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme ayant exercé, au cours des deux années en cause, une activité lucrative de joueur de poker lui procurant des profits réguliers imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 précité du code général des impôts.

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

5. M. A... se prévaut de la doctrine administrative exprimée au paragraphe n° 118 de la documentation de base 5 G 116 à jour au 15 septembre 2000, aux termes de laquelle : " La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux ". Cette doctrine, dont le juge de l'impôt est tenu de faire une application littérale, sans, en principe, l'interpréter, ne fait cependant pas mention du jeu de poker et ne définit pas la notion de jeu de hasard. Elle ne contient, en conséquence, aucune interprétation formelle du texte fiscal différente de ce qui précède, dont M. A... pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". M. A..., dont les revenus issus de son activité de joueur de poker ont été imposés d'office, a la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste.

En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :

7. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le montant des recettes à retenir pour la détermination du bénéfice imposable des contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux est le montant total des recettes que ceux-ci ont perçues du fait de leur activité professionnelle ou de l'occupation ou exploitation lucrative ou de la source de profits dont ils tirent parti.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, spécialement de la proposition de rectification en date du 1er septembre 2016, que l'administration fiscale a imposé au titre des bénéfices non commerciaux les gains provenant des sociétés de jeux de poker Winamax et LB Poker. Par suite, M. A... ne peut utilement faire valoir au titre des années 2013 et 2014, les gains " Live ", réalisés notamment sur le site Hold'em, et les pertes correspondantes dès lors que ceux-ci n'ont pas été taxés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux par l'administration fiscale.

9. En deuxième lieu, au titre de l'année 2013, le requérant n'établit pas s'être acquitté d'une cotisation de 120 euros auprès du Cercle des Cadets, en se bornant à produire le reçu, mentionnant au surplus que l'intéressé en a " accepté le paiement automatique du renouvellement par un tiers ". S'agissant des frais de transports et d'hôtellerie engagés au cours de l'année 2014, M. A... ne démontre pas plus en appel qu'en première instance, leur lien avec son activité de joueur de poker. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à demander la déduction de ces dépenses de son bénéfice imposable.

10. En troisième lieu, les éditions de reçus " buy-in " mentionnant la participation en présentiel de M. A... à différents tournois de poker organisés par les sites Winamax, Wsop.com, Deepstack, Planet Hollywood et aux casinos de Marrakech, Toulouse, Deauville, Lille, Monte-Carlo, Barcelone, Londres et Las Vegas ainsi que le versement des droits d'entrée d'un total de 4 659 euros en 2013 et de 44 212 euros en 2014, le plus souvent acquittés en cash, n'établissent pas la réalité du paiement par l'intéressé des montants en cause. Au surplus, M. A... a admis dans ses écritures avoir été parfois indemnisé du " buy-in " par le client, lorsqu'il perdait le tournoi, selon la pratique du " stacking ", qui prévoit le paiement par une partie de son droit d'accès à une table. Par suite, M. A... n'est pas fondé à obtenir la déduction des sommes correspondantes de son bénéfice imposable des années 2013 et 2014.

11. En quatrième lieu, M. A... soutient que l'administration n'a pas pris en compte les charges correspondant aux reversements effectués au titre du procédé dit de " stacking " qui consiste à reverser à des tiers des parts d'inscription à un tournoi. Cette pratique, présentée comme courante dans le milieu du poker, conduit pour le requérant, s'il est le " stackeur " à reverser les avances remboursables, versées par les personnes qui l'ont " stacké " avec intérêt, s'il gagne, à perdre les sommes qui lui ont été remises, s'il perd. De même, M. A... a pu " stacker " des joueurs et a pu perdre les sommes engagées dès lors que le stackeur a échoué. D'une part, il n'est pas justifié de la nécessité du recours à cette pratique en lien avec l'activité de joueur professionnel. D'autre part, si le requérant justifie sur ses relevés de compte bancaire CIC Neuville-de-Poitou des montants perçus ou versés, notamment pour des particuliers, ce constat est toutefois insuffisant pour admettre ces charges, en l'absence de production des accords de stacking conclus avec d'autres joueurs qui seraient à leur origine, de précisions sur les tournois au cours desquels ils auraient été négociés ainsi que sur la nature des versements effectués, dont il n'est pas indiqué s'il s'agit de paiements de droit d'entrée ou de rétrocessions de gains. Par suite, M. A... n'est pas fondé à obtenir la déduction de ces sommes de son bénéfice imposable.

12. En cinquième lieu, M. A... soutient que les retraits et dépôts de sommes sur ses comptes de joueurs en ligne doivent être pris en compte pour reconstituer son bénéfice imposable et qu'à défaut, la méthode de reconstitution du bénéfice imposable est erronée. D'une part, l'intéressé a admis ne pas seulement jouer en ligne mais également participer en présentiel à des tournois. D'autre part, ces comptes, qui ont seulement pour objet de recevoir les versements liés aux mises de jeu, ne permettent pas d'établir l'origine et la nature des sommes qui y sont détenues, à moins qu'elles ne soient corrélées avec des relevés de comptes bancaires.

13. M. A... fait ainsi valoir que, s'agissant du compte en ligne ouvert sur le site Winamax, au titre des années 2013 et 2014, ses gains ont été respectivement de 53 772 euros et de 120 214 euros, dont doivent être déduits les montants de 25 103,86 euros et de 49 994,59 euros, correspondant aux dépôts de sommes sur le même compte lui permettant d'accéder aux parties. L'administration fiscale a confirmé sa méthode d'évaluation des bénéfices, ainsi que leur montant en constatant l'absence de justificatifs et le fait que la société Winamax avait attesté que l'intéressé n'avait pas eu d'activité sur son site en 2013 et qu'en 2014, ses pertes avaient été de 2 826,13 euros.

14. Le requérant produit de nouvelles pièces en appel, comportant les relevés de son compte bancaire CIC Neuville-de-Poitou ainsi que l'historique de jeux en ligne sur plusieurs sites, parmi lesquels Winamax et Poker Stars, émis, pour les deux années en litige, par le service " mission contrôle et enquête " de l'autorité nationale des jeux (ANJ).

15. Selon l'article 34 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, l' Autorité nationale des jeux (ANJ), autorité administrative indépendante au sens de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, a notamment pour mission de veiller au respect des objectifs de la politique des jeux, pour les jeux et paris sous droits exclusifs, les jeux et paris en ligne soumis à agrément et pour les jeux des casinos et des clubs de jeu. Elle exerce la surveillance des opérations des jeux d'argent et de hasard sous droits exclusifs, ainsi que des jeux ou paris en ligne et participe à la lutte contre les offres illégales de jeu et contre la fraude. Aux termes de l'article 38 de cette loi : " I -Un contrôle permanent de l'activité des opérateurs de jeux ou de paris en ligne agréés et de l'activité de l'opérateur titulaire de droits exclusifs pour son activité de jeux de loterie en ligne est réalisé par l'Autorité nationale des jeux (...) A cet effet, les opérateurs mettent à la disposition permanente de l'Autorité nationale des jeux des données portant sur :/ 1° L'identité de chaque joueur, son adresse et son adresse sur un service de communication au public en ligne ;/ 2° Le compte de chaque joueur, notamment sa date d'ouverture, et les références du compte de paiement mentionné au dernier alinéa de l'article 17 ;/ 3° Les événements de jeu ou de pari et, pour chaque joueur, les opérations associées ainsi que toute autre donnée concourant à la formation du solde du compte joueur ; (...)/ L'Autorité de régulation des jeux en ligne peut utiliser ces données afin de rechercher et d'identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur, susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. (...)/Les opérateurs mettent à la disposition permanente de l'Autorité nationale des jeux des données portant sur :/ 1° Pour les joueurs identifiés :/ a) L'identité de chaque joueur, son adresse et son adresse sur un service de communications électroniques au public ;/ b) Le compte de chaque joueur, notamment sa date d'ouverture, et les références du compte de paiement mentionné au dernier alinéa de l'article 17 ;/ c) Les événements de jeu ou de pari et, pour chaque joueur, les opérations associées ainsi que toute autre donnée concourant à la formation du solde du compte joueur ; (...) ".

16. Aux termes de l'article 17 de cette même loi, l'ouverture d'un compte joueur en ligne ou en réseau physique de distribution ne peut être réalisée qu'à l'initiative de son titulaire et après sa demande expresse, à l'exclusion de toute procédure automatique. Le compte joueur en ligne ou en réseau physique de distribution ne peut être crédité que par son titulaire, au titre des approvisionnements qu'il réalise, ou par l'opérateur agréé ou titulaire de droits exclusifs qui détient le compte, soit au titre des gains réalisés par le joueur, soit à titre d'offre promotionnelle. L'approvisionnement d'un compte joueur en ligne par son titulaire ne peut être réalisé qu'au moyen d'instruments de paiement mis à sa disposition par un prestataire de services de paiement établi dans un Etat membre de l'Union européenne ou un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Les avoirs du titulaire d'un compte joueur auprès de l'opérateur ne peuvent être reversés que sur un seul compte de paiement ouvert par le joueur auprès d'un prestataire de services de paiement établi dans un Etat membre de l'Union européenne ou un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Le reversement de ces avoirs ne peut être réalisé que par virement vers ce compte de paiement.

17. Si l'administration fiscale soutient que l'historique des retraits et des dépôts produit par M. A... doit être écarté au motif qu'il n'est pas signé et ne comporte pas d'en-tête, il résulte toutefois de l'instruction, sans ambiguïté, que ce relevé a été communiqué par la mission " contrôle et enquête " de l'autorité nationale des jeux, par courriel du 2 septembre 2021, lequel fait expressément mention du nom et du prénom du requérant ainsi que de sa date de naissance. Ainsi que le fait valoir l'administration, la liste des retraits, produite par l'ANJ, ne retrace pas l'intégralité des crédits constatés sur les comptes bancaires de M. A..., dès lors que cette agence se borne à assurer un contrôle des opérateurs de jeux ou de paris en ligne agréés ou titulaires de droits exclusifs et qu'il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait seulement joué sur des sites en ligne, bénéficiant d'un agrément ou auprès d'opérateurs titulaires de droits exclusifs. Enfin, l'administration conteste la circonstance que ces dépôts constitueraient des charges ou des pertes imputables sur les gains réalisés. Il résulte toutefois des dispositions de l'article 13 du décret du 19 mai 2010 , relatif à la mise à disposition de l'offre de jeux et de paris par les opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne, dans sa rédaction applicable aux années en litige que le compte joueur retrace notamment le solde des avoirs du joueur, en distinguant les sommes versées par le joueur, les sommes versées par l'opérateur sous forme de gains, y compris les abondements de gains, et les sommes versées par ce dernier à titre d'offre promotionnelle et pouvant être misées par le joueur. Les articles 16 et 17 du même décret, dans leur rédaction applicable aux années en litige, disposent qu'il appartient au joueur d'encadrer, sur son compte joueur, sa capacité de jeu par la fixation de limites d'approvisionnement de son compte et d'engagement des mises. Ces limites s'appliquent, d'une part, au montant cumulé des approvisionnements réalisés par le joueur par périodes de sept jours et, d'autre part, au montant cumulé des mises engagées par le joueur par périodes de sept jours. L'opérateur demande au joueur de déterminer un montant au-delà duquel les crédits disponibles inscrits sur son compte joueur sont automatiquement reversés sur son compte de paiement. Par suite, les dépôts versés sur un compte joueur doivent être regardés comme des dépenses nécessitées par l'exercice de la profession de joueur de poker, au sens de l'article 93 précité du code général des impôts, et peuvent alors être admis en déductibilité du bénéfice imposable, à condition de justifier de leur montant et de distinguer les mises des gains réalisés.

S'agissant du site Winamax :

18. S'agissant de l'opérateur Winamax, en produisant la liste des dépôts, transmise par l'ANJ, ainsi que les relevés de son compte bancaire CIC Neuville-de-Poitou, le requérant, à qui il incombe de justifier du caractère déductible des dépenses en cause, établit leur nécessité au regard de son activité non commerciale et justifie de leur montant, par le rapprochement entre les sommes déposées sur son compte de joueur en ligne et celles débitées sur son compte bancaire CIC, à hauteur de 18 217,86 euros en 2013 et de 20 498,49 euros en 2014. Par suite, c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre ces sommes en déduction des bénéfices non commerciaux de M. A....

S'agissant de l'opérateur LB Poker :

19. M. A... fait valoir que, s'agissant du compte en ligne ouvert sur le site LB Poker, au titre de l'année 2013, ses gains ont été de 3 863, 91 euros, dont doit être déduit le montant de 1 773 euros, correspondant aux dépôts de sommes sur le même compte lui permettant d'accéder aux parties. L'intéressé justifie d'un montant de dépôts de 723 euros, par le rapprochement entre les sommes déposées sur son compte de joueur en ligne et celles débitées sur son compte bancaire CIC. Par suite, c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre cette somme en déduction des bénéfices non commerciaux de M. A....

S'agissant de l'opérateur Poker Stars :

20. Si le requérant soutient qu'il appartenait à l'administration fiscale, pour évaluer son bénéfice non commercial, de tenir compte des gains de 22 246 euros en 2014 et des pertes de 8 734 euros en 2013 à la suite de sa participation au site en ligne Poker Stars, il n'en justifie pas en se bornant à produire deux attestations dudit site, faisant état de sommes acquittées par carte bancaire sans qu'il soit effectivement justifié de débits concomitants sur ses comptes bancaires. Par suite, c'est à bon droit que l'administration s'est abstenue de considérer ces sommes comme relevant de bénéfices ou de pertes à déduire des gains retenus par elle.

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

21. Aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause.

22. Il n'appartient toutefois pas au juge de l'impôt de substituer d'office au fondement de l'imposition contestée un autre fondement légal, en l'absence de conclusions de l'administration en ce sens. Il s'en déduit que, lorsque le contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales établit, au soutien de conclusions visant à la décharge des impositions régulièrement établies sur ce fondement, que les sommes en litige se rattachaient à une catégorie déterminée de revenus, il appartient à l'administration, si elle l'estime utile, de demander au juge, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, une imposition des sommes en litige selon les règles applicables à la catégorie d'imposition concernée. La procédure d'imposition d'office suivie sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales demeurant régulière, il n'y a pas lieu de subordonner cette demande au respect de la procédure contradictoire. A défaut d'une telle demande de la part de l'administration, le juge ne pourra qu'ordonner la décharge de l'imposition établie à tort, sur le fond, au titre du revenu global.

23. Il résulte de l'instruction que le courrier du 28 avril 2016 par lequel l'administration fiscale a adressé à M. A... une demande de justification a été retourné au service le 27 mai 2016 avec la mention " non réclamé ". En l'absence de réponse, l'administration a taxé d'office, au titre des années 2013 et 2014 les crédits respectifs et non justifiés de 19 725,45 euros et de 77 193,95 euros, figurant sur les relevés bancaires de M. A..., dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. M. A..., par les nouvelles pièces produites devant la cour, constituées de son historique de jeux en ligne communiqué par l'ANJ détaillant les montants des dépôts et des retraits qu'il a réalisés sur ses comptes de joueur en ligne, démontre, avoir encaissé d'une part, au cours de l'année 2013 des gains de 6 500 euros sur le site Everest Gaming Limited et de 4 344 euros sur le site Réel Malta Limited, d'autre part, au cours de l'année 2014, des gains de 49 464 euros sur le site Réel Malta Limited. Dès lors, ces sommes, qui sont présumées constituer des revenus relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux, ne pouvaient être imposées, en tant que revenus d'origine indéterminée. Par suite, l'administration a imposé à tort en tant que revenus d'origine indéterminée une somme de 10 844 euros au titre de l'année 2013 et une somme de 49 464 euros au titre de l'année 2014.

24. Il n'appartient pas au juge, ainsi que cela a été rappelé au point 22 de substituer d'office au fondement de l'imposition contestée un autre fondement légal, en l'absence de conclusions de l'administration en ce sens. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la cour devrait tenir compte des dépôts effectués sur différents comptes pour les déduire du montant du bénéfice imposable, à la suite de la réintégration dans ce dernier des revenus considérés à tort comme étant d'origine indéterminée.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne l'application de l'article 1728 :

25. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...)/c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) ".

26. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

27. La pénalité de 80 % pour activité occulte a été infligée à M. A... en l'absence de dépôt dans le délai légal des déclarations qu'il était tenu de souscrire et pour ne pas avoir fait connaître son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises. L'administration établit qu'au cours des années en litige, M. A... a exercé une activité professionnelle de joueur de poker, sans avoir déclaré cette activité à quelque titre que ce soit, notamment auprès d'un centre des formalités des entreprises, ou auprès de l'administration fiscale au travers de ses obligations déclaratives en matière de bénéfices non commerciaux et au titre de l'impôt sur le revenu. L'administration démontre également qu'au cours de ces deux années, le requérant, qui ne produit aucune pièce de nature à contredire cette appréciation, avait son foyer fiscal en France, encaissait ses gains sur des comptes bancaires ouverts en France et avait d'ailleurs renseigné ses déclarations de revenus 2013 et 2014 en mentionnant une adresse dans le département de la Vienne et annonçant un déménagement en République tchèque en 2015. Par suite, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de la circonstance que toutes les pièces de la procédure d'imposition ont été envoyées à l'adresse de son domicile à Prague, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère occulte de l'activité de M. A... en France.

28. M. A... fait cependant valoir que ce n'est que postérieurement aux années en litige que la jurisprudence et l'administration fiscale ont expressément estimé que les gains réalisés au poker étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu. Il invoque également la circonstance que les contradictions dans la qualification du jeu de poker par les juridictions civiles et pénales étaient de nature à induire en erreur le contribuable sur la nature de ses obligations déclaratives. Toutefois, c'est à la fin de l'année 2011, par la réponse ministérielle " Filipetti " publiée le 15 novembre 2011, dont les termes ont été repris ensuite au n° 20 de l'instruction BOI-BNC-CHAMP-10-30-40 du 20 septembre 2012, que l'administration a expressément indiqué qu'elle estimait que les gains réalisés par des joueurs de poker professionnels, y compris joué en ligne, étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu. Par suite, dès lors qu'elle avait exprimé sans ambiguïté, par l'instruction du 20 septembre 2012, sa position sur la taxation, dans certaines conditions, de tels gains à l'impôt sur le revenu, l'administration fiscale, dans les circonstances particulières de l'espèce, a pu valablement appliquer, au titre des années 2013 et 2014, la majoration de 80 % aux droits mis à la charge de M. A..., joueur professionnel de poker, tirant de cette activité la majorité de ses ressources.

En ce qui concerne l'application de l'article 1729 :

29. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : /a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

30. Pour assujettir M. A... à des pénalités pour manquement délibéré, l'administration s'est notamment fondée sur les circonstances que les revenus, résultant de la pratique régulière du jeu de poker, imposés au titre des deux années en litige, étaient d'un montant important, et que le contribuable s'était abstenu de répondre, au cours de la procédure, aux différentes demandes de l'administration, manifestant ainsi sa volonté d'éluder l'impôt. Si M. A... soutient n'avoir eu aucune intention de frauder l'administration fiscale française, pensant, de bonne foi, ne pas être imposable en raison de la nature de ses revenus et alors qu'il résidait en République tchèque, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 28, il ne peut être regardé comme établissant avoir commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. Par suite, l'administration fiscale établit l'intention délibérée de M. A... d'éluder l'impôt et, par conséquent, le bien-fondé de la majoration de 40 % mise à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

31. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers n'a pas déchargé, d'une part, à hauteur des sommes de 18 940,86 euros au titre de l'année 2013 et de 20 498,49 euros au titre de l'année 2014, les impositions relatives aux bénéfices non commerciaux, d'autre part, à hauteur des sommes de 10 844 euros au titre de l'année 2013 et de 49 464 euros au titre de l'année 2014 les impositions relatives aux revenus d'origine indéterminée.

Sur les frais liés à l'instance :

32. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A....

DECIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition de M. A... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales sont réduites dans la catégorie des bénéfices non commerciaux d'une somme de 18 940,86 euros au titre de l'année 2013 et d'une somme de 20 498,49 euros au titre de l'année 2014.

Article 2 : Les bases d'imposition de M. A... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales sont réduites dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée d'une somme de 10 844 euros au titre de l'année 2013 et d'une somme de 49 464 euros au titre de l'année 2014.

Article 3 : M. A... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes à hauteur des réductions correspondant à la réduction de leurs bases d'impositions définies aux articles 1er et 2.

Article 4 : Le jugement n° 1802971 du tribunal administratif de Poitiers en date du 2 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Mickaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte C...La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02407
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;20bx02407 ?
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