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29/11/2022 | FRANCE | N°20BX02011

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 novembre 2022, 20BX02011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de rétrogradation au grade de brigadier-chef.

Par un jugement n° 1800750 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2020 et un mémoire enregistré le 18 avril 2022, M. A..., représenté

par Me Catol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de rétrogradation au grade de brigadier-chef.

Par un jugement n° 1800750 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2020 et un mémoire enregistré le 18 avril 2022, M. A..., représenté par Me Catol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 11 mars 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés ont été décontextualisés ou ne correspondent pas à la réalité ;

- la sanction de rétrogradation est disproportionnée.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure,

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est membre du corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Titulaire du grade de major de police depuis 2012, il était affecté sur un poste de chef de groupe au sein de la section de nuit du service général de sécurité et de proximité de la direction départementale de la sécurité publique de Martinique (DDSP). Par un arrêté du ministre de l'intérieur du 20 septembre 2018, il a fait l'objet de la sanction disciplinaire de rétrogradation au grade de brigadier-chef. M. A... relève appel du jugement du 11 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

2. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat: " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / (...) Troisième groupe : / - la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de plusieurs rapports établis par des fonctionnaires de police dénonçant les agissements de M. A..., une enquête administrative a été diligentée en février 2017. A l'issue de cette enquête, le ministre de l'intérieur a retenu plusieurs griefs à l'encontre de M. A....

4. En premier lieu, il est reproché à M. A... d'avoir outrepassé ses attributions hiérarchiques en contestant, avec impertinence, l'autorité et les initiatives de plusieurs officiers, provoquant notamment de vives altercations verbales avec eux, en refusant leur présence lors d'appels de prise de service ou en évinçant du bureau qu'il occupait un officier qui entendait y consulter un registre professionnel. L'appelant conteste uniquement avoir interdit à ses supérieurs hiérarchiques d'assister à l'appel mais se borne à soutenir, à l'appui de cette allégation, que ses supérieurs et en particulier l'un d'entre eux, n'hésitaient pas à interrompre cet appel, ce qu'il indique n'avoir cessé de dénoncer, alors qu'il ressort de plusieurs des témoignages recueillis lors de l'enquête administrative que la durée de ces appels était particulièrement longue et pouvait parfois excéder une heure.

5. En deuxième lieu, l'appelant ne conteste pas avoir modifié de manière très régulière et sans autorisation les plannings d'effectifs fixés et publiés par le chef de sa section mais indique que ces modifications étaient rendues nécessaires par les nombreuses erreurs et incohérences qu'aurait commises ce chef de section. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du témoignage de ce chef de section ainsi que d'agents placés sous son autorité que, contrairement aux autres fonctionnaires amenés à encadrer la section en l'absence du chef de section, M. A... ne se bornait pas à effectuer les quelques modifications rendues nécessaires par les circonstances mais effectuait de nombreuses modifications pour " convenances personnelles " sans souci d'équité mais avec la volonté de sanctionner certains des fonctionnaires qui ne lui plaisaient pas ou lui tenaient tête.

6. De même, M. A... ne conteste pas avoir rédigé, le 3 mars 2017, un commentaire déplacé sur le registre d'emploi des personnels au sujet du chef du service de commandement de nuit de la DDSP de Martinique mais se borne à soutenir qu'il avait porté ce commentaire à titre de pense-bête.

7. En troisième lieu, il est également reproché à M. A... d'avoir eu une attitude partiale envers plusieurs de ses subordonnés depuis 2012 et de leur avoir tenu des propos outranciers, humiliants et/ou discriminants sur un ton parfois très agressif qui ont pu compromettre les conditions de travail et la santé des intéressés. Ce grief, qui est étayé par les témoignages de plusieurs fonctionnaires qui en ont été victimes ou témoins, n'est pas utilement contesté par M. A... qui se borne à produire quelques attestations vantant ses qualités professionnelles ou indiquant que leurs auteurs n'ont pas eu connaissance d'une telle attitude ou de tels propos.

8. En quatrième lieu, il est reproché à M. A... un comportement outrancier à l'égard du public et de tenir des propos irrespectueux et agressifs aux personnes mises en cause. Ces griefs sont corroborés par les témoignages de plusieurs des fonctionnaires ayant travaillé au côté de l'intéressé et indiquant, à partir d'exemples concrets, que ce comportement ne respectait pas les procédures prévues mais envenimait systématiquement les situations rencontrées au point de les mettre en danger. L'appelant conteste uniquement les circonstances dans lesquelles il a aspergé de gaz lacrymogène une personne venue déposer plainte mais ses allégations sont contredites par les témoignages de deux de ses collègues présents au commissariat ce soir-là dont il ressort qu'il leur a interdit, en hurlant, de prendre la plainte pour vol de véhicule que cette personne voulait déposer au motif que celle-ci était en état d'ébriété, l'a ensuite jetée hors du commissariat puis comme elle insistait pour y revenir afin de pouvoir déposer sa plainte, l'a bousculée à plusieurs reprises puis aspergée de gaz lacrymogène.

9. Par ailleurs, il lui est également reproché d'avoir " pour habitude de s'entretenir longuement avec des femmes devant le commissariat sans nécessité du service, se détournant ainsi de ses missions et responsabilités et, en particulier, d'avoir croisé à la sortie du commissariat une femme qui venait de déposer une main-courante le soir du 20 février 2017, d'avoir pris l'initiative de converser longtemps avec elle, d'avoir mémorisé son numéro de téléphone, qui figurait sur la copie de ses déclarations, de lui avoir adressé la nuit-même et les jours suivants plusieurs appels téléphoniques et messages en dépit des demandes de l'intéressée l'invitant à cesser de l'importuner et d'avoir poursuivi ces agissements jusqu'à ce qu'elle dénonce son comportement auprès d'un autre gradé du commissariat ". M. A... ne conteste ni la matérialité ni les circonstances de ces agissements.

10. Enfin, s'il est également reproché à M. A... d'avoir effectué une " fouille à nu " d'une personne mise en cause pour trafic de drogue, les témoignages recueillis, en particulier celui du chef de section présent sur les lieux, ne permettent pas d'établir avec suffisamment de certitude si cette personne s'est déshabillée d'elle-même ou non. Par suite, il n'est pas établi que M. A... aurait commis un ou des manquements à ses obligations professionnelles à l'occasion de cette fouille.

11. Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits reprochés à M. A... doit être regardée comme établie à l'exception de ceux qui concerne une palpation intégrale irrégulièrement effectuée. En outre, eu égard à leur caractère répété, à leur contradiction avec les devoirs qui incombe à tout fonctionnaire de police en vertu, notamment, des articles R 434-5, R. 434-6, R. 434-12, R. 434-18 du code de la sécurité intérieure, respectivement relatifs au devoir d'obéissance, au devoir de protection dû par l'autorité hiérarchique, au devoir d'exemplarité par un comportement digne dans le cadre du service, à l'usage proportionné de la force, ainsi qu'à leur gravité, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la sanction prononcée à son encontre présente un caractère disproportionné et ne peut utilement faire valoir, à cet égard, que sa nouvelle affectation présenterait un caractère vexatoire et que cette affectation brutale sur un emploi de jour aurait des retentissements sur sa santé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Didier ArtusLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°20BX02011 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02011
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CATOL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;20bx02011 ?
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