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17/11/2022 | FRANCE | N°20BX02626

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 17 novembre 2022, 20BX02626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 88 215,70 euros en réparation du préjudice subi du fait d'un retard de diagnostic en octobre 2016, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts. Au cours de cette instance, l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) a également demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui verser la

somme de 5 812,02 euros au titre des indemnités versées à son assuré, ainsi q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 88 215,70 euros en réparation du préjudice subi du fait d'un retard de diagnostic en octobre 2016, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts. Au cours de cette instance, l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) a également demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 5 812,02 euros au titre des indemnités versées à son assuré, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1800882 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier de Rochefort à verser à M. B... la somme de 18 345 euros, sous déduction de la provision de 15 913,62 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2018 et capitalisation des intérêts, et a rejeté les conclusions présentées par l'ENIM.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 août 2020, et un mémoire enregistré le 25 août 2022, M. B..., représenté par la SCP Denizeau Gaborit Takhedmit, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 juin 2020 en tant qu'il a retenu un taux de perte de chance de 30 % et limité le montant de son indemnisation à la somme de 18 345 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Rochefort à lui verser une indemnité de 88 817,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Rochefort la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les " entiers dépens ".

Il soutient que :

- le centre hospitalier a commis une faute tenant à un retard de diagnostic, reconnue par les premiers juges, qui n'a pas permis de poser une indication chirurgicale ;

- le taux de perte de chance de 30 % est insuffisant dès lors que le taux de réussite des interventions chirurgicales pour réinsérer le biceps sur la tubérosité bicipitale du radius est de 86 % ; la survenue d'une algodystrophie était incertaine, ce qui justifie l'application d'un taux de perte de chance à l'ensemble du dommage ; la réalisation plus précoce de l'IRM aurait pu conduire au diagnostic de rupture totale du tendon ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire est insuffisante et doit être portée à 1 648,62 euros, pour tenir compte de la durée d'un an et demi des troubles ;

- le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé à hauteur de 860 euros ;

- les souffrances endurées, tant physiques que psychologiques, seront indemnisées, compte tenu du taux de perte de chance, à hauteur de 3 440 euros ;

- la somme de 6 794 euros indemnisera le déficit fonctionnel permanent, la valeur du point pouvant être fixée au vu du barème de droit commun à 1 580 euros ;

- le préjudice esthétique permanent devra être indemnisé par le versement de la somme de 1 720 euros ;

- c'est à tort que les premiers juges ont exclu le préjudice d'agrément alors qu'il est limité dans ses activités de bricolage, de jardinage et de mécanique ; il lui sera alloué, compte tenu du taux de perte de chance de 86 %, la somme de 8 600 euros ;

- l'aide d'une tierce personne pouvant être évaluée à une heure par jour pendant 62 jours, elle sera indemnisée à hauteur de 1 226,36 euros ;

- la perte de gains professionnels actuels s'élève à 34 736 euros jusqu'à la date de consolidation et a été partiellement compensée par les indemnités journalières à hauteur de 5 812,02 euros et non de 19 373,40 euros comme l'ont retenu à tort les premiers juges ; les arrêts de travail ne sont pas justifiés par la seule algodystrophie ; devra donc lui être allouée la somme de 24 874,62 euros ;

- la perte de gains professionnels entre la date de consolidation et la reprise du travail doit être indemnisée, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 11 202,36 euros ; comme indiqué précédemment, les arrêts de travail ne sont pas justifiés par la seule algodystrophie ;

- eu égard à la pénibilité accrue dans son travail, l'incidence professionnelle donnera lieu au versement d'une somme de 28 451,74 euros.

Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la Selarl Birot Ravaut et associés, demande que la cour prononce sa mise hors de cause et condamne le centre hospitalier de Rochefort aux entiers dépens.

Il fait valoir qu'aucune part du dommage ne saurait relever de la solidarité nationale, la faute du centre hospitalier étant à l'origine de la perte de chance et le surplus du dommage étant imputable au traumatisme initial.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2022, le centre hospitalier de Rochefort, représenté par le cabinet Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 juin 2020 afin que l'indemnité allouée soit ramenée à 4 800 euros, dont doit être déduite la provision de 15 913,62 euros, et à la condamnation de M. B... à lui restituer la somme de 11 113,62 euros au titre du trop-perçu de provision.

Il fait valoir que :

- l'absence de réalisation d'une IRM a seulement compromis les chances d'obtenir une amélioration de l'état de santé et est à l'origine d'une perte de chance dont le taux a été justement évalué par l'expert à 30 % ; le taux de 86 % de patients satisfaits de l'opération chirurgicale, évoqué par l'expert, est sans lien avec le calcul du taux de perte de chance ; l'algodystrophie n'est pas imputable au centre hospitalier dès lors qu'elle aurait pu intervenir en dehors du retard de diagnostic ;

- le tribunal a fait une exacte appréciation des préjudices extra-patrimoniaux temporaires ;

- M. B... n'est pas fondé à demander réparation pour l'aide d'une tierce personne dès lors qu'il aurait eu les mêmes besoins en cas d'intervention chirurgicale ;

- l'expertise n'a pas retenu de pertes de gains professionnels dès lors qu'il n'est pas établi qu'en cas de diagnostic de rupture du tendon discal du biceps dès le 18 mars 2015, M. B... aurait pu reprendre son activité dès le 6 mai 2015 ; l'algodystrophie justifie à elle seule les arrêts de travail, c'est donc à tort que le tribunal a retenu ce chef de préjudice ;

- le tribunal a fait une juste appréciation des préjudices liés au déficit fonctionnel permanent, au préjudice esthétique et à l'incidence professionnelle ;

- la demande d'indemnisation d'un préjudice d'agrément sera rejetée faute de démonstration de la réalité de ce préjudice ;

- c'est à tort que les premiers juges ont indemnisé la perte de gains professionnels futurs, l'expert n'ayant pas retenu un tel poste de préjudice ; les arrêts de travail jusqu'au 6 mars 2017 sont justifiés par l'algodystrophie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chabouty, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., marin sur les bacs de l'île d'Aix, a été victime d'un accident du travail le 6 mars 2015 qui lui a occasionné un traumatisme au bras droit. Il a été adressé par son médecin traitant au centre hospitalier de Rochefort pour une consultation de chirurgie orthopédique fixée au 18 mars 2015. Lors de celle-ci, le praticien hospitalier, constatant qu'il n'existait pas d'anomalie clinique et que la fonction était normale avec une bonne force musculaire, n'a pas prescrit de traitement ou d'examen complémentaire, alors même qu'il a relevé que l'échographie réalisée le 11 mars 2015 laissait suspecter une éventuelle rupture du tendon bicéphal. Une IRM réalisée le 15 avril 2015 a révélé une rupture complète du tendon distal du biceps avec rétractation tendineuse sur neuf centimètres. Le chirurgien orthopédiste de la Rochelle que M. B... a consulté le 23 avril 2015 a indiqué dans son compte-rendu que le tendon était totalement rétracté et qu'il était malheureusement trop tard pour envisager un geste de réinsertion du biceps sur la tubérosité bicipitale du radius. S'estimant victime d'un défaut de diagnostic au centre hospitalier de Rochefort, M. B... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de Poitou-Charentes. Au vu du rapport d'expertise remis le 15 octobre 2016, la commission a conclu, dans son avis du 6 avril 2016, à l'existence d'un retard de diagnostic à l'origine d'une perte de chance d'éviter la réalisation des dommages subis par M. B.... L'intéressé ayant sollicité auprès de la juridiction administrative le versement d'une provision, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux lui a, par ordonnance du 28 novembre 2018, alloué une provision de 15 913,62 euros.

2. M. B... a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de condamnation du centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 88 215,70 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a partiellement fait droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier à lui verser la somme de 18 345 euros, sous déduction du montant de la provision, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2018 et capitalisation des intérêts. Par la présente requête, M. B... demande la réformation du jugement du 16 juin 2020 en tant qu'il a retenu un taux de perte de chance de 30 % et limité le montant de son indemnisation à la somme de 18 345 euros et la condamnation du centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 88 817,70 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Rochefort conteste les pertes de revenus et demande que l'indemnité soit ramenée à 4 800 euros, dont doit être déduite le montant de la provision, et la condamnation de M. B... à lui restituer la somme de 11 113,62 euros au titre du trop-perçu de provision.

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à sa mise hors de cause :

3. Il ne résulte pas de l'instruction que les préjudices dont M. B... demande la réparation puissent être regardés comme directement imputables à un acte non fautif de prévention, de diagnostic ou de soins au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Par suite, l'indemnisation du dommage ne saurait être mise à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, et celui-ci doit être mis hors de cause comme il le demande.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Il est constant que le centre hospitalier de Rochefort a commis une faute dans la prise en charge de M. B... le 18 mars 2015 en ne réalisant pas d'IRM susceptible de conduire à un diagnostic plus précoce de la rupture du tendon du biceps, alors que l'échographie et les tableaux cliniques décrits par les médecins ayant précédemment examiné M. B... les 6 et 12 mars pouvaient laisser penser à un tel diagnostic. L'acte fautif est ainsi en lien direct, non avec le dommage subi par la victime, mais avec la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne.

6. Le rapport d'expertise rendu à la demande de la CCI a conclu que la consultation réalisée au centre hospitalier de Rochefort le 18 mars 2015, et notamment le fait de ne pas avoir fait réaliser d'IRM, avait privé M. B... de la possibilité d'un geste chirurgical et par voie de conséquence d'un meilleur résultat, notamment en ce qui concerne la force de prono-supination. Il a retenu un taux de perte de chance de 30 % après avoir noté que la survenue d'une algodystrophie n'est pas imputable de manière directe et certaine au manquement commis, puisqu'elle aurait pu arriver également après une intervention chirurgicale. L'expertise relève également que selon une étude, 86 % des patients ayant eu une rupture du tendon du biceps se déclarent satisfaits des résultats de l'intervention chirurgicale.

7. Dans ces conditions, alors que rien ne permet d'affirmer, ni que M. B... n'aurait pu bénéficier des résultats très favorables qui pouvaient être attendus d'une chirurgie, ni qu'il aurait nécessairement développé une algodystrophie s'il avait été opéré, le taux de perte de chance doit être fixé, non à 30 % comme l'ont retenu les premiers juges, mais à 86 % conformément aux statistiques disponibles.

Sur les préjudices indemnisables :

En ce qui concerne les préjudices avant consolidation :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant à l'aide d'une tierce personne :

8. Il résulte du rapport d'expertise que si M. B... a nécessité l'aide de son entourage pendant une période d'environ deux mois pour s'habiller, il aurait également eu besoin de l'aide d'une tierce personne s'il avait subi une intervention chirurgicale puis porté un plâtre pendant six semaines. Par suite, il ne peut prétendre à l'indemnisation de ce préjudice.

Quant aux pertes de revenus :

9. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte de chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

10. Il résulte de l'instruction que si le diagnostic de rupture du tendon distal du biceps avait été posé dès le 18 mars 2015, M. B... aurait nécessité un arrêt de travail d'environ deux mois à compter de la survenance de l'accident. Par suite, la période d'incapacité indemnisable commence au 18 mai 2015. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, il ne ressort pas du rapport d'expertise, ni d'aucune autre pièce que les arrêts de travail à compter du 29 mai 2015 seraient justifiés uniquement par l'algodystrophie, dont le lien avec la faute commise n'a pas été reconnu par l'expert.

11. Jusqu'à la date de consolidation, fixée au 31 août 2016, M. B... dont le revenu moyen mensuel était de 2 171 euros, aurait dû percevoir des revenus pour un montant total de 34 374 euros. Cette perte de revenus a été partiellement compensée par le versement d'indemnités journalières effectivement perçues pour un montant de 19 373,40 euros. A cet égard, M. B... ne saurait sérieusement se prévaloir, pour réviser à la baisse le montant des indemnités journalières à prendre en compte, de la demande présentée en première instance par l'ENIM au titre de ses débours, dès lors que cette somme tenait compte du taux de perte de chance retenu par l'expert. Dans ces conditions, la perte de gains professionnels qu'il a réellement subie doit être fixée à 15 000,60 euros.

12. L'ENIM ne conteste pas le rejet de ses conclusions par le tribunal. Au regard du taux de perte de chance, le montant total des pertes de gains professionnels indemnisables s'élève à 29 560,78 euros et le centre hospitalier doit être condamné à verser à M. B..., en application des principes rappelés au point 9, la somme de 15 000,60 euros.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

13. M. B... a subi une gêne temporaire partielle de classe II (25 %) du 6 mars au 6 mai 2015 (62 jours), puis de classe I (10 %) du 7 mai 2015 à la date de consolidation fixée au 31 août 2016 (483 jours). Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire en retenant la somme de 1 000 euros.

14. Si le préjudice esthétique temporaire a été évalué par l'expert à un sur une échelle de sept, du fait du port d'une écharpe pendant deux mois, il résulte de l'instruction que M. B... aurait dû porter un plâtre pendant six semaines s'il avait subi une intervention chirurgicale. Dans ces conditions, le préjudice esthétique subi n'est pas supérieur à celui qui serait résulté de l'opération, et ne peut donc être indemnisé

15. Les souffrances endurées, tant physiques que psychologiques, ont été évaluées à 2,5 sur une échelle de 7. La somme de 3 000 euros retenue par les premiers juges constitue une base suffisante de réparation de ce préjudice.

16. Il résulte de ce qui précède que la somme qui doit être allouée à M. B... au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires doit être fixée, compte tenu du taux de perte de chance de 86 %, à 3 440 euros.

En ce qui concerne les préjudices après consolidation :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

17. M. B... a été en arrêt de travail du 1er septembre 2016 au 6 mars 2017. Contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, il ne résulte pas de l'instruction que cette période d'inactivité forcée serait due à l'algodystrophie, et le fait que le rapport d'expertise n'a pas examiné la perte de gains professionnels futurs n'est de nature à exclure ni la réalité du préjudice, ni le lien de causalité avec la faute commise. Eu égard à son salaire mensuel moyen, la perte de gains professionnels après consolidation peut être évaluée à 13 460 euros, montant qui a été partiellement compensé par le versement d'indemnités journalières à hauteur de 6 277,82 euros. Par suite, la perte de gains professionnels réellement subie s'élève à 7 182,18 euros et au regard du montant total indemnisable après application du taux de perte de chance, qui s'élève à 11 575,60 euros, l'intégralité de la somme de 7 182,18 euros peut être allouée à M. B... en application des principes rappelés au point 9.

18. Dans les circonstances de l'espèce, il a été fait une juste appréciation du préjudice lié à l'incidence professionnelle résultant d'une pénibilité accrue du travail effectué, en retenant la somme de 5 000 euros, soit après application du taux de perte de chance une somme de 4 300 euros.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

19. Le déficit fonctionnel permanent a été évalué par l'expert à 5 % eu égard à la diminution de force de la prono-supination, de la supination et de la persistance de douleurs sur l'insertion du biceps. M. B... étant âgé de 49 ans à la date de la consolidation, il a été fait une juste appréciation du préjudice indemnisable en retenant la somme de 5 500 euros.

20. Eu égard à l'asymétrie du biceps et à la nécessité de porter un manchon de compression, le préjudice esthétique définitif a été évalué à un sur une échelle de sept. Il en a été fait une juste appréciation en fixant le montant indemnisable à 1 000 euros.

21. Si le rapport d'expertise relève une fatigabilité pour les activités de bricolage et d'entretien du jardin du fait d'une légère diminution de la force de supination, il indique également que cette gêne est modérée, d'autant que l'intéressé a pu reprendre la chasse. M. B... n'apporte, comme en première instance, aucun justificatif démontrant que ces activités ou celle de mécanique constitueraient une activité de loisirs régulière excédant l'entretien de son habitation ou de son véhicule. Par suite, la demande relative au préjudice d'agrément ne peut qu'être rejetée.

22. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du taux de perte de chance de 86 %, la somme qui doit être allouée à M. B... au titre des préjudices extrapatrimoniaux s'élève à 5 590 euros.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le centre hospitalier de Rochefort a été condamné à verser à M. B... doit être portée de 18 345 euros à 35 512,78 euros, dont devra être déduite la provision de 15 913,62 euros.

Sur les conclusions du centre hospitalier tendant à la restitution d'un trop-perçu de provision :

24. Il résulte de ce qui précède que le calcul définitif des droits de M. B..., qui est supérieur au montant de la provision de 15 913,62 euros, ne fait apparaître aucun trop perçu. Par suite, ces conclusions ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés au litige :

25. D'une part, les conclusions de M. B... tendant au paiement des entiers dépens du procès, lequel n'en comporte aucun, sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

26. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Rochefort une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Rochefort a été condamné à verser, avec intérêts et capitalisation des intérêts à M. B... est portée de 18 345 euros à 35 512,78 euros, dont devra être déduite la provision de 15 913,62 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Rochefort versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au centre hospitalier de Rochefort, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à l'établissement national des invalides de la marine.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Catherine Girault, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.

Le rapporteur,

Olivier A...

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX02626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02626
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-17;20bx02626 ?
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