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15/11/2022 | FRANCE | N°22BX00571

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 novembre 2022, 22BX00571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101491 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février

2022, Mme E..., représentée par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101491 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2022, Mme E..., représentée par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 17 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de vingt jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle souffre de pathologies multiples et complexes pour lesquelles elle établit, par les certificats médicaux produits, que la prise en charge médicale et le traitement que requiert son état de santé, s'ils sont remboursés par l'assurance sociale dans son pays d'origine, ne sont pas assurés ; il n'existe au Gabon aucun plateau technique pour la prise en charge d'une tumeur hypophysaire ni de traitement par chimiothérapie ; elle établit l'aggravation de son état de santé ;

- pour les mêmes motifs, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle aura pour conséquence l'interruption de son suivi pluridisciplinaire et de sa prise en charge médicale et la rupture des relations avec son petit-fils auquel elle est très attachée ;

- la mesure d'éloignement prise à son encontre est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme E... n'est fondé.

Par une ordonnance du 12 septembre 2022, l'instruction a été rouverte et la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 octobre à 12h00.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2022.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante gabonaise née le 27 août 1953, est entrée en France le 24 septembre 2019 munie d'un visa de court séjour. Elle s'est vue délivrer une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé valable du 18 janvier 2021 au 17 avril 2021 et a demandé le 1er février 2021 la délivrance d'une de carte de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juillet 2021, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... relève appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision rejetant la demande de titre de séjour de Mme E..., qui souffre d'une tumeur bénigne de l'hypophyse, d'une insuffisance rénale et d'un glaucome à angle ouvert, a été prise au vu de l'avis du 21 avril 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui précise qu'un défaut de prise en charge médicale peut entraîner pour Mme E... des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut obtenir effectivement un traitement adapté au Gabon. La requérante ne produit aucune pièce de nature à établir que la prise en charge de son insuffisance rénale, qui se limite à un suivi par un néphrologue, ne pourrait pas être assurée au Gabon. La seule production d'un certificat médical établi le 18 août 2021 par un ophtalmologue indiquant qu'un " suivi au Gabon semble compliqué " ne suffit pas non plus à remettre en cause l'avis précité s'agissant de la prise en charge de la pathologie ophtalmologique de la requérante dans son pays d'origine.

4. La requérante soutient que l'éventuelle traitement de sa pathologie par chimiothérapie serait compromis dans son pays d'origine et se prévaut à cet effet d'une attestation médicale rédigée le 9 décembre 2021 par un expert médical gabonais mentionnant une " non disponibilité des drogues nécessaires pour une chimiothérapie ", et de certificats médicaux rédigés les 29 juillet et 30 novembre 2021 par un chirurgien du centre hospitalier universitaire de Libreville, indiquant que le traitement médical et le suivi " ne peuvent être effectués dans aucune de nos structures hospitalières " et que " la disponibilité permanente " de la cabergoline n'est pas garantie au Gabon. Toutefois, il ressort des certificats médicaux produits que la pathologie hypophysaire de l'intéressée nécessite seulement un traitement à base de cabergoline afin de limiter la sécrétion de prolactine ainsi qu'une surveillance médicale régulière aux fins d'adapter ce traitement. Dans ces conditions, la requérante ne contredit pas utilement l'avis du collège des médecins de l'OFII.

5. La circonstance que le collège de médecins a, par le passé, été d'avis que Mme E... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ne faisait pas obstacle à ce que son analyse évolue sur ce point, Mme E... ne saurait, dès lors, utilement se prévaloir de la délivrance d'un titre de séjour antérieur en raison de son état de santé.

6. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et médicale de la requérante.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi :

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.

8. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Mme E... fait valoir que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi litigieuses auraient nécessairement pour conséquence de la séparer de son petit-fils qui lui est très attaché et l'arrêt de son traitement. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 6, il n'est pas démontré qu'elle ne pourrait bénéficier au Gabon d'un traitement approprié à son état de santé. Elle n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à démontrer que, compte tenu de son âge et de son état de santé, la présence de son petit-fils auprès d'elle serait indispensable ou ferait obstacle à son éloignement. Par suite, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi contestées n'ont pas été prises en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme F... B..., présidente- assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

Agnès C...Le président,

Didier ARTUSLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00571
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-15;22bx00571 ?
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