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15/11/2022 | FRANCE | N°21BX02764

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 novembre 2022, 21BX02764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 125 000 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre du traitement de sa demande de titre de séjour par la préfète de la Vienne.

Par un jugement n°1901993 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2021, M. A... B..., représenté par Me Lenfant, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 février 2021 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 125 000 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre du traitement de sa demande de titre de séjour par la préfète de la Vienne.

Par un jugement n°1901993 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2021, M. A... B..., représenté par Me Lenfant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 février 2021 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 125 000 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commises par l'administration dans le traitement de sa situation administrative de 2008 au 2 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- il a vécu depuis 1997 sous la menace d'une expulsion du territoire qui l'a empêché de mener une vie familiale normale, l'a empêché de travailler et lui a causé un préjudice moral alors qu'il aurait dû bénéficier de la loi du 11 juillet 2003 relative à la double peine ;

- la décision de l'expulser n'a été abrogée que le 12 janvier 2016 et ne lui a été notifiée, à sa demande, que le 11 janvier 2017, ce qui caractérise, à ce double titre, une carence fautive de l'administration ;

- l'Etat a commis une faute en refusant de lui délivrer un titre de séjour en 2018 ;

- il justifie de la réalité et du montant de son préjudice.

Par ordonnance du 25 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2022.

Un mémoire du préfet de la Vienne a été enregistré le 14 octobre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant irakien né le 24 octobre 1972, est entré en France en décembre 1979, alors qu'il était âgé de sept ans. A sa majorité, il a obtenu une carte de résident valable du 25 octobre 1988 au 24 octobre 1998. A la suite de condamnations pénales, il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion pris le 22 juillet 1997, qui n'a pas été mis à exécution et qui a été abrogé le 12 janvier 2016. Le 3 octobre 2017, M. A... B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mais, par un arrêté du 15 mars 2018, la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande. Cet arrêté a toutefois été annulé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 juin 2020 au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... B... relève appel du jugement 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices que lui ont causé les fautes commises par l'administration dans le traitement de sa situation administrative de 2008 au 2 juin 2020.

Sur la responsabilité fautive de l'Etat :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité : " Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ".

3. D'une part, ces dispositions n'ont pas pour effet d'abroger ou de retirer les décisions d'expulsion prises antérieurement à leur entrée en vigueur. D'autre part, M. A... B... n'établit ni même ne soutient qu'il aurait sollicité l'application, à son bénéfice, des mesures transitoires, dont il ne se prévaut d'ailleurs pas, visant à traiter les situations nées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi et, en particulier, avoir demandé l'annulation ou l'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il faisait l'objet. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de procéder d'office à l'abrogation de cet arrêté avant le 12 janvier 2016, l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Enfin, dès lors qu'aucun texte à valeur normative n'imposait à l'administration de l'informer de la possibilité d'effectuer une telle démarche, il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'administration aurait manqué à un quelconque devoir d'information à son égard, y compris lorsqu'il a été interpellé en 2008.

4. En deuxième lieu, M. A... B... soutient que la décision du 12 janvier 2016, portant abrogation de cet arrêté d'expulsion, ne lui aurait été notifiée que le 11 janvier 2017, près d'un an après son édiction et uniquement après qu'il a écrit au ministre de l'intérieur. Toutefois, il ne conteste pas que cet arrêté lui a été une première fois notifié en recommandé dès le 9 février 2016 mais a été retourné à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une faute en s'abstenant de lui notifier cette décision d'abrogation dans un délai raisonnable.

5. En troisième lieu, M. A... B... est, en revanche, fondé à soutenir que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant, par une décision du 15 mars 2018, de lui délivrer un titre de séjour dès lors que le jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et a prescrit la délivrance, à son profit d'un titre de séjour, est devenu définitif.

Sur le préjudice :

6. D'une part, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de toute faute de l'Etat, l'appelant n'est pas fondé à demander la condamnation de ce dernier à l'indemniser de ses préjudices au titre de la période antérieure au 15 mars 2018.

7. D'autre part, M. A... B..., qui sollicitait, devant les premiers juges, le bénéfice d'une indemnité correspondant au revenu solidaire d'activité, sollicite dorénavant le bénéfice d'une indemnité correspond au SMIC mensuel pour un temps plein à compter du 15 mars 2018. Toutefois, il ne justifie ni même ne soutient avoir exercé une activité professionnelle depuis qu'il est effectivement titulaire d'un titre de séjour, ne développe aucune argumentation ni ne produit aucun élément, notamment aucune promesse d'embauche, permettant de considérer qu'il aurait, effectivement, exercé une activité professionnelle à compter du 15 mars 2018 si la préfète de la Vienne lui avait délivré, à cette date, un titre de séjour. Dans ces conditions, le préjudice dont il se prévaut à ce titre présente seulement un caractère hypothétique et n'est dès lors pas susceptible de lui conférer un droit à indemnisation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il aurait subis. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 18 octobre à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président ;

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Didier ArtusLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX02764 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02764
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LENFANT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-15;21bx02764 ?
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