Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner l'Etat à lui verser une somme de 6 247,68 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au rappel des allocations familiales dont le versement à son profit a été interrompu de juillet 2015 à juillet 2017.
Par un jugement n° 2000038 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Page, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 6 247,68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le versement des prestations familiales dues au personnels de l'Etat exerçant dans un département d'outre-mer incombait à l'Etat jusqu'au 1er janvier 2017 ;
- il percevait, qu'en juin 2015, des allocations familiales d'un montant mensuel de 260,32 euros en sa qualité de père de trois enfants mineurs ; ce versement a été interrompu sans explication à partir du 1er juillet 2015 ; il a répondu à la demande de l'administration, reçue après sa saisine du tribunal, de justification de ce que sa compagne ne percevait pas d'allocations familiales.
Par une ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juin 2022.
Des mémoires ont été produits par le préfet de la Guyane et le ministre de l'intérieur et des Outre-mer le 10 octobre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Par lettre du 12 octobre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la juridiction administrative.
Des observations ont été présentées par M. B... le 14 octobre 2022.
Il fait valoir que la décision émanant du préfet, la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., gardien de la paix affecté à la police aux frontières de Saint-Laurent du Maroni à compter du 1er septembre 2006, a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner l'Etat à lui verser une somme de 6 247,68 euros correspondant au rappel des allocations familiales dont le versement à son profit a été interrompu de juillet 2015 à juillet 2017. Il relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les dispositions du présent titre s'appliquent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'ensemble des bénéficiaires de la législation générale de sécurité sociale, y compris les membres des professions agricoles. ". Aux termes de l'article L. 755-10 de ce code : " Dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1, la charge et le service des prestations familiales dues aux personnels de l'Etat et des collectivités locales continuent à être assumés dans les conditions en vigueur à la date du 22 août 1967 ". En vertu de ces dispositions, le versement des allocations familiales au profit de M. B..., gardien de la paix, était effectué par le préfet de la Guyane. Aux termes de l'article L. 752-10 du même code : " Les différends nés, dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1, de l'application des législations et réglementations relatives aux prestations familiales en vigueur dans ces départements relèvent du contentieux général de la sécurité sociale, tel qu'il est déterminé par les articles L. 142-1 à L. 142-3 et les textes pris pour leur application ". L'article L. 511-1 du même code précise que les prestations familiales comprennent, notamment, les allocations familiales.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, en vigueur à la date d'introduction de demande de M. B... : " Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs : 1° A l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole (...) ". Aux termes de son article L. 142-8 : " Le juge judiciaire connaît des contestations relatives : 1° Au contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 (...) ".
4. Eu égard à la nature du différend, relatif à l'interruption du versement de prestations familiales, le litige, qui relève du contentieux de la sécurité sociale, ressortit à la compétence de la juridiction judiciaire. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal qui s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de M. B... et, statuant par voie de l'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement ° 2000038 du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de la Guyane est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet de la Guyane et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve A...
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX04170