Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 1800447, Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 2 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Majicavo a suspendu sa majoration de traitement pour la période du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018, et d'enjoindre à l'administration de lui restituer la majoration de son traitement pour la période du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018 ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation.
Par une requête enregistrée sous le n° 1800448, Mme D... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 11 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Majicavo a suspendu sa majoration de traitement pour la période du 2 au 9 janvier 2018, et d'enjoindre à l'administration de lui restituer la majoration de son traitement pour la période du 2 au 9 janvier 2018 ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1800447,1800448 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2020, Mme D..., représentée par Me Vigreux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 12 mars 2020 ;
2°) d'annuler les décisions du 2 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Majicavo a suspendu sa majoration de traitement pour la période du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018, et du 11 janvier 2018 par laquelle la même autorité a suspendu sa majoration de traitement pour la période du 2 au 9 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui restituer la majoration de son traitement pour la période du 22 décembre 2017 au 9 janvier 2018 ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, dès lors que, quand bien même elle se trouvait durant son congé de maladie en métropole, elle était en droit de conserver le bénéfice de la majoration de traitement pour résidence outre-mer, situation relevant des exceptions prévues par le décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés ;
- les décisions contestées sont entachées du vice d'incompétence de leur signataire, faute de délégation de signature suffisamment précise ;
- elles sont entachées d'erreur de droit liée à la méconnaissance de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 1er du décret n° 2010-997 du 26 août 2010 qui précise que le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires de l'Etat est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 ; le décret du 28 octobre 2013 portant création d'une majoration de traitement allouée aux fonctionnaires de l'Etat en service dans le département de Mayotte ne prévoit pas comme condition suspensive du bénéfice de cette majoration de traitement, la présence de l'agent sur le territoire de Mayotte au moment du congé ; son placement en congés de maladie ordinaire n'a pas été contesté par l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié ;
- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 modifié ;
- le décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., brigadière affectée au centre pénitentiaire de Majicavo, a bénéficié
de deux arrêts de travail successifs du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018, puis du 2 au
9 janvier 2018 inclus. Par une décision du 2 janvier 2018, le directeur de l'établissement a suspendu sa majoration de traitement pour la période du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018. Par une décision du 11 janvier 2018, il a suspendu cette même majoration pour la période du 2 au 9 janvier 2018. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Mayotte d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions. Elle relève appel du jugement n°1800447,1800448 du 12 mars 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
2. D'une part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...). Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ".
3. D'autre part, l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés, dans sa version alors applicable, dispose que : " A compter du 1er janvier 2013, une majoration du traitement indiciaire de base est attribuée aux fonctionnaires relevant des lois des 11 janvier 1984 et 9 janvier 1986 susvisées ainsi qu'aux magistrats en service dans le Département de Mayotte. " et " Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, (...) est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables ; 3° Les dispositions qui prévoient, pour certains régimes indemnitaires spécifiques rétribuant des sujétions particulières, leur suspension à compter du remplacement de l'agent dans ses fonctions demeurent applicables. II. - Toutefois, les agents bénéficiaires des congés mentionnés au 1° du I ne peuvent, durant ces périodes de congés, acquérir de nouveaux droits au titre des primes et indemnités non forfaitaires qui ont le caractère de remboursement de frais et au titre des primes non forfaitaires qui sont liées à l'organisation et au dépassement du cycle de travail. (...) ".
4. Enfin, il résulte de l'application combinée des articles 25 et 37 du décret du 14 mars 1986 relatif notamment au régime de congés de maladie des fonctionnaires que la rémunération versée aux agents en congé de maladie ordinaire comprend le traitement indiciaire brut ainsi que les primes et indemnités, à l'exception en particulier de celles correspondant à des sujétions particulières alors que la rémunération versée aux agents en congé de longue maladie ou de longue durée exclut explicitement les indemnités qui sont attachées à l'exercice des fonctions.
5. Les dispositions précitées du décret du 26 août 2010 ont pour objet d'étendre la règle du maintien du traitement prévue par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 aux primes et indemnités versées aux agents concernés dans les mêmes conditions et pour les mêmes périodes que le traitement, en cas de congé annuel, de congé de maladie et de congé pour maternité, à l'exception notamment des indemnités liées à la manière de servir ou aux résultats obtenus ou encore aux dispositions prévoyant leur suspension dans certains régimes indemnitaires spécifiques.
6. La majoration de traitement instituée par le décret du 28 octobre 2013, qui est une indemnité rattachée à l'exercice des fonctions, n'est pas au nombre des exceptions prévues par le décret du 26 août 2010. Elle entre donc dans le champ d'application du régime du maintien des primes et indemnités institué par ce texte. Dans ces conditions, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne pouvait subordonner le maintien de cette majoration de traitement, s'agissant d'un agent de l'Etat en congés de maladie ordinaire, à une résidence effective dans le département de Mayotte dès lors que le décret du 28 octobre 2013 instituant cet avantage ne subordonne pas le bénéfice de cette majoration à une résidence effective dans ce département et ne comporte aucune disposition spécifique aux fonctionnaires de l'Etat en congés de maladie ordinaire.
7. Ainsi, Mme D..., dont il est constant qu'elle était en service à Mayotte en qualité de brigadière affectée au centre pénitentiaire de Majicavo, était en droit de percevoir la majoration de traitement correspondante, sans qu'y fasse obstacle les circonstances, d'une part, qu'elle était placée en congé maladie ordinaire du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018 puis du 2 au 9 janvier 2018 inclus, d'autre part, qu'elle séjournait en métropole au moment de ses congés de maladie pendant cette période.
8. Dès lors, Mme D... est fondée à demander l'annulation de la décision du 2 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Majicavo a suspendu sa majoration de traitement pour la période du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018 et la décision du 11 janvier 2018 par laquelle la même autorité a suspendu cette majoration pour la période du 2 au 9 janvier 2018 inclus.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. L'annulation des décisions du 2 janvier 2018 et du 11 janvier 2018 implique nécessairement que l'administration régularise la situation de Mme D... en lui versant la majoration de traitement inhérente à une affectation à Mayotte pour la période du période du 22 décembre 2017 au 9 janvier 2018 inclus.
Sur les frais d'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1800447,1800448 du 12 mars 2020 du tribunal administratif de Mayotte est annulé.
Article 2 : La décision du 2 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Majicavo a suspendu la majoration de traitement de Mme D... pour la période du 22 décembre 2017 au 2 janvier 2018 inclus, et la décision du 11 janvier 2018 par laquelle il a suspendu cette même majoration pour la période du 2 au 9 janvier 2018 inclus, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à l'administration de verser à Mme D... la majoration de traitement inhérente à une affectation à Mayotte pour la période du période du 22 décembre 2017 au 9 janvier 2018 inclus.
Article 4 : L'Etat versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au garde des sceaux, ministre de la Justice.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.
La rapporteure,
Agnès B...Le président,
Didier ARTUSLa greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01590