Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le service d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde à lui verser une somme de 156 688,92 euros en réparation des préjudices consécutifs à sa chute survenue le 11 juillet 2016.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde a demandé au tribunal de condamner solidairement le SDIS de la Gironde et la société Allianz à lui verser une somme de 50 189,76 euros au titre des débours exposés au profit de Mme B... ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1804609 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a condamné le SDIS de la Gironde à verser à Mme B... une somme de 22 406,04 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2018 et capitalisation des intérêts au 20 juin 2019, d'autre part, a condamné solidairement le SDIS de la Gironde et la société Allianz à verser à la CPAM de la Gironde une somme de 20 075,90 euros au titre de ses débours et une somme 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le tribunal a mis à la charge du SDIS de la Gironde les frais d'expertise et une somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance exposés par Mme B... et a mis à la charge solidaire du SDIS de la Gironde et de la société Allianz une somme de 500 euros au titre des frais d'instance exposés par la CPAM de la Gironde.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 avril 2020, 22 juin 2021 et 16 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Blanc-Delas, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 9 mars 2020 du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 22 406,04 euros ;
2°) de porter la somme que le SDIS de la Gironde a été condamné à lui verser à 156 688,92 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à charge du SDIS les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le SDIS a commis plusieurs fautes lors de l'intervention dans son immeuble ; il n'a pas mis en place un périmètre de sécurité et n'a ainsi pas signalé la zone humide glissante ; l'opération d'extinction de l'incendie était terminée lorsque sa chute est survenue ; le SDIS n'a pas informé les habitants de la résidence de ce qu'une intervention était en cours et de ce que la zone d'intervention était inaccessible en raison de sa dangerosité ; elle n'a pas été prévenue de l'intervention en cours ; sur ce point, les éléments apportés par le SDIS ne sont pas probants ; le SDIS s'est contredit dans ses différents mémoires ; les sapeurs-pompiers ont utilisé un matériel inadapté pour assécher la zone humide ;
- elle n'a commis aucune faute d'imprudence en se rendant dans le hall de l'immeuble ; elle n'avait pas été informée de l'intervention et il ne lui avait pas été demandé de rester chez elle ; les attestations produites par le SDIS sont incohérentes ;
- elle a subi un préjudice financier lié aux frais de déplacement, aux frais d'aide-ménagère restés à sa charge ; une somme de 474,35 euros doit lui être allouée à ce titre ;
- sa perte de gains professionnels actuels s'élève à 3 939, 50 euros ;
- ses frais de logement adapté doivent être évalués à 7 035, 57 euros ;
- ses frais de véhicule adapté doivent être évalués à 5 000 euros ;
- elle a droit à l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs, qu'elle sollicite sous la forme d'un capital de 78 917 euros ;
- son préjudice d'incidence professionnelle doit être évalué à 15 000 euros ;
- son déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à 3 122, 50 euros ;
- le préjudice subi à raison des souffrances endurées doit être évalué à 8 000 euros
- son préjudice esthétique temporaire doit être évalué à 4 000 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 14 200 euros ;
- son préjudice d'agrément doit être évalué à 12 000 euros ;
- son préjudice esthétique permanent doit être évalué à 4 000 euros ;
- son préjudice sexuel doit être évalué à 1 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2020, la CPAM de la Gironde demande à la cour de porter les sommes que le SDIS de la Gironde et la société Allianz ont été condamnés à lui verser au titre de ses débours et de l'indemnité forfaire de gestion aux montants de, respectivement, 50 189,76 euros et 1 091 euros, et de mettre à leur charge une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal, la responsabilité du SDIS de la Gironde est engagée à raison de la faute commise tenant à une évaluation incorrecte du risque dû à la présence d'eau sur le sol et à l'absence de toute mesure de précaution alors que l'opération de secours était achevée ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, Mme B... n'a pas commis de faute d'imprudence partiellement exonératoire de responsabilité ; aucun élément ne permet d'établir que Mme B... aurait été informée de l'intervention en cours ;
- elle justifie des débours exposés au profit de son assurée, en lien avec le dommage, pour un montant total de 50 189,76 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2021, le SDIS de la Gironde et la société Allianz concluent au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Gironde et à la mise à la charge de Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que l'accident ne serait pas imputable à son imprudence fautive ; elle n'explique pas les raisons de sa présence dans le hall d'entrée en pleine nuit, vêtue d'une robe de chambre ; les déclarations des sapeurs-pompiers ne divergent pas ; la requérante avait été prévenue de l'intervention en cours et sa chute est survenue alors que cette intervention n'était pas achevée ;
- s'agissant des préjudices allégués, la requérante n'apporte aucun élément nouveau en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dufranc, représentant le SDIS de Gironde, et de Me Garaud, représentant la CPAM de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. Le SDIS de la Gironde est intervenu dans la nuit du 10 au 11 juillet 2016, à partir de 2 heures 50, pour éteindre un incendie dans le local poubelles d'une résidence située au Haillan. Vers 3 heures 30 du matin, Mme B..., habitante d'un appartement de cette résidence, s'est rendue dans le hall de l'immeuble où elle a glissé sur une flaque d'eau. Cette chute lui a occasionné une fracture ouverte du tibia droit avec fracture comminutive de la malléole externe droite. Imputant cette chute à une faute commise par le service d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde, elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner ce service à lui verser une somme de 156 688,92 euros en réparation de ses préjudices. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde a demandé au tribunal de condamner solidairement le SDIS de la Gironde et son assureur, la société Allianz, à lui verser une somme de 50 189,76 euros au titre des débours exposés au profit de Mme B... ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que la responsabilité du SDIS de la Gironde était engagée à raison de la faute tenant à l'absence de balisage de la zone d'intervention en présence d'eau sur le sol. Le tribunal a ensuite considéré que Mme B..., en descendant dans le hall de l'immeuble alors qu'elle ne pouvait ignorer l'intervention en cours des pompiers, avait commis une faute d'imprudence exonérant le SDIS de sa responsabilité à hauteur de 60 %. Le tribunal a, d'une part, condamné le SDIS de la Gironde à verser à Mme B... une somme de 22 406,04 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2018 et capitalisation des intérêts au 20 juin 2019, d'autre part, condamné solidairement le SDIS de la Gironde et la société Allianz à verser à la CPAM de la Gironde une somme de 20 075,90 euros au titre de ses débours et une somme 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le tribunal a enfin mis à la charge du SDIS de la Gironde les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés et une somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance exposés par Mme B... et mis à la charge solidaire du SDIS de la Gironde et de la société Allianz une somme de 500 euros au titre des frais d'instance exposés par la CPAM de la Gironde. Mme B... et la CPAM de la Gironde relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité leur indemnisation aux montants précédemment mentionnés.
2. Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation (...) ".
3. Il résulte des éléments produits par le SDIS de la Gironde, en particulier des comptes-rendus d'intervention établis les 22 et 24 octobre 2016 par un adjudant-chef des sapeurs-pompiers et un autre sapeur-pompier que, lors de l'intervention en cause, Mme B... a interpellé un pompier depuis la fenêtre de son appartement, situé au 4ème étage. Celui-ci lui a indiqué que la situation ne présentait aucun caractère de gravité et qu'elle devait rester chez elle. L'intéressée s'est toutefois rendue dans le hall de l'immeuble, vêtue d'une robe de chambre, en courant. Elle a alors glissé sur la flaque d'eau d'environ 3 m² formée sur le sol alors que l'opération d'extinction de l'incendie n'était pas achevée.
4. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'avait ni connaissance de l'intervention alors en cours ni davantage reçu le conseil de rester dans son appartement, elle n'apporte aucun commencement d'explication sur les raisons l'ayant conduite à se rendre, en pleine nuit, vêtue d'une simple robe de chambre, dans le hall de son immeuble. Contrairement à ce qu'elle soutient, la circonstance que les éléments apportés par le SDIS de la Gironde émanent de ses agents ayant participé à l'intervention n'est pas de nature à leur ôter tout caractère probant. Si Mme B... fait valoir que ces comptes-rendus auraient été modifiés à la suite des échanges de courriers entre son assureur et celui du SDIS, elle ne le démontre pas et il résulte en outre de l'instruction qu'ils ont été rédigés antérieurement aux échanges en cause. Ces comptes-rendus, qui se bornent à une description des faits, ne comportent par ailleurs aucune incohérence. A cet égard, le SDIS de la Gironde a notamment expliqué, dans ses écritures de première instance, que le pompier interpellé par Mme B... depuis la fenêtre de son appartement, équipé d'une lampe portative dotée d'une forte puissance d'éclairage, avait été en mesure de distinguer nettement cette dernière et, par conséquent, de la reconnaître lors de sa chute. Enfin, la circonstance, attestée par plusieurs habitants de la résidence, que les pompiers n'ont par réveillé l'ensemble des habitants de la résidence pour les informer de l'intervention en cours, ne remet nullement en cause la teneur des comptes-rendus ci-dessus mentionnés. Dans ces conditions, l'accident survenu est entièrement imputable à l'imprudence de Mme B... qui, malgré le conseil qui lui avait été donné, s'est rendue, de surcroît en courant, dans le hall de l'immeuble où se déroulait l'intervention.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et la CPAM de la Gironde ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a limité aux sommes mentionnées au point 1 les condamnations prononcées à l'encontre du SDIS de la Gironde et de la société Allianz.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SDIS de la Gironde et la société Allianz et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et les conclusions de la CPAM de la Gironde sont rejetées.
Article 2 : Mme B... versera une somme globale de 1 500 euros au SDIS de la Gironde et à la société Allianz sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, au service d'incendie et de secours de la Gironde et à la société Allianz.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, présidente,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve A...
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01298