Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.
Par un jugement n° 2106536 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2022, Mme D..., représentée par Me Abadel-Belhaimer, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2106536 du 3 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt, puis une carte de séjour vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- elle a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, les documents relatifs à son état civil dont un acte de naissance et copie de son passeport, afin de confirmer sa nationalité camerounaise ; il appartenait à l'autorité préfectorale d'interroger les autorités consulaires sur l'authenticité du passeport qu'elle aurait sollicité le 15 septembre 2018 auprès des autorités gabonaises à Libreville, en présentant un passeport original au nom de C... ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle réside en France auprès de sa seule famille, en l'occurrence sa mère et sa fratrie, tous en situation administrative régulière ; elle est isolée dans son pays d'origine ; elle démontre une réelle volonté d'intégration, en ayant réussi les épreuves de baccalauréat filière scientifique, et s'oriente actuellement vers les métiers de la petite enfance ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2022 à 12 heures.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 25 novembre 1996 conclue entre le gouvernement de la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née le 31 juillet 1996, de nationalité camerounaise, a, le 15 juillet 2020, sollicité de la préfète de la Gironde son admission au séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a fait l'objet d'un arrêté de la préfète de la Gironde portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en date du 17 novembre 2021, qui a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 3 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2022. Par suite, sa demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande :/1° Les documents justifiants de son état civil ;/ 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents./ Lorsque la demande de titre de séjour est introduite en application de l'article L. 431-2, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation de ces documents. ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. Pour justifier de son identité, Mme D... soutient avoir produit, à l'appui de sa demande, des documents relatifs à son état-civil, notamment un acte de naissance et la copie de son passeport. La préfète de la Gironde a cependant contesté la valeur probante de ces documents en se fondant sur la consultation du fichier Visabio, lequel a permis à l'administration de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales et de la photographie, que l'intéressée avait obtenu un visa de court séjour le 17 septembre 2018 auprès des autorités gabonaises, démarche à l'occasion de laquelle elle avait présenté un passeport la présentant comme Mme C..., née le 31 juillet 1996 et de nationalité gabonaise. La préfète a produit en première instance la fiche d'identification émise par le système Visabio qui comporte la photographie de l'intéressée. Par suite, la préfète a pu à bon droit en déduire que les documents d'état-civil produits à l'appui de la demande de titre de séjour n'étaient pas conformes à la réalité et ne pouvaient être regardés comme faisant foi, sans avoir à interroger au préalable les autorités étrangères sur l'authenticité des pièces produites par la requérante. Ainsi, au terme d'un examen particulier de la situation de l'intéressée, elle a pu légalement estimer que Mme D... ne justifiait pas de son identité, et refuser de lui délivrer pour ce motif, un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, la requérante se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'insuffisance de motivation, d'une erreur manifeste d'appréciation et porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 et 9 du jugement attaqué.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Les moyens déjà invoqués en première instance, tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'insuffisance de motivation, d'une erreur manifeste d'appréciation et porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, qui ne sont assortis d'aucun élément nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 11 et 12 du jugement attaqué.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2021 de la préfète de la Gironde. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme D... tendant à son d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte A...La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00931