Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2100602 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 octobre 2021, et des pièces enregistrées le 2 février 2022, M. A..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mai 2021 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 3 février 2021 ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sans délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement de son inscription au système d'information Schengen sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Chamberland-Poulin au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le jugement :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
- il a été signé par une autorité incompétente ;
- l'agent ayant notifié l'arrêté n'est pas identifiable, empêchant le contrôle de sa compétence ;
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2022 à 12h00.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 18 juin 1986, est un ressortissant ivoirien entré en France le 18 juillet 2002 au titre du regroupement familial. Il a bénéficié d'une carte de résident du 19 août 2003 au 18 août 2013. Il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour le 13 juin 2016 et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", en qualité de parent d'enfant français, valable du 16 novembre 2018 au 15 novembre 2019. Le 17 octobre 2019, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 février 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 19 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/015507 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 16 septembre 2021. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur la régularité du jugement :
3. Il ressort des pièces du dossier que, dans son mémoire introductif d'instance enregistré au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 6 février 2021, M. A... soulevait à l'encontre de l'arrêté de la préfète le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le tribunal n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu. Le jugement du 19 mai 2021 a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de viser dans l'arrêté par lequel elle refuse de délivrer un titre de séjour et fait obligation à un étranger de quitter le territoire en fixant le pays de renvoi, la délégation de signature accordée au signataire de cet arrêté. En outre, le signataire de la décision contestée, M. Noël Du Payrat, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, bénéficiait d'une délégation de signature par un arrêté préfectoral du 7 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2020-196 de la préfecture de la Gironde, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions concernant les attributions de l'Etat dans le département de la Gironde à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés tels celui faisant l'objet du recours de M. A.... Enfin, si le requérant soutient qu'il n'est pas démontré que les personnes dont la compétence est déléguée à M. E... étaient absentes ou empêchées à la date de la signature, il appartient à la partie contestant la compétence du signataire de l'acte en litige d'établir que le délégataire n'était ni absent ni empêché lors de la signature de l'arrêté, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.
6. En deuxième lieu, les conditions de notification de l'arrêté sont sans effet sur sa légalité. Le requérant ne peut donc utilement soutenir que l'impossibilité d'identifier l'agent ayant notifié l'arrêté fait obstacle au contrôle de sa compétence.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'une enfant mineure de nationalité française, prénommée Elisa, née le 27 mai 2017. Il produit notamment une attestation, rédigée par la mère de sa fille, qui affirme qu'elle souhaite qu'Elisa continue à entretenir une relation avec son père, ainsi que plusieurs courriers qu'il a envoyés à sa fille lorsqu'il était incarcéré. Toutefois, il n'établit pas ainsi qu'il participe à l'éducation et à l'entretien de sa fille. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une première condamnation en 2008 pour conduite d'un véhicule sans permis, en 2012 pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi d'une libération avant le septième jour et violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et en 2014 pour violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. M. A... a été également condamné par la cour d'appel de Bordeaux le 27 août 2020 à une peine de trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis pour des faits de violences habituelles n'ayant pas entraîné d'incapacité supérieure à huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et a fait l'objet d'une décision judiciaire du 24 juillet 2020 lui interdisant d'entrer en contact avec la mère d'Elisa ainsi qu'une précédente compagne et sa fille, pendant une durée de six mois. Enfin, le fichier du Traitement des Antécédents Judiciaires mentionne des faits de vol, d'escroquerie, de viol et de conduite d'un véhicule sans permis, sur une période s'étalant de 2007 à 2020. Dans ces conditions, compte tenu de la nature de ces faits délictueux, de leur répétition et de leur gravité, et alors que la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant n'a pas à être prise en compte pour l'appréciation de la menace à l'ordre public, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la préfète de la Gironde a considéré que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, alors même qu'un jugement du 8 avril 2021 du tribunal judiciaire de Tulle, postérieur à l'arrêté attaqué, lui a accordé une détention à domicile sous surveillance. Dès lors, la préfète de la Gironde pouvait, par ce seul motif de menace à l'ordre public, refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de fait doivent être rejetés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette Charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que ces articles s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.
10. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de cette même Cour que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, qui implique notamment que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, doit mettre l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permettre, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
11. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir qu'il n'a pas eu, avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la possibilité de faire valoir son droit d'être entendu.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".
13. Ainsi qu'il a été dit au point 8, M. A... n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Par suite, ce moyen doit être écarté.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Si le requérant réside sur le territoire français, sur lequel il est entré de façon régulière, depuis le 18 juillet 2002 et se prévaut de la présence de la mère de sa fille, de son père et de ses frères et sœurs, il ne produit aucune pièce établissant qu'il est encore en lien avec les membres de sa famille présents en France. En outre, il a eu l'interdiction d'approcher la mère de sa fille pendant une durée de six mois et il dispose encore d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa mère et dans lequel il a vécu seize ans. Dans ces conditions, et alors que M. A... représente une menace pour l'ordre public, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi.
16. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 à 10, la décision valant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas méconnu l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, ce moyen doit être écarté.
17. En huitième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
18. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
19. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
20. M. A... soutient qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète n'a pas pris en compte l'ancienneté de son séjour en France ni son intégration. Toutefois, l'arrêté indique avoir pris en compte la durée de séjour de l'intéressé. En outre, l'arrêté expose avec détail la situation de M. A... en France et cite l'ensemble des liens familiaux dont il se prévaut. Il précise que si M. A... n'a jamais fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, sa présence sur le territoire français représente une menace grave et actuelle pour l'ordre public. Par suite, et alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, la préfète de la Gironde, qui a pris en compte l'ensemble des critères prévus par la loi, n'a commis ni l'erreur de droit alléguée ni commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. A... représentait une menace pour l'ordre public, ces moyens doivent être écartés.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 février 2021 de la préfète de la Gironde. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais du litige :
22. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A....
Article 2 : Le jugement n° 2100602 du 19 mai 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 3 : La demande de M. A... devant le tribunal et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.
La présidente-assesseure,
Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,
Evelyne C... Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03992