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03/11/2022 | FRANCE | N°22BX00889

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 03 novembre 2022, 22BX00889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le maire de Sainte-Anne a délivré à M. C... un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble comprenant quatre logements, des commerces et des bureaux sur un terrain cadastré section AI numéro 2463 situé au lieu-dit Gissac et d'annuler la décision du 11 janvier 2021 par laquelle le maire de Sainte-Anne a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 2100226 du 16 décembr

e 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté, comme irrecevable, ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le maire de Sainte-Anne a délivré à M. C... un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble comprenant quatre logements, des commerces et des bureaux sur un terrain cadastré section AI numéro 2463 situé au lieu-dit Gissac et d'annuler la décision du 11 janvier 2021 par laquelle le maire de Sainte-Anne a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 2100226 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté, comme irrecevable, cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2022 et un mémoire enregistré le 8 juin 2022, M. E..., représenté par Me Balat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 du maire de de Sainte-Anne et sa décision du 11 janvier 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Anne la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il est intervenu au terme d'une procédure irrégulière au regard du principe du caractère contradictoire de l'instruction garanti par les articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la composition du tribunal était irrégulière ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que sa demande était irrecevable ;

- le jugement a été pris en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la demande de permis de construire n'était pas accompagnée de l'acte de propriété ni d'aucun plan ou relevé cadastral ;

- le projet méconnait les règles de distances issues des articles R. 111-16 et R. 111-17 du code de l'urbanisme s'agissant de la toiture et du balcon situé en façade arrière ;

- il méconnait les articles L. 151-33 et R. 111-25 du code de l'urbanisme s'agissant de l'aire collective de stationnement ;

- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2022, M. C..., représenté par Me Candelon-Berrueta, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de M. E... devant le tribunal administratif était tardive ;

- M. E... ne lui a pas notifié son recours gracieux en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 octobre 2020, le maire de Sainte-Anne a délivré un permis de construire à M. C... en vue de la réalisation d'un immeuble comprenant quatre logements, des commerces et des bureaux sur la parcelle cadastrée section AI numéro 2463. Le 12 décembre 2020, M. E... a demandé au maire de Sainte-Anne d'annuler cette autorisation. Par une décision du 11 janvier 2021, le maire de Sainte-Anne a rejeté ce recours gracieux. M. E... relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire et de la décision rejetant son recours gracieux.

2. En se bornant à indiquer que le jugement attaqué ne vise ni n'analyse complètement les écritures des parties, sans préciser les points de ses mémoires qui auraient été, selon lui, omis, M. E... ne met pas la cour à même d'apprécier le bien-fondé de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Par suite, ce moyen doit être écarté.

3. M. E... ne précise pas davantage quels mémoires et pièces produits par M. C... ne lui auraient pas été communiqués par le tribunal ni en quoi la composition de celui-ci n'aurait pas été régulière. Par suite, ces moyens doivent également être écartés comme non assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. Enfin, le tribunal s'est prononcé sur le moyen tiré du caractère incomplet de l'affichage du permis de construire et a procédé à une appréciation des pièces produites par M. E... à l'appui de ce moyen. Dans ces conditions, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, n'ont pas insuffisamment motivé leur jugement en se bornant à indiquer que la photographie produite par M. E... était dépourvue de caractère probant. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté.

5. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux (...) ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier.(...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. / (...) ".

6. Si, conformément à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, le délai de recours à l'égard des tiers court à compter de l'affichage du permis sur le terrain, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire, qui témoigne de ce qu'il a connaissance de cette décision, a pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux. Lorsque ce tiers utilise la faculté qui lui est ouverte de présenter un recours administratif avant de saisir la juridiction compétente, l'exercice d'un tel recours a pour conséquence de proroger le délai de recours contentieux, sous réserve du respect des formalités de notification de ce recours préalable prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

7. En l'espèce, pour rejeter comme irrecevable la demande de M. E..., les premiers juges, après avoir constaté que le délai de recours contentieux de deux mois à l'encontre du permis de construire en litige avait commencé à courir le 26 novembre 2020, ont considéré qu'elle était tardive dès lors qu'elle avait été enregistrée au tribunal après l'expiration de ce délai et que les formalités de notification prévues par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'avaient pas été accomplies à l'égard du bénéficiaire du permis de construire lors du recours gracieux formé par l'intéressé le 12 décembre 2020.

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux de constat d'huissier des 26 novembre 2020, 21 décembre 2020 et 27 janvier 2021 produits par M. C... devant le tribunal, qu'un panneau d'affichage de dimensions réglementaires, visible et lisible de la voie publique, était apposé sur la parcelle d'assiette du projet objet de l'arrêté de permis de construire en litige et que ce panneau comportait l'ensemble des mentions exigées par les dispositions des articles A424-16 et A424-17 du code de l'urbanisme, y compris la reprise des dispositions de l'article R. 600-1 de ce code.

9. La circonstance que les photographies figurant dans le procès-verbal établi le 26 novembre 2020 montrent un panneau d'affichage comportant des inscriptions manuscrites de couleur rouge alors que celles figurant dans les autres procès-verbaux montrent un panneau d'affichage comportant des inscriptions manuscrites de couleur noire ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause les constatations effectuées par l'huissier quant à la présence de ces panneaux d'affichage et à la lisibilité des informations qu'ils contenaient. Il en est de même de la circonstance qu'il existerait un décalage s'agissant du positionnement du numéro de permis et de la mention relative à la nature des travaux entre le panneau comportant les inscriptions de couleur rouge et celui comportant celles de couleur noire.

10. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la photographie d'un panneau d'affichage dont les mentions manuscrites n'apparaissent pas, produite devant le tribunal par M. E..., n'est pas de nature à remettre en cause les constatations effectuées par l'huissier compte tenu, notamment, de sa mauvaise qualité, de l'impossibilité de la dater et de l'impossibilité de situer le lieu d'implantation du panneau ainsi photographié.

11. Par ailleurs, la circonstance que le panneau d'affichage du permis de construire ne comportait pas l'indication de l'adresse du pétitionnaire n'a pas été de nature à faire obstacle à ce que l'obligation de notification posée par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme puisse être opposée à M. E..., qui n'invoque aucune disposition législative ou réglementaire imposant une telle mention sur le panneau d'affichage. Si M. E... fait valoir qu'il a tenté de consulter le permis de construire en se rendant à deux reprises au service de l'urbanisme les 4 et 7 décembre 2020, il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance qu'il a produit à l'appui de son recours la photographie du permis de construire en litige sur lequel figurait bien l'adresse du pétitionnaire. Au surplus, il n'apporte pas de précision sur les circonstances qui auraient fait obstacle à ce qu'il puisse consulter ce document et n'apporte aucun élément permettant de tenir pour établi qu'il aurait sollicité en vain l'adresse du bénéficiaire de ce permis.

12. Dans ces conditions, la requête enregistrée au greffe du tribunal le 10 mars 2021 était tardive, le recours gracieux formé par M. E... le 12 décembre 2020 n'ayant pas été de nature à proroger le délai de recours contentieux à l'encontre du permis de construire en litige dès lors que ce recours gracieux n'a pas été notifié à M. C... dans les formes requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, sans que M. E... puisse invoquer la méconnaissance du droit au recours effectif protégé par les articles 6 paragraphe 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Sainte-Anne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. E.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à la commune de Sainte-Anne et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.

La présidente-rapporteure,

Marianne A...La présidente-assesseure,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam-Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00889 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00889
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;22bx00889 ?
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