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25/10/2022 | FRANCE | N°22BX00875

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 25 octobre 2022, 22BX00875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence pour un

e durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2103137, 2103213, du 14 décembre 2021, le mag...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2103137, 2103213, du 14 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 7 décembre 2021 en tant qu'il fixe à 45 jours la durée de l'assignation à résidence, renvoyé les conclusions de la requête de M. E... tendant à l'annulation de la décision du 30 novembre 2021 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour ainsi que celles à fin d'injonction et d'astreinte, en tant qu'elles s'y rattachent, à une formation collégiale du tribunal et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2022, M. E..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2021 portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de renvoi avec interdiction de retour d'une durée de deux années ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de renvoi avec interdiction de retour d'une durée de deux années en date du 30 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail jusqu'à ce qu'elle ait réexaminé sa situation, sous les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;

4)° d'enjoindre à la préfète de la Vienne de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de Monsieur E... dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par exception d'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale et qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

- elle est illégale car elle se fonde sur une consultation du fichier relatif au traitement des antécédents judiciaires sans que la préfète ne rapporte la preuve de la régularité de cette consultation ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la menace à l'ordre public retenue à son encontre n'est pas matériellement établie ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 10 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022 à 12 heures.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet de la Vienne, a été enregistré le 30 septembre 2022, soit après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 février 2022 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant guinéen né le 22 septembre 1989, est entré en France, selon ses déclarations, le 7 mai 2008. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 septembre 2008, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 novembre 2009. M. E... a bénéficié de titres de séjour en raison de son état de santé sur une période discontinue courant du 22 avril 2010 au 30 novembre 2015 puis à compter du 6 novembre 2017 et jusqu'au 31 juillet 2021 à la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant définitivement annulé le 11 octobre 2017, l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 8 décembre 2016 lui refusant le renouvèlement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le 30 août 2021, M. E... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 30 novembre 2021, la préfète de la Vienne a refusé ce renouvellement, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2103137, 2103213 du 14 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 7 décembre 2021 l'assignant à résidence, renvoyé les conclusions de la requête de M. E... tendant à l'annulation de la décision du 30 novembre 2021 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour ainsi que celles à fin d'injonction et d'astreinte, en tant qu'elles s'y rattachent, à une formation collégiale du tribunal et rejeté le surplus de sa demande. M. E... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi avec interdiction de retour d'une durée de deux années.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour n'est pas assorti des précisions suffisantes.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français [...] 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" [...] 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

4. De première part, il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 26 octobre 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existait cependant un traitement dans son pays d'origine.

5. M. E... qui lève le secret médical fait valoir qu'il souffre d'une hépatite B chronique mutant pré-Core ainsi que de troubles psychiatriques sévères de type schizophrénie paranoïde, qu'il bénéficie pour ces pathologies de suivis spécialisés réguliers au sein du centre hospitalier Laborit dans le service psychiatrie adulte depuis 2009, qu'il est astreint à la prise quotidienne de diazepam et de Loxapine ainsi qu'à une injection mensuelle de xeplion (neuroleptique) dont le principe actif est la paliperidone. Ces éléments confirment que l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le requérant n'établit, dans ce cadre, ni même ne fait valoir qu'il n'existe en Guinée ni un traitement adapté à ses pathologies hépatites, ni les infrastructures adaptées à sa situation psychiatrique ni les médicaments qui lui sont prescrits, à l'exception toutefois, selon ses dires, du xeplion. La préfète reconnaît, à cet égard, dans ses écritures de première instance que la paliperidone, antipsychotique de seconde génération indiquée dans le traitement de la schizophrénie de l'adulte, n'est pas disponible en Guinée. Elle fait néanmoins aussi valoir que le principe actif de la paliperidone est le métabolite actif de la risperidone, molécule qui est, pour sa part, disponible en Guinée, ainsi que l'atteste effectivement la fiche MedCOI Medical Country of Origine information d'août 2019 produite par la préfète, puisqu'elle indique que ce médicament peut être commandé en pharmacie. M. E... n'établit pas, à cet égard, que sa pathologie ne pourrait être a priori stabilisée par un traitement approprié à base de risperidone. Il fait certes valoir, à l'appui d'un certificat médical établi le 14 décembre 2021, soit postérieurement à l'avis rendu par le collège médical de l'OFII mais antérieurement à l'arrêté en litige, qu'il a été découvert qu'il souffrait aussi d'un diabète sur décompensation acidocetosique à l'occasion d'une hospitalisation en date du 16 novembre 2021 et se prévaut, à ce titre, d'une fiche médicamenteuse selon laquelle le risperidone est déconseillé en cas de diabète. Il ne ressort toutefois pas de cette notice que la prise de ce médicament soit à proscrire en cas de diabète mais seulement qu'il faille évoquer cette situation avec un médecin ou un pharmacien. En outre, et contrairement à ce que soutient le requérant, la préfète qui n'était pas informée de la survenance de cette pathologie diabétique n'était pas tenue de requérir de nouveau l'avis de l'OFII. Le requérant ne saurait encore se prévaloir utilement des avis précédents rendus par l'OFII. Enfin, il n'établit pas qu'il n'aurait pas un accès effectif au risperidone en Guinée et notamment que sa situation ne relèverait pas d'un régime de couverture maladie pour les plus démunis.

6. De seconde part, il résulte de ce qui précède que M. E... n'entre pas dans le champ du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

7. De troisième part, il ressort des pièces du dossier et notamment du relevé de consultation de ses demandes de titres de séjour, que M. E... a résidé régulièrement en France du 06 avril au 21 octobre 2010, du 15 décembre 2010 au 21 décembre 2011, du 14 janvier 2013 au 03 août 2014, du 18 novembre 2015 au 30 novembre 2015. Cette période de résidence ne présente toutefois pas un caractère continu. En outre, l'arrêt du 11 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a annulé l'arrêté portant refus de lui renouveler son titre de séjour en date du 8 décembre 2016 ne concerne pas le refus précédent du 30 novembre 2015 que M. E... n'a jamais contesté, de sorte que ce dernier n'était pas en situation irrégulière entre le 1er décembre 2015 et le 1er mars 2016 date à laquelle, compte tenu de sa demande et de l'arrêt précité de la cour de céans, il aurait dû bénéficier du renouvellement de son titre de séjour. Enfin, M. E... était en situation régulière en France entre le 2 mars 2016 et le 31 juillet 2021, date à laquelle a expiré son dernier titre de séjour, soit 5 ans et 5 mois. Le requérant n'a donc pas résidé régulièrement de façon continue en France durant 10 ans. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. E... qu'il a été condamné en 2013 pour vol et détention non autorisée de stupéfiants et en 2016 pour menace de crime ou de délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un chargé de mission de service public. Il ressort aussi de la fiche du traitement des antécédents judiciaires établie par les services de police, dont la valeur probante n'est pas sérieusement mise en doute par les dénégations générales du requérant contestant la matérialité des faits, que M. E... est très défavorablement connu des services de la police et de la justice à raison de 19 infractions commises entre 2009 et 2016 portant notamment sur des vols simples ou par effraction, des destructions ou dégradations de véhicules, la destruction d'un édifice affecté au culte, la destruction d'un bien destiné à l'utilité ou la décoration publique lors d'une manifestation sportive, la conduite d'un véhicule sans permis, le refus de se soumettre à des analyses en vue de vérifier s'il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants, la mise en danger d'autrui avec risque immédiat de mort ou d'infirmité, des menaces de mort, l'usage, la cession et le transport de stupéfiants, et représente une menace grave pour l'ordre public. En outre, si à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressé justifiait d'une présence discontinue en France depuis environ 13 ans et était atteint de pathologies multiples, il est toutefois célibataire, sans enfant à charge, sans emploi et ne respecte pas les valeurs de la République française. La mesure d'éloignement attaquée ne porte donc pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale en France de sorte que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Selon l'article L. 612-2 du même code " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; ".

11. La décision contestée vise l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public en ce qu'il est défavorablement connu des services de la police et de la justice à raison de 19 infractions commises entre 2009 et 2016. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision et du défaut d'examen de la situation de M. E... doivent être écartés.

12. En deuxième lieu, dès lors que la décision attaquée n'a pas pour base légale le fichier relatif au traitement des antécédents judiciaires (TAJ), le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait illégale en ce que la préfète ne rapporte pas la preuve de la régularité de la consultation de ce fichier. Au demeurant, à supposer que la consultation de ce fichier sans habilitation soit de nature à entraîner un vice de procédure dans l'édiction de l'arrêté attaqué, M. D... A... disposait, ainsi que cela ressort des pièces produites en défense par la préfète de la Vienne, en sa qualité de chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, d'une habilitation lui permettant de consulter régulièrement le traitement des antécédents judiciaires et le requérant qui se borne à indiquer que la fiche TAJ produite ne mentionne pas le numéro d'habilitation de M. A... et est postérieure à l'arrêté attaqué, n'établit pas que M. A... ne serait pas la personne ayant consulté ce fichier avant l'édiction de l'arrêté.

13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 9 du présent arrêt, c'est sans commettre ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation que la préfète de la Vienne a refusé d'octroyer un délai de départ volontaire à M. E....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde.

15. En second lieu, au soutien du moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation soulevée devant le tribunal autre que la survenance de sa nouvelle pathologie, laquelle n'a pas de portée utile. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

16. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " et l'article L. 612-10 précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

17. Il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

18. En premier lieu, la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. E... vise les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de l'arrêté contesté que, pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français de deux années, la préfète de la Vienne a relevé que l'intéressé a déclaré être entré en France en 2008, ne justifiait pas de liens personnels et familiaux suffisamment intenses, anciens et stables en France, n'établissait pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel il a vécu plus de 18 ans avant son entrée en France et de ce que sa présence constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, la décision susvisée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

19. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision susvisée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.

Le rapporteur,

Nicolas C... La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00875
Date de la décision : 25/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-25;22bx00875 ?
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