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25/10/2022 | FRANCE | N°22BX00867

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 25 octobre 2022, 22BX00867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2101742 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 mars 2022 et le 30 mars 2022, M. E..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2022 ;

2°) d'annuler la décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2101742 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 mars 2022 et le 30 mars 2022, M. E..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour contestée a été prise par une autorité incompétente car la signataire ne justifie pas d'une délégation de signature du préfet ;

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elle n'indique pas en quoi les nouveaux éléments portés à la connaissance de la préfète ne suffisaient pas à la délivrance d'un titre de séjour ; la préfète ne vise pas l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette motivation est insuffisante, ce qui révèle en outre une absence d'examen par le préfet de sa situation particulière ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la préfète aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; il justifie de sa présence habituelle en France depuis le 5 avril 2010, soit près de douze ans, et plus particulièrement pour l'année 2013, le premier semestre des années 2014, 2016 et 2018, et le second semestre 2017 ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; arrivé en France à l'âge de 22 ans, il a construit sa vie privée, sociale et professionnelle en France ; il est parfaitement intégré sur le plan professionnel car il travaille sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis trois ans comme agent polyvalent en cuisine pour la même société ; il n'est jamais retourné au Sri-Lanka et entretient des relations distendues avec sa famille y résidant ;

- il justifie de considérations humanitaires et exceptionnelles justifiant sa régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D...,

- et les observations de Me Debril substituant Me Astié, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., ressortissant sri-lankais né le 2 novembre 1988, a déclaré être entré en France le 5 avril 2010. Sa demande d'asile, instruite dans le cadre de la procédure prioritaire, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides les 26 août 2010 et 21 janvier 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile les 17 octobre 2011 et 27 mai 2015. Il a fait l'objet le 8 novembre 2011, le 30 avril 2013 et le 16 avril 2015 de mesures d'éloignement, les deux dernières étant assorties d'interdictions de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et à l'exécution desquelles il s'est soustrait. Le 23 février 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au regard de sa situation personnelle et familiale sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 septembre 2018, le préfet de la Gironde a rejeté la demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, contre lequel a été formé un recours rejeté par un arrêt de la cour du 12 novembre 2019. Le 31 août 2020, il a de nouveau saisi la préfète de la Gironde d'une demande d'admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 8 janvier 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. E... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

2. En premier lieu, M. E... reprend en appel les moyens déjà soulevés en première instance et tiré de l'incompétence du signataire de la décision de refus de titre de séjour litigieuse, de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

4. D'une part, M. E..., qui se prévaut d'une durée de séjour de plus de dix ans en France à la date du refus de titre de séjour, produit en appel de nouvelles pièces au soutien de ses allégations. Toutefois, les documents versés au titre de l'année 2013, consistant en une demande d'admission à l'aide médicale de l'Etat et une attestation d'admission, un courrier de la préfecture accusant réception du dépôt de sa demande d'asile le 4 janvier 2013, deux enveloppes de courriers émanant de la préfecture et timbrées à la date des 25 février et 30 avril 2013, un relevé d'assurance maladie daté d'avril 2013, une attestation d'hébergement par un compatriote, M. A... C..., datée du 3 août 2013, et un avis d'imposition ne comportant aucun revenu, établissent tout au plus une présence sur le territoire sur cette période. Si sa présence en France est établie au cours du second semestre 2014, du second semestre 2016 et du premier semestre 2017, notamment par des documents administratifs délivrés durant ces périodes, elle ne l'est pas en ce qui concerne le premier semestre 2014 et 2016, et le second semestre 2017. A cet égard, les avis d'imposition produits ne mentionnent la perception d'aucun revenu, et les deux attestations d'hébergement par M. A... C..., datées du 4 janvier 2014 et du 6 février 2016, alors par ailleurs qu'il produit en appel une carte d'admission à l'aide médicale de l'Etat pour la période allant de juin 2016 à juin 2018 mentionnant une adresse différente, sont insuffisamment probantes, et établissent tout au plus une présence épisodique de M. E... sur le territoire français au cours de ces périodes. S'il a produit en première instance deux promesses d'embauche datées de 2017, et établit avoir été employé durant cette année en qualité de plongeur dans un restaurant, le formulaire cerfa correspondant n'est pas visé par les autorités compétentes. Il ne fournit, au titre du premier semestre de l'année 2018, que des factures de téléphonie mobile couvrant la période de janvier à juin retraçant une consommation inférieure à un euro par mois. Enfin, en ne produisant que la première page de son passeport, le requérant n'établit ni même n'allègue n'avoir jamais quitté le territoire national. Par leur nature, ces documents, qui n'attestent, pour la plupart, qu'une présence ponctuelle de l'intéressé, ne sont pas suffisants pour démontrer une résidence habituelle en France. Dans ces conditions, M. E... n'établit pas qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de titre de séjour contestée, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde a méconnu le deuxième alinéa de l'article L. 313-14 en ne saisissant pas la commission du titre de séjour.

5. D'autre part et en tout état de cause, l'ancienneté de séjour en France dont se prévaut M. E... ne saurait, à elle seule, être regardée comme constitutive de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les circonstances qu'il a toujours travaillé et dispose d'un contrat de travail ne sauraient davantage être regardées, en l'espèce, comme constituant des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14.

6. Pour demander l'annulation de la décision de refus de titre de séjour contestée, M. E... reprend en appel les moyens déjà soulevés en première instance et tirés de l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et pour l'application de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2022.

La rapporteure,

Agnès D...Le président,

Didier ARTUS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00867
Date de la décision : 25/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-25;22bx00867 ?
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