Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. K... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2104960 du 2 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 février 2022 et des pièces enregistrées le 5 juillet 2022, M. I..., représenté par Me Lassort, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 août 2021 ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui octroyer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
La décision de refus de titre de séjour :
- est insuffisamment motivée ;
- est illégale en l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation par la préfète ;
- méconnaît les articles L. 435-3 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entachée d'erreur de fait ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
La décision portant obligation de quitter le territoire :
- est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- est entachée d'incompétence dès lors que l'auteur de la décision ne justifie pas d'une délégation de signature lui permettant de décider d'une mesure d'interdiction de retour ;
- méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2022 à 12h00.
M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-147 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. I..., ressortissant bangladais, est entré en France le 17 juillet 2017 et a sollicité un titre de séjour le 3 mai 2019. Par un arrêté du 25 août 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté. M. I... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2022/003679 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 17 mars 2022. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
2. M. H... C..., chef de bureau de l'admission au séjour des étrangers et signataire de l'arrêté attaqué, disposait par arrêté du 5 mai 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs n° 33-2021-086 de la préfecture, d'une délégation de signature de la préfète de la Gironde en l'absence de M. A... du Payrat, de Mme G..., de Mme B..., de M. E... et de Mme J... pour signer les décisions prises sur le fondement des dispositions des livres II, IV, VII et VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, parmi lesquelles figurent les décisions en litige. Il n'est pas établi, ni même allégué, que ces agents n'auraient pas été absents ou empêchés le jour de la signature de l'acte contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, M. I... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de séjour, ainsi que celui tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou de " travailleur temporaire " présentée sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger au sein de la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. I..., entré en France à l'âge de seize ans, a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 24 juillet 2017. Il a été accueilli au centre de rééducation et de formation professionnelle Don Bosco, au sein duquel il a pu bénéficier de plusieurs périodes de formations et de stages au cours des années 2017, 2018, 2019 et 2020. Toutefois, il ressort des éléments produits que ce faisant, M. I... ne poursuivait pas une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que M. I... ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions, de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
8. M. I... reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation. Il produit nouvellement en appel une attestation rédigée par la psychiatre assurant son suivi, en date du 2 mars 2022. Toutefois, cette pièce, au demeurant postérieure à l'arrêté attaqué, est peu précise sur les conséquences d'une éventuelle interruption du traitement prescrit à M. I... et ne permet pas d'établir qu'un défaut de prise en charge médicale aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ainsi, elle n'apparaît pas à elle seule de nature à infirmer l'appréciation des premiers juges qui ont relevé à juste titre que, d'une part, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concluait à une absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité dans l'hypothèse d'un défaut de prise en charge de l'état de santé de l'intéressé, et que, d'autre part, les pièces produites par M. I... ne permettaient pas de contredire cet avis. La préfète de la Gironde, qui n'avait dès lors pas à vérifier que M. I... pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur d'appréciation de l'état de santé de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, les moyens soulevés à l'encontre du refus de séjour ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision de refus de titre. Ainsi, le moyen soulevé à ce titre ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. I... est entré en France en 2017, à l'âge de seize ans et justifie avoir été pris en charge depuis lors par les services de l'aide sociale à l'enfance. Il se prévaut de sa scolarisation, au cours de laquelle il a effectué plusieurs formations professionnelles et stages, notamment un apprentissage de six mois en atelier peinture effectué à compter de septembre 2018, et de sa volonté d'insertion dans la société française. S'il ressort des pièces du dossier, notamment de différents comptes-rendus établis par les personnes encadrant M. I... lors de ses stages, qu'il fournit des efforts pour s'intégrer et qu'il s'investit dans son projet scolaire professionnel, ainsi qu'en témoigne son apprentissage de la langue française, M. I... ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale sur le territoire français susceptible d'y permettre d'y situer le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il est par ailleurs constant que la famille de M. I... vit au Bangladesh. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations précitées en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, ce moyen, ainsi que celui tenant à l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
12. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant en tant qu'il est soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'implique pas, par elle-même, un renvoi au Bangladesh.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Ainsi qu'il a été dit précédemment, si l'état de santé de M. I... nécessite une prise en charge médicale, il ressort des pièces du dossier que son défaut ne devrait pas avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, M. I... ne peut être regardé comme susceptible d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Bangladesh alors même que certains médicaments ne seraient pas disponibles dans ce pays. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 août 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. I... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. I... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... I... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.
La présidente-assesseure,
Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,
Evelyne D... Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00692