Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2102541 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que celles à fin d'injonction, en tant qu'elles s'y rattachent, et rejeté le surplus de sa requête.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Desfrançois, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2102541 du tribunal administratif de Poitiers du 7 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel le préfet des Deux-Sèvres lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- la décision méconnait l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile; il dispose de notions parlées de français mais ne le lit pas ; l'assistance d'un interprète pour les besoins de la notification de la décision d'éloignement était nécessaire afin qu'il soit mis en mesure de comprendre le sens de cette décision et sa portée ; la décision contestée ne comprend aucune indication qui lui permettait de s'assurer que l'interprète était bien inscrit sur les listes prévues à l'article L. 141-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'il émanait d'un organisme agréé ; le délai de recours pour contester la décision notifiée ne lui a pas été précisé ; la décision est entachée d'illégalité en ce qu'elle ne fait aucune mention de l'identité de l'interprète ;
- la décision est entachée d'insuffisance de motivation, notamment en fait ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- le refus de séjour qui sert de fondement à la mesure d'éloignement est illégal ; ce refus de titre de séjour porte une atteinte manifestement excessive à sa vie privée et familiale qui ne saurait se dérouler ailleurs qu'en France ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il s'est conformé aux directives de la circulaire du 28 novembre 2012, dispose d'une ancienneté de séjour de trois ans accompagnée d'une activité professionnelle de 24 mois dont 8 consécutifs dans les 12 derniers mois doit être prise en compte ; il est présent sur le territoire français depuis 5 ans et 5 mois ; il remplit l'ensemble des critères justifiant d'une admission au séjour exceptionnelle au titre du travail ; le préfet des Deux-Sèvres a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a développé un réseau social particulièrement important sur le territoire français ;
- la décision méconnait l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile; il dispose de notions parlées de français mais ne le lit pas ; l'assistance d'un interprète pour les besoins de la notification de la décision d'éloignement était nécessaire afin qu'il soit mis en mesure de comprendre le sens de cette décision et sa portée ; la décision contestée ne comprend aucune indication qui lui permettait de s'assurer que l'interprète était bien inscrit sur les listes prévues à l'article L. 141-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'il émanait d'un organisme agréé ; le délai de recours pour contester la décision notifiée ne lui a pas été précisé ; la décision est entachée d'illégalité en ce qu'elle ne fait aucune mention de l'identité de l'interprète ;
- la décision est entachée d'insuffisance de motivation, notamment en fait ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il dispose aujourd'hui du centre de ses attaches privées et familiales sur le territoire français, où il réside depuis 5 années ; il serait isolé en cas de retour en Turquie ; sa mère est décédée et il n'a gardé que peu de liens avec son père resté en Turquie ; son ancrage au sein de la société française est établi du fait notamment de son activité professionnelle stable et de sa présence à Cholet depuis 2016 ; l'existence d'un réseau social est illustré par la mobilisation de ses proches à la suite de la séparation avec Mme C... ;
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
- la décision méconnait l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il remplit les critères définis tant par la loi que par les circulaires ministérielles ; l'article L ; 612-2 alinéa 2 ne saurait être invoqué au soutien de cette décision n'octroyant pas de délai de départ volontaire ;
- il a bien reçu la lettre recommandée lui notifiant une mesure d'éloignement ; toutefois, il n'a pas pu comprendre la teneur du courrier préfectoral ; ce n'est que trop tardivement qu'il a été en capacité de se faire traduire ce document et ne pouvait plus contester la décision qui dès lors était entachée d'illégalité ; le préfet ne prend aucunement en considération la crise sanitaire qui a empêché toute organisation de départ vers la Turquie durant de nombreux mois ; les convocations du préfet du Maine-et-Loire ont été adressés à son ancienne adresse alors qu'il établit habiter à Mauléon aux dates de la dernière convocation et avoir déjà déposé une demande de titre de séjour auprès de la préfecture des Deux-Sèvres ; il n'a pu récupérer les convocations que postérieurement au rendez-vous ; la soustraction à la mesure d'éloignement invoquée par le préfet des Deux-Sèvres résulte plus d'une circonstance de fait et d'erreurs préfectorales que de lui-même et ne saurait motiver la décision de ne pas octroyer de délai de départ volontaire ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui sert de fondement à la décision contestée est illégale ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- le préfet s'est abstenu d'examiner sa situation au regard des dispositions de l'ancien article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la CEDH ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui sert de fondement à la décision contestée est illégale ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est entachée d'une erreur de fait ; il vit depuis plus de cinq ans sur le territoire et non pas un an ;
- l'administration ne peut se fonder uniquement sur une éventuelle soustraction à une mesure d'éloignement pour justifier la décision ; le préfet a nié toutes attaches en France alors même qu'il y justifie d'attaches familiales et privées ;
- la seule mention de plusieurs interpellations ayant, faute de développement sur ce point, abouti à ce qu'aucune condamnation pénale ne soit prononcée ne saurait permettre la caractérisation d'une menace à l'ordre public ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée le 8 avril 2022 au préfet des Deux-Sèvres qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 8 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2022 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité turque, est entré en France le 24 avril 2016, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de français et s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", du 23 mars 2017 au 22 mars 2019. Le 9 juillet 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", refusée par le préfet de Maine-et-Loire par un arrêté du 29 janvier 2020. Le requérant a déposé le 13 avril 2021, auprès de la préfecture des Deux-Sèvres, une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 1er octobre 2021, le préfet des Deux-Sèvres a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement n° 2102541 du 7 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Aux termes de l'article L. 141-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités d'application des articles L. 141-2 et L. 141-3, et notamment les conditions dans lesquelles les interprètes traducteurs sont inscrits sur la liste prévue au second alinéa de l'article L. 141-3 et en sont radiés, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 141-3 du même code : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. /(...). Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".
3. En premier lieu, si M. B... soutient, comme il l'a fait en première instance et sans faire valoir d'éléments nouveaux devant la cour, que l'arrêté en litige méconnait l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 6 et 7 de son jugement, d'écarter ce moyen.
4. En second lieu, si M. B... remet en cause la qualité de l'interprète par l'intermédiaire duquel lui ont été notifiées les décisions contestées, une telle circonstance, à la supposer même établie, est par elle-même sans influence sur la légalité de cet acte et n'est pas de nature à démontrer utilement la méconnaissance des droits de la défense.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, si M. B... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, les moyens soulevés en première instance tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'appelant n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation qui a été portée par le tribunal. Par suite, les moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 10. à 13., 15. et 17. du jugement attaqué.
6. En second lieu, l'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle n'est recevable que tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable.
7. M. B... excipe de l'illégalité du refus de titre de séjour, qui constitue la base légale de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2102541 du 3 mars 2022, qui rejette les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour, que cette décision est devenue définitive, dès lors que l'intéressé n'établit ni même n'allègue, qu'il a relevé appel de ce jugement. Dans ces conditions, l'appelant n'est plus recevable à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour du 1er octobre 2021 au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
8. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, si le requérant se prévaut de son activité professionnelle en qualité de salarié, maçon ou manœuvre dans le secteur du bâtiment, pendant plus de 24 mois et de la durée de son séjour en France depuis cinq ans, de telles circonstances ne sont pas suffisantes pour constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, l'appelant, séparé de son épouse française en 2019 et sans charge de famille, ne produit aucun élément de nature à établir l'intensité et la réalité de liens personnels et familiaux sur le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de séjour de M. B... en France et alors qu'il n'est pas dépourvu de liens familiaux en Turquie où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où résident son père et son frère, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Enfin, le requérant ne peut utilement invoquer la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les énonciations de cette circulaire ne constituant pas des lignes directrices dont les étrangers pourraient utilement se prévaloir.
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, si M. B... reprend en appel, à l'identique, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'exception d'illégalité de la décision d'éloignement, il n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation qui a été portée par le tribunal. Par suite, ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 18. et 19. du jugement attaqué.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :/ 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;/ 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; /3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :(...) /4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;/5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est demeuré sur le territoire national en dépit de la décision d'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 29 janvier 2020 et notifiée le 3 février suivant. S'il fait valoir qu'il n'aurait pas compris le sens de cette décision et que la situation de crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19 était un obstacle à l'exécution de la décision contestée, de tels éléments ne constituent pas des circonstances particulières au sens des dispositions précitées.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, si M. B... reprend en appel, à l'identique, les moyens soulevés en première instance tirés de l'insuffisance de motivation et de l'exception d'illégalité de la décision d'éloignement, il n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation qui a été portée par le tribunal. Par suite, les moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 22 et 23 du jugement attaqué.
14. En second lieu, le préfet des Deux-Sèvres a relevé que M. B... ne justifie pas qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision contestée révèle ainsi un examen approfondi par le préfet de la situation personnelle de M. B..., au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant au regard des textes applicables doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
15. En premier lieu, si M. B... reprend en appel, à l'identique le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, il n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation qui a été portée par le tribunal. Par suite, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 24 à 27 du jugement attaqué.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-9 du même code : " Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente décision portant obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, les articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ne sont pas applicables à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application des articles L. 425-1 ou L. 425-3 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet État à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti. " et de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
17. Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
18. Il ressort des termes de l'arrêté du 1er octobre 2021, que pour prendre la décision contestée, le préfet des Deux-Sèvres s'est fondé sur la durée de séjour en France de l'intéressé, depuis sa dernière entrée connue sur le territoire français le 1er février 2020, sur la circonstance qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 29 janvier 2020 et, qu'interpellé à plusieurs reprises, il constitue une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie du passeport du requérant que ce dernier a été absent du territoire français entre le 23 janvier et le 1er février 2020. Il a fait l'objet de plusieurs interpellations par les services de police le 6 juillet 2017 pour menace de mort réitérée, le 13 juin 2020 pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et le 14 septembre 2021 pour soustraction à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.
19. Si le requérant soutient qu'il est présent sur le territoire français depuis cinq ans et qu'il est professionnellement inséré, ces éléments ne sont pas de nature à caractériser des attaches d'une intensité particulière en France. La circonstance qu'il n'aurait fait l'objet d'aucune condamnation pénale ne fait pas obstacle à la faculté pour le préfet de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres, en prenant la décision contestée, n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions y compris les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte D...La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00058