Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Les Chantiers de Trenelle a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, ainsi que des intérêts, majorations et amendes correspondantes.
Par un jugement n° 1800550 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé par décision du 22 novembre 2018 et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2020, la société à responsabilité limitée Les Chantiers de Trenelle, représentée par Me Drié, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1800550 du 11 juin 2020 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de prononcer la décharge d'une part, des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2007 d'un montant total de 66 157 euros, d'autre part, de l'amende d'un montant de 1 844 euros, infligée au titre de l'exercice clos en 2006 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- elle est située dans une zone exonérée fiscalement d'impôt sur les sociétés selon les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts ; les aides publiques qu'elle a reçues, qui sont par nature des aides d'insertion liées à l'activité de maçonnerie doivent être rattachées comptablement à l'activité de l'entreprise conformément aux recommandations des prescriptions comptables et de la doctrine administrative ; l'exonération des subventions reçues est nécessaire afin d'être en cohérence entre les deux dispositifs fiscaux : une aide publique rattachée à l'activité professionnelle favorisant l'insertion sociale et un dispositif de zone franche ; les subventions n'ont pas été attribuées pour une activité autre que celle de maçonnerie et sont intrinsèquement et fondamentalement liées à son activité ; l'attribution d'une subvention salariale dans une zone exonérée ne doit pas conduire à opposer les deux dispositifs : l'un lié à son implantation dans la zone exonérée et l'autre lié à une aide publique ; la taxation des subventions reçues conduirait à imposer une subvention alors qu'elle est implantée dans une zone défavorisée bénéficiant d'une exonération fiscale ;
- elle a considéré les subventions reçues comme des produits pouvant bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts car les produits sont rattachés par nature aux produits d'exploitation ; elle n'a fait que respecter les règles fiscales de détermination du bénéfice ; en application des dispositions de l'article 38-1 du code général des impôts, les subventions doivent être rattachées aux résultats de l'exercice au cours duquel elles sont acquises ; la doctrine administrative précise qu'il convient de comprendre dans le bénéfice imposable de l'exercice en cours à la date de son versement une subvention immédiatement acquise à une entreprise malgré l'existence d'une clause résolutoire prévoyant le remboursement de cette subvention en cas de non-respect de certains engagements (D.adm.4 A- 2411 n°3, 9-3-2001) ;
- elle ne comprend pas le maintien de la majoration alors qu'elle a fourni les éléments de nature à justifier le dépôt de ses déclarations dans les délais impartis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, le directeur du contrôle fiscal sud-ouest conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la société ne développe aucun moyen contestant l'application de l'amende au titre de l'année 2006 sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts ; les conclusions présentées sur ce fondement sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la société Les Chantiers de Trenelle ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité, la société à responsabilité limitée (SARL) Les Chantiers de Trenelle, qui exerce une activité de maçonnerie générale, de finition d'installation électrique, de nettoyage et d'entretien de locaux ou d'espaces verts, s'est vue notifier des redressements, à hauteur d'une somme totale en droits et pénalités de 98 373 euros, en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006 et 2007, majorés, pour l'année 2006, d'une amende fiscale, fondée sur l'article 1763 du code général des impôts, par une proposition de rectification en date du 11 décembre 2009. La société requérante a contesté ces rehaussements, mis en recouvrement le 27 janvier 2011, par une réclamation en date du 8 juin 2012, laquelle a fait l'objet d'un rejet implicite. L'administration fiscale a accordé le 22 novembre 2018 le dégrèvement d'une somme globale en droits et pénalités de 30 372 euros et maintenu partiellement les suppléments d'imposition au titre de l'exercice clos en 2007 ainsi que l'amende fiscale. Par un jugement n° 1800550 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a prononcé un non-lieu partiel à hauteur du dégrèvement accordé et rejeté le surplus de la demande. La société Les Chantiers de Trenelle relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la remise en cause de l'intégralité des rectifications notifiées en matière d'impôt sur les sociétés et de l'amende prononcée sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le terrain de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I. Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbains définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006, ou dans le cas contraire jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération./ Pour bénéficier de l'exonération, l'entreprise doit répondre cumulativement aux conditions suivantes : / (...) /d) Son activité doit être une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 et du 5° du I de l'article 35 ou une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 (...). / II. L'exonération s'applique au bénéfice d'un exercice ou d'une année d'imposition, déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0, 53 A, 96 à 100, 102 ter et 103, diminué des produits bruts ci-après qui restent imposables dans les conditions de droit commun : / (...) b) Produits correspondant aux subventions, libéralités et abandons de créances (...) ". Les dispositions instituant une exonération sont d'interprétation stricte.
3. Il est constant que la société requérante est située en zone franche urbaine (ZFU) depuis le 1er janvier 2007. L'intéressée a, au titre de l'année 2007, comptabilisé comme produits, la somme de 649 991 euros, correspondant à des subventions de la part des collectivités publiques pour la prise en charge du surcoût généré par l'emploi de personnes bénéficiaires de contrats d'insertion. Si la société Les Chantiers de Trenelle soutient que ces aides publiques doivent être rattachées à son activité principale de maçonnerie, à laquelle est étroitement lié l'emploi de salariés en situation d'insertion, il résulte toutefois de l'instruction, que ces aides financières destinées à favoriser l'emploi de personnes en difficulté présentent le caractère de subventions au sens des dispositions du b du II de l'article 44 octies A du code général des impôts. Par suite, sans que la société puisse utilement se prévaloir du caractère contre-productif de ces dispositions sur le plan économique et alors même qu'elle a rattaché, conformément à la loi et à la doctrine, les subventions au résultat de l'exercice au cours duquel elles ont été acquises, l'administration fiscale n'a pas commis d'erreur de droit.
En ce qui concerne le terrain de la doctrine fiscale :
4. A supposer que la société Les Chantiers de Trenelle ait entendu se prévaloir du paragraphe 42 de la doctrine fiscale n° 4A-1-07 du 6 février 2007 selon lequel " les produits qui ne proviennent pas directement de l'activité exercée dans les ZFU sont retranchés du bénéfice après imputation des déficits antérieurs encore reportables et imposés dans les conditions de droit commun ", il ne résulte pas de l'instruction que le choix d'employer des personnes en situation d'insertion soit directement lié et ne puisse être dissocié de son activité, déclarée à titre principal, de maçonnerie, de finition d'installation électrique et de travaux de nettoyage. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de l'imposition en litige sur le terrain de la doctrine fiscale.
Sur les pénalités :
5. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : /a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".
6. La société Les Chantiers de Trenelle allègue, sans l'établir, avoir déposé sa déclaration de résultat au titre de l'exercice clos en 2007. La société requérante ne peut donc être regardée comme apportant la preuve qu'elle s'est effectivement acquittée de ses obligations déclaratives, dans les délais légaux. Par suite, c'est à bon droit que le rappel d'imposition, mis à sa charge, a été assorti, par application des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, de la majoration de 10 % qu'elles prévoient.
7. La société ne soulève aucun moyen à l'appui de sa contestation de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts. Par suite, ainsi que le soutient en défense l'administration fiscale, ses conclusions à fin de décharge ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Les Chantiers de Trenelle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Les Chantiers de Trenelle est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les chantiers de Trenelle et au ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique.
Copie sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte A...
La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX03022