Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le refus implicite opposé par la commune de Bourg-de-Bigorre à la demande qu'il avait présentée en vue de rehausser l'impasse du Moulin, d'enjoindre à la commune d'exécuter les travaux de rehausse préconisés par l'expert et de condamner la commune à lui verser la somme de 28 100 euros en réparation des préjudices causés par l'inondation récurrente de sa résidence.
Par un jugement n° 1702502 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mars 2020 et le 15 mars 2021, M. D..., représenté par le cabinet Soulié Mauvezin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 février 2020 ;
2°) d'annuler le refus implicite opposé par la commune de Bourg-de-Bigorre à la demande qu'il avait présentée en vue de rehausser l'impasse du Moulin ;
3°) d'enjoindre à la commune de Bourg-de-Bigorre d'exécuter les travaux de rehausse préconisés par l'expert ;
4°) de condamner la commune à lui verser la somme de 28 100 euros en réparation des préjudices causés par l'inondation récurrente de sa résidence ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Bourg-de-Bigorre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- en tant que propriétaire du cours d'eau et de l'impasse du Moulin, il appartient à la commune de procéder à l'exécution des travaux de rehausse du chemin de l'impasse préconisés par l'expert judiciaire ;
- le plan de prévention des risques naturels ne s'oppose pas à la réalisation de ces travaux, même en zone rouge, et aucune donnée n'établit que ces travaux auraient des conséquences négatives pour la propriété voisine ;
- la responsabilité de la commune est engagée pour faute à ne pas entretenir l'impasse du Moulin après chaque inondation ;
- la responsabilité sans faute de la commune est engagée pour n'avoir pris aucune mesure de régulation du cours d'eau ni d'aménagement de l'impasse du Moulin ;
- le dommage subi est anormal et spécial ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il n'a jamais obstrué un autre chemin, qui a disparu naturellement avant son arrivée dans les lieux ;
- les préjudices subis consistent dans la nécessité d'acheter une pompe pour vider la cave, de nettoyer le chemin durant les vingt-quatre dernières années, et en un préjudice de jouissance à ne pouvoir sortir de son immeuble et emprunter le chemin lors des crues ;
- le mémoire en défense de la commune devra être écarté comme irrecevable faute pour le maire de justifier d'une autorisation d'ester en justice.
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 janvier 2021 et 20 juillet 2022, la commune de Bourg-de-Bigorre, représentée par Me Bedouret, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de M. D... les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- il n'existe aucune obligation à la charge des collectivités d'effectuer des travaux de protection contre l'action naturelle des flots ;
- la réalisation des travaux demandés par M. D... aurait pour effet d'aggraver l'aléa pour les propriétés voisines, ce que le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRI) ne permet pas ; le rapport d'expertise judiciaire est incomplet et partial ;
- le requérant a lui-même créé les conditions de la situation dans laquelle il se trouve en s'appropriant le chemin rural de Junca qui aurait pu permettre l'aménagement d'un accès et apporter une solution aux risques engendrés par les crues ; en outre, l'immeuble qu'il occupe, construit au 19ème siècle, a été implanté sur l'impasse du Moulin, ce qui explique les inondations ;
- le défaut d'entretien du cours d'eau ou du chemin n'étant pas établi, ni non plus le lien de causalité avec les préjudices allégués, la responsabilité de la commune ne saurait être engagée ;
- les dommages subis ne remplissent pas le condition d'anormalité et de spécialité ;
- M. D... étant usager de la voie, seule la responsabilité pour faute de la commune peut être recherchée ; en l'absence d'une telle faute, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette responsabilité serait engagée ;
- en l'absence d'éléments probants, la réalité et le quantum des préjudices ne sont pas démontrés ;
- au demeurant, la prescription quadriennale fait obstacle à ce que le requérant demande une indemnisation pour les vingt-quatre dernières années.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 16 septembre 1807 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... A...,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., qui occupe un logement situé impasse du Moulin à Bourg-de-Bigorre, a sollicité une expertise le 26 mai 2016 auprès du juge des référés du tribunal administratif de Pau, en vue de déterminer les causes des inondations qui affectent l'immeuble qu'il occupe, les solutions permettant d'y remédier, le montant des travaux à entreprendre et l'évaluation des préjudices subis. A la suite de la remise de ce rapport d'expertise le 20 avril 2017, M. D... a demandé à la commune de Bourg-de-Bigorre de réaliser les travaux prescrits par l'expert, concernant le rehaussement de l'assiette de l'impasse du Moulin, et de lui verser une indemnité au titre du préjudice subi du fait des inondations. En l'absence de réponse expresse de la commune, M. D... a saisi le tribunal administratif de Pau pour obtenir l'annulation de la décision implicite de rejet, une injonction à la commune de réaliser les travaux et sa condamnation à lui verser une indemnité de 28 100 euros en réparation des préjudices subis. Par jugement du 13 février 2020 dont il relève appel, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.
Sur la recevabilité du mémoire en défense :
2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Enfin, aux termes de l'article L. 2132-2 : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ".
3. Si la délégation générale pour représenter la commune que le conseil municipal peut donner au maire ne peut être légalement accordée à celui-ci que pour la durée de son mandat, il appartient à tout moment au conseil municipal de régulariser, s'il en décide ainsi, un mémoire en défense que le maire avait introduit, sans y être habilité, au nom de la commune. En l'occurrence, le conseil municipal de la commune de Bourg-de-Bigorre a, par une délibération du 30 juin 2022, régularisé la défense présentée par le maire de cette commune. Par suite, la demande de M. D... tendant à ce que le mémoire en défense soit écarté des débats ne peut être accueillie.
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :
4. D'une part, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires les y contraignant, l'Etat et les communes n'ont pas l'obligation d'assurer la protection des propriétés riveraines des cours d'eau navigables ou non navigables contre l'action naturelle des eaux. Il ressort au contraire de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 que cette protection incombe aux propriétaires intéressés. Toutefois, la responsabilité des collectivités publiques peut être engagée lorsque les dommages subis ont été provoqués ou aggravés soit par l'existence ou le mauvais état d'entretien d'ouvrages publics, soit par une faute commise par l'autorité administrative.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...) / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement (...) notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines (...) ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers (...) ".
6. Il ressort de ce qui a été dit au point 4 que la commune de Bourg-de-Bigorre n'est pas tenue d'assurer la protection de la propriété qu'occupe M. D... contre l'action naturelle des eaux. Au surplus, cette propriété se situe en zone rouge d'aléa fort pour le risque d'inondation, selon le plan de prévention des risques naturels prévisibles, approuvé par arrêté préfectoral du 11 avril 2007. Selon l'article 1.1 du règlement de ce plan, toute construction est interdite dans cette zone, seuls certains aménagements tels que les ouvrages de protection ou les infrastructures publiques qui n'aggravent pas l'aléa ou qui le réduisent pouvant être autorisés. L'article 4.1 relatif aux dispositions applicables en zone rouge énonce que sont notamment interdits tous travaux ou remblais, à l'exception de certaines occupations ou utilisations du sol qui peuvent être autorisées par dérogation, à condition de ne pas augmenter les risques ou en créer de nouveaux. Au nombre de ces dérogations envisageables figurent les travaux et aménagements destinés à réduire les risques. En l'occurrence, la demande de M. D... tendant au remblaiement, sur une hauteur de 70 cm, de l'assiette de l'impasse du Moulin qui dessert sa propriété, si elle a pour but de réduire le risque d'inondation biennale, aurait nécessairement pour effet de contrarier le cours des eaux de l'Arros situé à proximité et d'entraîner l'inondation de la propriété voisine jusqu'alors située, d'après la carte réglementaire du plan, en zone non inondable. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en sa qualité de propriétaire du cours d'eau et du chemin, la commune de Bourg-de-Bigorre serait tenue d'effectuer les travaux demandés. Ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction ne pouvaient, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, qu'être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la responsabilité de la commune en cas d'inondations ne peut être recherchée qu'en raison de l'existence du mauvais état d'entretien d'ouvrages publics ou pour une faute commise par l'autorité administrative.
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les inondations que subit la propriété occupée par M. D... lors des crues de l'Arros sont dues à l'implantation de l'immeuble qui est construit en partie sur l'assiette de l'impasse du Moulin, au point le plus bas de la propriété, à proximité immédiate du cours d'eau. Il n'est pas établi que les dommages subis lors de ces crues soient dus ou aggravés par un mauvais entretien du lit du cours d'eau ou de l'impasse du Moulin. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, la responsabilité de la commune ne saurait être engagée pour ne pas avoir pris des mesures afin de réguler le débit de l'Arros. M. D... n'est ainsi pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune.
9. En deuxième lieu, dès lors que le chemin du Moulin se situe en zone inondable, il n'est pas établi que le fait que M. D... et sa famille ne puissent emprunter l'impasse du Moulin lors des crues de l'Arros afin d'accéder ou sortir de leur maison résulterait d'une faute, consistant en un défaut d'aménagement, imputable à la commune. Au demeurant, il résulte de l'instruction que l'accès à l'habitation pourrait être envisagé, ainsi que l'a proposé la commune, par la réouverture du chemin de Junca, dont l'assiette a en partie disparu, permettant de rejoindre une voie carrossable, et qui se situe hors zone inondable.
10. En dernier lieu, si M. D... reproche à la commune de ne pas procéder au nettoyage de l'impasse du moulin après chaque crue, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait présenté en vain de telles demandes d'intervention. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait commis une faute en refusant de prendre à sa charge l'entretien du chemin.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes aux fins d'annulation, d'injonction et de condamnation de la commune à lui verser une indemnité.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat ". Aux termes de l'article 40 de la même loi : " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie (...) / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat ". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat. En l'espèce, M. D... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Pau doivent être laissés à la charge définitive de l'Etat.
13. En second lieu, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourg-en-Bigorre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par la commune de Bourg-en-Bigorre au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bourg-en-Bigorre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la commune de Bourg-de-Bigorre. Copie en sera adressée au bureau d'aide juridictionnelle.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2022.
Le rapporteur,
Olivier A...La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20BX01083