Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.
Par un jugement n° 2100300 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 octobre 2021 et le 25 mai 2022, Mme D..., représentée par Me Rabearison, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 21 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 du préfet de La Réunion ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à tout le moins, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une insuffisance de motivation sur le moyen tiré du défaut de motivation en fait de l'arrêté du 11 février 2021 contesté ; le tribunal a également omis de se prononcer sur les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été prise au terme d'un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions des articles L. 313-7 et R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a fourni au préfet une convention de formation continue conclue avec le Conservatoire national des Arts et Métiers au titre de l'année 2020/2021, qui n'est pas falsifiée et qui ouvre droit au titre de séjour sollicité portant la mention " étudiant " ; la formation dispensée par le Conservatoire national des Arts et Métiers est sanctionnée par des examens pour se voir délivrer le diplôme d'assistant de gestion ; elle n'a qu'une seule fois changé d'orientation en passant d'une formation scientifique à une formation économique ; elle a validé avec succès sa première année ; la circonstance qu'elle suive un cursus menant à un diplôme de niveau inférieur à celui initialement prévu ne démontre pas l'incohérence de son cursus qui s'inscrit au contraire dans une perspective professionnelle ; le préfet n'a pas pris en considération les éléments de sa vie familiale en lien avec la naissance en novembre 2019 d'un enfant souffrant d'une pathologie de longue durée nécessitant des soins réguliers ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son enfant né en France est atteint d'une pathologie de longue durée, nécessitant un suivi médical régulier ; elle réside en France depuis plus de trois ans dont deux ans de manière régulière ; elle justifie d'une parfaite intégration sociale, professionnelle et linguistique ;
- le refus de titre de séjour contesté porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle entraînera nécessairement la séparation de l'enfant de son père français, ainsi que l'interruption du suivi médical dont son enfant bénéficie en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette mesure d'éloignement est entachée d'une insuffisance de motivation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2022, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête de Mme D....
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
- les autres moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante malgache née le 12 avril 1998, est entrée en France le 31 août 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant ". Elle a sollicité le 8 décembre 2019 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 11 février 2021, le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme D... relève appel du jugement du 21 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé, au point 3 de sa décision, sa réponse au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation en fait. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.
3. Mme D... soutient également que le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de ce que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Toutefois, les premiers juges, au point 9 de leur jugement, ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en précisant qu'il ne pouvait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Les premiers juges, au point 10 de leur décision, ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en précisant que la décision de refus de titre de séjour n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme D... de son enfant.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas irrégulier.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. Le refus de titre de séjour contesté vise les textes dont il fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables. Cette décision indique la date et les conditions de l'entrée en France de Mme D..., son parcours universitaire sans validation du cursus commencé, son absence de progression et sa situation personnelle et familiale. Elle mentionne dès lors les éléments de droit et de fait relatifs à la situation particulière de l'intéressée et satisfait ainsi à l'obligation de motivation. Elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il ne saurait enfin être reproché à cette décision de ne pas avoir fait référence à l'état de santé de l'enfant de la requérante, circonstance dont il n'est pas établi qu'elle avait été portée à la connaissance du préfet.
6. Il ne ressort ni des pièces du dossier ni de la motivation de la décision litigieuse que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D....
7. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant " (...) ". Aux termes de l'article R. 313-7 du même code : " (...) l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention "étudiant" doit présenter (...) 2° Un certificat (...) d'inscription ou de préinscription dans un établissement public ou privé d'enseignement ou de formation initiale, ou une attestation d'inscription ou de préinscription dans un organisme de formation professionnelle au sens du titre II du livre I du code du travail (...) ". Il appartient au préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour délivré sur le fondement de ces dispositions, de rechercher si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études et d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
8. Mme D... est entrée sur le territoire national le 31 août 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant " et s'est inscrite en première année de Licence en sciences et technologies à l'université de La Réunion au titre de l'année universitaire 2017/2018. Il est constant que l'intéressée s'est ensuite maintenue en situation irrégulière sans demander le renouvellement de son titre de séjour, venu à expiration le 25 août 2018, et sans justifier d'un motif valable de non réinscription dans un établissement d'enseignement au titre de l'année 2018/2019. Mme D... a alors demandé au préfet la régularisation de sa situation en se prévalant d'une pré-inscription datée du 4 décembre 2019 au titre de l'année 2019/2020 au Conservatoire national des arts et métiers de La Réunion, établissement public d'enseignement supérieur, pour reprendre une formation professionnelle continue en vue de l'obtention d'une Licence en commerce, vente, marketing, formation dont elle justifie avoir validé deux unités d'enseignement sur quatre. Si elle fait valoir que cette réorientation s'inscrivait dans une logique de progression de ses études, cette logique n'apparait pas dès lors que, venue en France et s'étant inscrite en vue d'obtenir une Licence en sciences et technologies, elle a interrompu ses études et s'est ensuite inscrite à une formation professionnelle continue pour la délivrance du diplôme d'assistant de gestion certifié au niveau 5 dans le répertoire national de la certification professionnelle et correspondant aux diplômes de CAP, BEP et MC, qui est d'un niveau inférieur à celui de ses études précédentes et sans aucun lien avec celles-ci. Les problèmes de santé rencontrés par son enfant né en novembre 2019, lequel souffre d'une affection de longue durée sur laquelle aucune précision n'est apportée, ne peuvent expliquer à eux seuls l'absence de progression dans ses études depuis son entrée sur le territoire en 2017. Par ailleurs, la circonstance, invoquée en appel, que l'intéressée justifie s'être inscrite, au titre de l'année 2021/2022, en BEP communication, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, à la date du 11 février 2021 à laquelle s'apprécie la légalité de la décision contestée, le préfet de La Réunion n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en estimant que les études poursuivies par l'intéressée ne pouvaient être regardées comme présentant un caractère réel et sérieux. Ainsi, le préfet pouvait, pour ce seul motif, lui refuser un titre de séjour en qualité d'étudiant.
9. Si le préfet a également fondé sa décision sur la circonstance que l'inscription pour une formation professionnelle continue ne pouvait être regardée comme conférant la qualité d'étudiant au sens de l'article L. 313-7 précité, l'illégalité éventuelle de ce motif n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le précédent motif.
10. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales étant sans incidence sur l'appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies, qui conditionnent le renouvellement de la carte de séjour temporaire d'étudiant ainsi qu'il a été dit au point 7, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait ces stipulations est inopérant.
11. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Si Mme D... fait valoir que son enfant, né le 5 novembre 2019, serait séparé de son père en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne produit toutefois aucune pièce établissant une contribution effective du père à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dont il n'est d'ailleurs ni établi ni même allégué qu'il ait été reconnu par ce dernier, ni aucun élément démontrant l'existence de liens affectifs entre l'enfant et son père. Si elle soutient en outre que son enfant bénéficie en France d'une prise en charge médicale qui ne pourrait être poursuivie à Madagascar, elle n'apporte aucun élément ni précision à l'appui de cette affirmation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
14. Lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de titre de séjour, la motivation de celle-ci se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement litigieuse doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.
La rapporteure,
Agnès C...La présidente,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLa greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04104