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22/09/2022 | FRANCE | N°21BX03950

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 septembre 2022, 21BX03950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102991 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2021, M. C...,

représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102991 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est fait référence à aucun arrêté de délégation de signature publié et la préfecture n'apportant pas d'élément de nature à prouver que les personnes dont la compétence est déléguée au signataire étaient absentes ou empêchées à la date de la signature ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et la préfète n'a pas procédé à un examen attentif et global de sa situation ;

- sa demande n'a pas été correctement instruite dès lors qu'il ne lui a pas été demandé de compléter son dossier ;

- la décision est entachée d'erreurs de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation dès lors que le rapport de police n'est pas un élément probant quant à la situation maritale des époux, que les faits d'agression qui lui sont reprochés ne sont pas avérés et qu'il dispose de ressources ; il justifie d'une communauté de vie depuis le mariage ;

- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu et la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- le droit à la présomption d'innocence a été méconnu ;

- l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu dès lors qu'il ne pourra pas se défendre pour les faits qui lui sont reprochés s'il est éloigné ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision est en contradiction avec la mesure de contrôle judiciaire dont il fait l'objet.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle s'en rapporte à son mémoire produit en première instance.

Une nouvelle pièce a été produite le 31 août 2022 par M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- et les observations de Me Saint-Martin, représentant M. C....

Une note en délibéré, enregistrée le 1er septembre 2022, a été produite par M. C..., représenté par Me Saint-Martin.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 3 janvier 1991, est entré régulièrement en France en août 2013 muni d'un visa valable jusqu'au mois d'août 2014 pour un séjour en qualité d'étudiant. Il a obtenu, en octobre 2017, un master 2 de " Génie industriel et logistique " et a travaillé ensuite pour plusieurs entreprises. Le 13 juillet 2019, il a épousé en France une ressortissante française et a sollicité, le 18 juillet 2019, son admission au séjour en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 19 mai 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. L'arrêté contesté a été signé, pour la préfète, par M. A... E..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Gironde, qui dispose, en vertu d'un arrêté du 5 mai 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de ladite préfecture, accessible sur son site Internet, d'une délégation qui lui a été accordée à l'effet de signer, notamment, toutes décisions prises en application des dispositions législatives et réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au séjour. La circonstance que l'arrêté contesté ne mentionne pas cette délégation de signature est sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, cette délégation lui ayant été accordée directement, il n'y a pas lieu d'examiner si la préfète était absente ou empêchée à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

3. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. C..., et notamment son entrée régulière en France en 2013, son mariage avec une ressortissante française et les faits qui lui sont reprochés, et indique avec précision les raisons pour lesquelles la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Ces indications, qui ont permis à M. C... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes. La circonstance, à la supposer établie, que l'arrêté comporterait des éléments erronés n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser l'insuffisance de motivation alléguée, M. C... ayant été mis à même de discuter ces éléments dans le cadre de son recours. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté.

4. Ni cette motivation ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de considérer que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C.... Par ailleurs, M. C..., à qui il appartenait de fournir à l'appui de sa demande de titre de séjour l'ensemble des documents dont il entendait se prévaloir, n'invoque aucune disposition législative ou réglementaire qui aurait imposé à la préfète de lui demander de compléter son dossier avec de nouvelles pièces. Par suite, les moyens ainsi soulevés doivent être écartés.

5. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. C..., la préfète a retenu, notamment, qu'il ne pouvait justifier une vie commune effective d'au moins six mois en France avec son épouse de nationalité française, que l'enquête diligentée à l'adresse déclarée du couple n'avait pu aboutir car l'épouse de l'intéressé avait fait l'objet d'une expulsion locative le 26 août 2019, que lors de l'enquête effectuée le 17 juillet 2019 par les services de gendarmerie au domicile de l'épouse de M. C..., avant son expulsion locative, celle-ci a déclaré être célibataire, que M. C... était démuni de ressources personnelles et, enfin, qu'il était défavorablement connu des services de police et avait été signalé pour des faits de viol commis le 19 janvier 2021 sur une personne vulnérable et d'agression sexuelle imposée à une personne vulnérable.

6. Les circonstances que M. C..., qui ne peut se prévaloir du contrat à durée indéterminée conclu le 25 mai 2021, soit postérieurement à l'arrêté contesté, possédait un master 2 en " Génie industriel et logistique " et avait travaillé dans diverses entreprises pendant plusieurs années ne permettent pas de considérer qu'il disposait de ressources personnelles à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, la préfète ne s'est pas fondée, sur ce point, sur des faits erronés. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. C... fait l'objet d'une mesure de contrôle judiciaire dans le cadre d'une procédure pénale en cours pour des faits d'agression sexuelle sur personne vulnérable. Par suite, en se fondant sur la circonstance qu'il avait été signalé pour de tels faits, la préfète, qui ne s'est pas prononcée sur la culpabilité de l'intéressé, ne s'est pas fondée sur des faits inexacts. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'épouse de M. C... n'aurait jamais déclaré être célibataire est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que la préfète ne s'est pas fondée sur ce seul motif pour rejeter la demande de l'intéressé.

7. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies:

1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".

8. En se bornant à indiquer que sa mère était présente en France du 12 au 19 juillet 2019, pour son mariage, et à produire une attestation d'hébergement de la mère de son épouse pour la période du mois d'août 2019 à la fin de l'année 2020 ainsi qu'une réservation à son nom pour la location d'un appartement pour la période du 31 janvier au 28 février 2021, M. C... ne peut être regardé comme justifiant de la continuité de la communauté de vie avec son épouse entre la date du mariage et la date de l'arrêté attaqué. Dès lors, il ne remplissait pas la condition posée par le 1° de l'article L.423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait donc pas obtenir un titre de séjour sur ce fondement. Par suite, la préfète n'a pas méconnu les dispositions de cet article en rejetant sa demande de titre de séjour alors même qu'elle a mentionné, à tort, une période de six mois s'agissant de la justification de la vie commune.

9. Si M. C... séjournait en France depuis presque six ans à la date de l'arrêté attaqué et s'il a épousé une ressortissante française, il n'a pas justifié l'existence d'une communauté de vie continue entre la date de son mariage et la date de cet arrêté. Il ne justifiait pas davantage, à cette date, exercer un emploi. Par ailleurs, à part son épouse, il ne se prévaut pas de liens d'une nature ou d'une intensité particulière en France et n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où réside sa famille. Dans ces conditions, ni le refus de titre de séjour ni la mesure d'éloignement ne peuvent être regardés comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du refus et aux buts poursuivis par la mesure d'éloignement, alors même qu'il a exercé plusieurs emplois en France après l'obtention de son diplôme de master 2. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions contestées doivent être écartés.

10. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, M. C... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la présomption d'innocence dès lors que les décisions contestées, qui ont le caractère de mesures de police administrative, ne constituent pas des sanctions.

11. Par ailleurs, la mesure d'éloignement contestée ne fait pas obstacle à ce que M. C... puisse assurer sa défense dans le cadre de la procédure pénale engagée à son encontre pour les faits d'agression sexuelle sur personne vulnérable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense garantis par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. La circonstance que M. C... fait l'objet, dans le cadre de la procédure pénale en cours, d'une mesure de contrôle judiciaire l'obligeant à résider à Gradignan et à se présenter deux fois par mois au bureau de police est sans influence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elle fait seulement obligation à l'autorité préfectorale de s'abstenir de mettre à exécution cette mesure d'éloignement jusqu'à la levée de cette mesure de contrôle par le juge judiciaire.

13 Enfin, dès lors qu'aucun des moyens soulevés par M. C... à l'encontre de la décision portant refus de séjour n'est fondé, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de la prétendue illégalité de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 19 mai 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

La présidente-rapporteure,

Marianne B...La présidente-assesseure,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam-Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03950
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SAINT-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-22;21bx03950 ?
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