La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2022 | FRANCE | N°20BX00627

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 22 septembre 2022, 20BX00627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d'Hendaye à lui verser une indemnité de 21 547,61 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de la circulation dont il a été victime le 15 décembre 2013.

Par un jugement n° 1701099 du 17 décembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2020 et un mémoire enregistré le 4 juin 2021, M. C..., représenté par Me Mei

lhac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Hendaye à lui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d'Hendaye à lui verser une indemnité de 21 547,61 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de la circulation dont il a été victime le 15 décembre 2013.

Par un jugement n° 1701099 du 17 décembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2020 et un mémoire enregistré le 4 juin 2021, M. C..., représenté par Me Meilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Hendaye à lui verser une indemnité de 21 547,61 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hendaye une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le 15 décembre 2013, alors qu'il circulait à vélo avenue de Lissardy à Hendaye, il a chuté lourdement en raison de la présence d'un ralentisseur situé sur la chaussée, perpendiculairement au trottoir ; il a présenté, outre une plaie du cuir chevelu et des dermabrasions, une fracture du col du fémur droit avec déplacement qui a nécessité la pose d'une prothèse totale de hanche le 17 décembre 2013 ; cette intervention s'est compliquée d'une infection, et la prothèse a été déposée et remplacée le 3 avril 2014 ; si la clinique dans laquelle l'infection a été contractée a accepté de l'indemniser après avoir été assignée devant le tribunal de grande instance de Bayonne, la commune n'a pas donné suite à sa réclamation préalable reçue le 7 novembre 2016 ;

- le lien de causalité entre l'accident et l'ouvrage public est établi ;

- l'ouvrage à l'origine de l'accident est le ralentisseur installé sur une zone de stationnement, qui avait pour fonction, selon la commune, d'éviter que les automobilistes ne contournent le " coussin berlinois " situé sur la chaussée ; par lettre du 4 mars 2014, la commune a admis que ce ralentisseur dépassait de 20 cm sur la chaussée et a précisé qu'il avait été immédiatement déposé par les services techniques ; le " guide des coussins et des plateaux " édité par le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU) recommande d'éviter de neutraliser le stationnement aux abords des coussins à l'aide d'obstacles agressifs et de laisser une largeur latérale minimale de 70 cm afin que l'espace disponible entre le coussin et la bordure permette une circulation normale des cyclistes ; le ralentisseur présentait ainsi un danger excédant ceux que les usagers doivent s'attendre à rencontrer sur la voie publique ;

- le positionnement du ralentisseur méconnaissait l'article 5.1 de la norme NF P98-300, l'article 4 du décret n° 94-447 du 27 mai 1997 et l'article 2 de l'annexe de ce décret ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le panneau de signalisation ne suffisait pas à signaler la présence anormale du ralentisseur ajouté aux coussins berlinois perpendiculairement au trottoir et sur une zone de stationnement ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que l'obstacle n'était pas visible puisqu'un véhicule était stationné lors de l'accident, qu'en l'absence de piste cyclable, il devait être attentif à la circulation et au " coussin berlinois ", et qu'il ne connaissait pas particulièrement les lieux ;

- conformément aux conclusions de l'expert, la moitié des dépenses de santé actuelles et des frais divers, qui se sont élevés respectivement à 846,67 euros et 2 110 euros, doit être supportée par la commune d'Hendaye, soit 1 478,33 euros ;

- en se limitant aux préjudices résultant de l'accident, hors conséquences de l'infection nosocomiale, il sollicite les sommes de 161 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, de 408,28 euros au titre des périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel, de 7 500 euros au titre des souffrances endurées, de 8 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique et de 2 500 euros au titre du préjudice d'agrément, dont il justifie l'existence.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 avril et 30 juin 2021, la commune d'Hendaye, représentée par la SCP Bouyssou et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu de défaut d'entretien normal ;

- aucune norme juridiquement opposable n'interdit l'implantation des ralentisseurs de vitesse monoblocs sur les espaces latéraux de stationnement, et la circulation était limitée

à 30 km / h, ce qui permettait d'installer un ralentisseur conformément au décret

du 27 mai 1994 ;

- les normes et le décret invoqués par M. C... se rapportent aux ralentisseurs de type " dos d'âne " et trapézoïdal, et non aux aménagements en litige, qui étaient un cassis et un " coussin berlinois " ;

A titre subsidiaire :

- le reportage photographique produit par M. C... montre que même avec un véhicule stationné sur le ralentisseur, celui-ci restait visible et pouvait être évité par un usager normalement attentif, de sorte que si la cour retenait un défaut d'entretien normal de la voie publique, la faute de la victime devrait l'exonérer au moins partiellement de sa responsabilité ;

- les demandes relatives au déficit fonctionnel temporaire, au déficit fonctionnel permanent, aux souffrances endurées et au préjudice esthétique sont excessives, et l'existence

du préjudice d'agrément allégué n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Meilhac, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 décembre 2013, alors qu'il circulait à bicyclette avenue de Lissardy à Hendaye, M. C... a fait une chute en roulant sur un ralentisseur installé sur une place de stationnement, perpendiculairement à la chaussée, et dépassant sur celle-ci. Il a présenté une fracture déplacée du col du fémur droit qui a nécessité la pose d'une prothèse totale de hanche, ainsi qu'une plaie du cuir chevelu et des dermabrasions. La prothèse a été remplacée en avril 2014 en raison d'une infection nosocomiale. La consolidation de l'état de santé de M. C... a été fixée au 15 avril 2015 par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne. Le 7 novembre 2016, M. C... a présenté une réclamation préalable auprès de la commune d'Hendaye en vue de l'indemnisation de ses préjudices autres que ceux imputables à l'infection nosocomiale. En l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande de condamnation de la commune à lui verser une indemnité

de 21 547,61 euros. Il relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité :

2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage d'apporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré

de l'obligation d'indemniser la victime qu'en apportant la preuve, soit de l'absence de défaut d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas

de force majeure.

3. Le lien de causalité entre le ralentisseur dépassant sur la chaussée et la chute

de M. C... n'est pas contesté.

4. Il résulte de l'instruction que, les riverains s'étant plaints de ce que les véhicules évitaient le " coussin berlinois " installé sur la chaussée en circulant sur la bande latérale de stationnement aménagée à droite de celle-ci, la commune d'Hendaye avait posé sur une place de stationnement, perpendiculairement au " coussin berlinois ", un autre ralentisseur monobloc constitué d'un bourrelet de bitume qui dépassait de 20 cm sur la largeur de la chaussée. L'accident a eu lieu alors qu'un véhicule en stationnement limitait la visibilité sur ce dispositif dont seule l'extrémité dépassait. Cette configuration très particulière, à laquelle la commune a d'ailleurs mis fin en supprimant le ralentisseur monobloc, présentait, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, un danger excédant ceux auxquels un cycliste circulant sur une voie équipée d'un " coussin berlinois " peut raisonnablement s'attendre, ce qui caractérise un défaut d'entretien normal. Toutefois, la présence d'un ralentisseur était signalée, et l'extrémité du monobloc, revêtue de bandes jaunes, était suffisamment visible pour permettre à un cycliste normalement attentif d'adapter sa vitesse ou sa trajectoire afin d'éviter le danger. Par suite, la faute de la victime est de nature à exonérer la commune de 50 % de sa responsabilité.

Sur les préjudices :

5. En réponse à une mesure d'instruction, M. C... a indiqué que compte tenu de l'indemnisation versée par la clinique responsable de l'infection nosocomiale, aucune somme n'était restée à sa charge au titre des dépenses de santé et des frais divers. Il doit ainsi être regardé comme se désistant des demandes correspondantes.

6. L'expert désigné par le tribunal de grande instance de Bayonne a retenu,

en lien exclusif avec la chute et la mise en place de la prothèse initiale, un déficit fonctionnel temporaire total du 15 au 21 décembre 2013 (7 jours) et de 25 % du 22 décembre 2013

au 2 mars 2014 (71 jours). Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant

à 410 euros sur la base de 500 euros par mois de déficit total.

7. Les souffrances endurées ont été évaluées par l'expert à 4 sur 7, dont la moitié est imputable aux conséquences directes de la chute. Il y a lieu de fixer le préjudice en lien avec la chute à 4 000 euros.

8. Le 15 avril 2015, date de consolidation de son état de santé, M. C... était âgé

de 68 ans et conservait un déficit fonctionnel permanent de 12 %, dont 5 % imputables aux seules conséquences de la chute, préjudice qu'il y a lieu d'évaluer à 5 200 euros.

9. Il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique en lien exclusif avec la chute, évalué par l'expert à 1 sur 7, en le fixant à 1 000 euros.

10. Il résulte de l'instruction que M. C..., qui justifie par les pièces produites d'une pratique ancienne et régulière du cyclotourisme jusqu'à la fin de l'année 2013 avec des sorties de 80 à 90 km, n'a pas pu reprendre cette activité depuis sa chute. Toutefois, l'évaluation de son préjudice d'agrément ne saurait excéder la somme de 2 500 euros versée à ce titre par la clinique responsable de l'infection nosocomiale. Ce préjudice a été ainsi entièrement réparé et n'ouvre pas droit à une indemnisation complémentaire sur le fondement de la responsabilité de la commune d'Hendaye.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices de M. C... en lien avec le défaut d'entretien normal de la chaussée s'élèvent à 10 610 euros, dont la réparation incombe à la commune d'Hendaye à hauteur de 50 % compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 4. La commune doit donc verser à M. C... la somme de 5 305 euros.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Hendaye une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... à l'occasion du présent litige. La commune, qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. M. C... a inclus à juste titre les frais de l'expertise ordonnée par la juridiction judiciaire dans les frais divers dont il a précisé en dernier lieu qu'ils n'étaient pas restés à sa charge. Ses conclusions relatives aux dépens sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1701099 du 17 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La commune d'Hendaye est condamnée à verser une indemnité de 5 305 euros

à M. C....

Article 3 : La commune d'Hendaye versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune d'Hendaye

et à la caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne.

Délibéré après l'audience du 30 août 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX00627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00627
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-22;20bx00627 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award