Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2102678 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022 et des pièces enregistrées les 11 et 27 mai 2022, M. A..., représenté par Me Genest, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 mars 2022 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 1er septembre 2021 en toutes ses dispositions et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de 45 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et celle accordant un délai de départ volontaire de 30 jours et d'enjoindre à la préfète de reprendre l'instruction de sa demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de 45 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'irrégularité du jugement attaqué :
- le premier juge n'a pas motivé son jugement pour écarter le moyen tiré de ce que les documents d'état civil produits au débat sont authentiques ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des articles R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des articles L. 435-1, L. 423-23 et L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de 30 jours :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Des pièces ont été produites le 12 mai 2022 par la préfète de la Vienne.
Par ordonnance en date du 8 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2022 à 12 h00.
La préfète de la Vienne a produit un mémoire le 7 juin 2022 qui n'a pas été communiqué.
Par une décision du 7 avril 2022, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité bangladaise, déclare être entré irrégulièrement en France le 28 juin 2017. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de la Vienne du 22 novembre 2017 au 07 décembre 2018, date à laquelle il a été mis fin à sa prise en charge. Par arrêté du 18 avril 2019, la préfète de la Vienne a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité le 08 mars 2018 et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 09 octobre 2019 qui a fait l'objet d'un appel rejeté par la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 1er octobre 2020. Le 21 janvier 2021, il a demandé à nouveau la délivrance d'un titre de séjour sur les fondements de " mineur confié à l'ASE avant 16 ans ", " mineur confié à l'ASE entre 16 et 18 ans ", " vie privée et familiale " et au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 1er septembre 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient M. A..., le tribunal a suffisamment détaillé et motivé dans les points 3 et 4 de son jugement les éléments de droit et de fait pour lesquels il a estimé que l'arrêté de la préfète de la Vienne ne méconnaissait ni les dispositions de l'article 47 du code civil ni celles de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. La production d'un passeport par un étranger n'emporte aucune force probante particulière quant à l'état civil qui y est indiqué, et, en particulier, quant au caractère authentique des documents sur la base desquels il a été établi.
5. M. A..., pour justifier de son identité, et notamment de sa minorité à son arrivée en France, a produit un acte de naissance bangladais établi le 25 mai 2017, un certificat de citoyenneté datant du 02 décembre 2018, un passeport ainsi que des éléments médicaux. Toutefois, il ressort du procès-verbal d'audition de M. A... du 04 décembre 2018, rédigé par les policiers de l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière dans le cadre d'une enquête sur des réseaux frauduleux bangladais et pakistanais de candidats majeurs au statut de mineurs non accompagnés, diligentée par le tribunal de Bobigny, que M. A... a reconnu lors de cette audition, être né le 6 juin 1991 et s'être procuré un acte de naissance falsifié pour minorer l'âge au vu duquel il a présenté une demande de titre de séjour dont il a obtenu récépissé. Il ressort également des pièces produites, notamment de ce même procès-verbal d'audition et du rapport de police du 29 janvier 2019, que M. A... s'est procuré cet acte falsifié par l'intermédiaire de membres de sa famille et de compatriotes interpellés dans le cadre de cette enquête. Il ressort également du courrier adressé le 10 janvier 2019 par la responsable du pôle " mineurs non accompagnés " du département de la Vienne au procureur de la République, que M. A... a reconnu en sa présence à l'issue de l'audition, avoir en réalité 27 ans, avoir menti sur sa véritable identité et sa date de naissance en vue de se faire passer pour un mineur. Ainsi, et alors que les allégations de l'intéressé selon lesquelles cette audition aurait été menée dans des conditions critiquables ne sont nullement étayées, c'est à juste titre que le tribunal administratif a considéré que la préfète avait pu, sans erreur d'appréciation, estimer que M. A... ne justifiait pas de son état civil malgré les documents fournis à l'appui de sa demande de titre de séjour et rejeter cette demande présentée sur le fondement des articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui régissent la délivrance du titre de séjour au mineur étranger confié au service de l'aide sociale à l'enfance.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une part : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant qui ne résidait en France que depuis 4 ans à la date de l'arrêté attaqué, n'établit pas qu'il est isolé dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est toujours maintenu irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français. La circonstance qu'il ait été pris en charge à son arrivée en France par les services de l'aide sociale, au demeurant sur la base d'une fausse déclaration de minorité, qu'il ait créé des liens d'affection avec les personnes qui l'ont hébergé ou avec celles qu'il a rencontrées durant sa scolarité et ses stages en restauration, qu'il soit scolarisé en 1ère bac pro " commercialisation et service de restauration ", qu'il ait pour projet professionnel l'obtention d'un CAP cuisine, qu'il souhaite également se professionnaliser dans le secteur de l'aide à la personne, qu'il entretienne une relation avec une ressortissante française depuis juillet 2020, n'est pas de nature à démontrer, eu égard à ses conditions de séjour, que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle. Le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il est entaché d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent, qu'aucun motif humanitaire ou exceptionnel n'est de nature à justifier l'admission du requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il ressort des motifs du présent arrêt que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A... n'est pas entachée d'illégalité. Il s'ensuit que l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français contestée doit être écartée.
10. En second lieu, M. A... se borne à reprendre en cause d'appel, sans les assortir d'éléments de fait et de droit nouveaux, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter l'ensemble de ces moyens.
En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
11. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français soulevée à l'encontre de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jour, doit être écartée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français soulevée à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doit être écartée.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er septembre 2021. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'Intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
Le président-assesseur,
Dominique FerrariLa présidente,
Evelyne C...Le greffier,
Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX00971 2