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05/07/2022 | FRANCE | N°21BX02137

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 juillet 2022, 21BX02137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui remettre dans l'attente une autorisation provis

oire de séjour et de travail.

Par un jugement n° 2004667 du 10 février 2021, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui remettre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail.

Par un jugement n° 2004667 du 10 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2021, Mme C..., représentée par Me Trébesses, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 28 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui remettre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation en fait au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ce qui témoigne d'une absence d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit, car il s'est estimé lié par la décision de rejet d'asile prononcée par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) le 26 mars 2020 ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation médicale, en raison de l'impossibilité d'avoir en Géorgie un accès effectif aux soins requis par son état de santé ; cet arrêté est donc contraire à l'article L. 313-11-11° et à l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le diabète de type 1 dont elle souffre a entrainé plusieurs hospitalisations, et nécessite la prise de médicaments, un appareillage spécifique et un passage infirmier 3 fois par jour à son domicile ;elle produit des éléments justifiant qu'elle ne pourra bénéficier en Géorgie de soins et traitements appropriés ;

- la mesure fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de son état de santé, compte tenu des évènement l'ayant conduite à quitter son pays ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal elle a produit de multiples pièces justificatives dont l'authenticité n'a pas été remise en cause par la préfecture et dont certaines sont postérieures à la décision de rejet de l'OFPRA ; son état de santé psychologique démontre également un syndrome de stress post traumatique lié aux évènements qu'elle allègue avoir subis en Géorgie ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2021, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 31 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2022 à 12h00.

Par une décision du 8 avril 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité géorgienne, déclare être entrée en France le 26 octobre 2019 accompagnée de ses trois enfants. Sa demande d'asile a été rejetée définitivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 mars 2020. Le 20 janvier 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté du 28 août 2020, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2021, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Dordogne après avoir visé le refus d'asile opposé par l'OFPRA à la demande de Mme C..., a indiqué qu'elle ne démontrait pas être personnellement exposée à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requérante qui se borne à reprendre le moyen devant la cour, n'apporte aucun élément nouveau en appel au soutien de son argumentation de nature à démontrer l'insuffisante motivation de la décision qui révèlerait un défaut d'examen de sa situation et le moyen doit par suite être écarté. D'autre part, s'agissant de la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'arrêté précise que l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, de nature à faire présumer que l'état de santé de la requérante ne justifie pas la délivrance d'un titre de séjour, n'est contredit par aucune pièce versée par l'intéressée. Cette décision qui est ainsi suffisamment motivée, démontre que le préfet ne s'est pas estimé lié par l'avis du collège des médecins et a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen sérieux de sa situation doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Dans son avis du 3 juin 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Géorgie, et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque.

7. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII, Mme C... lève le secret médical et produit des certificats médicaux attestant qu'elle souffre de diabète insulino-dépendant de type 1 depuis l'âge de 5 ans, qu'elle est traitée par Apidra et Toujeo et nécessite des injections trois fois par jour. Toutefois, ni l'attestation en date du 27 novembre 2020 d'un psychiatre qui la suit en France ni celles d'un médecin de famille géorgien du 10 septembre 2020 et du 2 décembre 2020 ne sont de nature à établir l'indisponibilité du traitement nécessité par son état de santé en Géorgie où elle a d'ailleurs vécu jusqu'à l'âge de 38 ans. Il en va de même des considérations très générales émises en 2018 sur les carences du système de santé géorgien, par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR). Les documents produits par le préfet de la Dordogne, émanant de l'OMS permettent au contraire d'établir l'existence en Géorgie de médicaments et de traitements du diabète. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions rappelées au point 4 et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le refus de séjour attaqué doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable doit être également écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné :/ 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;/ 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;/ 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il établit être légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'OFPRA ou de la CNDA ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments.

10. Si Mme C... affirme encourir des risques en cas de retour en Géorgie, elle ne développe en appel aucun argument nouveau au soutien de ce moyen et ne produit aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par l'OFPRA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne B...Le président-assesseurLa présidente-rapporteure,

E. B...Le greffier,

Christophe Pelletier

Le greffier

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02137 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02137
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;21bx02137 ?
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