La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2022 | FRANCE | N°20BX03558

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 20BX03558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le maire de la commune d'Arbanats a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Prodom un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 23 lots à bâtir " Le clos des Graves " sur un terrain situé chemin du Berot au lieu-dit Teychon, ainsi que la décision du 16 septembre 2019 par laquelle le maire a refusé de retirer cet acte.

Par un jugement n° 1905340 du 1

5 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire d'Arb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le maire de la commune d'Arbanats a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Prodom un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 23 lots à bâtir " Le clos des Graves " sur un terrain situé chemin du Berot au lieu-dit Teychon, ainsi que la décision du 16 septembre 2019 par laquelle le maire a refusé de retirer cet acte.

Par un jugement n° 1905340 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire d'Arbanats du 6 juin 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 octobre 2020 et le 22 novembre 2021, la SAS Prodom, représentée par Me Rousseau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 octobre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est titulaire d'une autorisation tacite née le 29 avril 2019, dès lors que la demande de pièces complémentaires lui a été notifiée postérieurement au délai d'un mois prévu par l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme ; par conséquent, le déféré du préfet était mal dirigé, l'acte du 6 juin 2019 ne constituant qu'un projet de permis d'aménager ;

- le maire d'Arbanats n'a pas signé l'arrêté du 6 juin 2019 ; la société étant titulaire d'un permis d'aménager tacite, cette autorisation ne nécessitait pas de signature ;

- le terrain d'assiette du projet ne repose qu'en partie sur les orientations d'aménagement et de programmation du secteur de la Rieste qui n'imposent pas la réalisation d'une opération d'ensemble ; par ailleurs, ces orientations sont incohérentes avec le zonage de ce secteur ;

- le projet ne méconnaît pas l'article 1AU du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la SAS Prodom ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me Bertin, représentant la SAS Prodom, et les observations de Me Dubois, représentant la commune d'Arbanats.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Prodom a déposé, le 29 janvier 2019, une demande de permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 23 lots à bâtir " Le clos des Graves " sur un terrain situé chemin du Berot au lieu-dit Teychon à Arbanats. Dans le cadre du contrôle de légalité, le sous-préfet de Langon a formé un recours gracieux contre un arrêté du 6 juin 2019 accordant le permis d'aménager demandé à cette société. Le maire d'Arbanats ayant refusé de retirer cette décision, le préfet de la Gironde a déféré l'arrêté du 6 juin 2019 au tribunal administratif de Bordeaux. La SAS Prodom relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, aux termes de R. 424-1 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite ". Aux termes de l'article R. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ". Selon l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". Et aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ".

3. La SAS Prodom a déposé sa demande de permis d'aménager le 29 janvier 2019. Il ressort des pièces du dossier qu'une demande de pièces complémentaires lui a été notifiée le 1er mars 2019, soit postérieurement au délai d'un mois à compter du dépôt de son dossier en mairie, lequel expirait le 28 février 2019. En application de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme cité ci-dessus, le dossier de demande de la SAS Prodom devait être ainsi réputé complet, et, par l'effet des dispositions combinées des articles R. 424-1 et R. 423-3 du même code, une autorisation tacite est née le 29 avril 2019.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'antérieurement à l'arrêté du 6 juin 2019 déféré par le préfet au tribunal administratif de Bordeaux, trois arrêtés avaient déjà été pris sur le projet de lotissement de la SAS Prodom, lesquels ont été retirés ou annulés, notamment, en ce qui concerne un arrêté du 9 août 2018 en raison de l'incompétence de son auteur. Par ailleurs, par une délibération du 3 juin 2019, le conseil municipal d'Arbanats a refusé de désigner un de ses membres pour signer le permis d'aménager en lieu et place du maire intéressé au projet. En outre, si l'arrêté du 6 juin 2019 comporte l'ensemble des mentions habituellement requises, il vise une délibération " n° X adoptée en conseil municipal le XX/XX/2019 attribuant la délégation de signature à M/Mme X, conseiller municipal ", ne comporte pas la signature de son auteur et n'a jamais été notifié à la SAS Prodom. Enfin, le maire d'Arbanats indiquait en réponse au recours gracieux formé par le sous-préfet de Langon dans le cadre de son contrôle de légalité que " c'est à tort que ce projet présenté au conseil municipal a été soumis au contrôle de légalité ". Dans ces conditions, l'arrêté du 6 juin 2019 dont le préfet demandait l'annulation doit être regardé comme un acte préparatoire soumis par erreur au contrôle de légalité, qui ne faisait pas grief, et qui n'était par suite par susceptible de recours.

5. Ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont retenu la recevabilité de la demande du préfet en tant qu'elle était dirigée contre l'acte du 6 juin 2019. Cependant les conclusions de première instance du préfet, qui a entendu contester le permis d'aménager délivré à la SAS Prodom, doivent être regardées comme étant dirigées contre l'autorisation tacite née le 29 avril 2019. Il appartient dans un tel cas à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande présentée par le préfet de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la légalité du permis d'aménager tacite :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Et aux termes de l'article L. 422-7 de ce code : " Si le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est intéressé au projet faisant l'objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la décision ".

7. En vertu de l'article L. 422-1 cité ci-dessus, le maire est compétent pour délivrer les autorisations d'urbanisme. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment de la délibération du conseil municipal du 3 juin 2019, qu'à la date du 6 juin 2019, aucun membre de ce conseil n'avait été désigné en vertu de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le maire d'Arbanats était intéressé au projet de la SAS Prodom. Dans ces conditions, le permis d'aménager tacite né le 6 juin 2019 doit être réputé avoir été délivré par le maire. Or, ainsi qu'il vient d'être dit, ce dernier étant intéressé au projet, il était incompétent pour accorder une telle autorisation. Par suite, le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que le permis d'aménager du 6 juin 2019 a été pris par une autorité incompétente.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs.

9. Selon l'orientation d'aménagement du secteur de la Rieste, annexée au plan d'urbanisme d'Arbanats, cette zone, classée en 1 AU par le règlement du plan local d'urbanisme, constitue une dent creuse qui a vocation à être comblée, en implantant des constructions " plus en profondeur " tout en " conservant le caractère très rural de la zone ", en prévoyant notamment la création d'espaces publics centraux, des cheminements piétons afin de permettre d'aménager des " espaces de rencontre et de favoriser le lien social entre les habitants du quartier ", ainsi que des liaisons avec les voies existantes afin de relier les quartiers et " de mailler l'existant ". L'aménagement futur de la zone doit, toujours selon cette orientation, concilier le développement urbain et la conservation des vignes au cœur du village. Les plans se rapportant à cette orientation montrent un bâti qui permet de dégager de larges espaces verts, ainsi que des cheminements et voies qui permettent de relier les différents espaces du secteur de la Rieste entre eux, et avec les espaces déjà urbanisés alentours.

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le projet de la SAS Prodom, qui se situe dans une partie du secteur de la Rieste concerné par cette orientation d'aménagement, prévoit un espace public vert central et un trottoir enherbé reliant la route principale aux lots situés en fond de lotissement, lequel se termine toutefois en impasse, sans relier le lotissement avec le reste du secteur de la Rieste et avec les quartiers existants ou sans prévoir de cheminements piétons. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, les surfaces constructibles prévues pour chaque lot ne permettent pas le maintien d'espaces verts, alors que ceux-ci représentent seulement 11,74 % du périmètre loti, tandis que l'orientation d'aménagement du secteur préconise de conserver le caractère très rural de la zone. En outre, les différents lots ne permettent pas que le bâti soit construit en profondeur. Ainsi, au regard des caractéristiques concrètes du projet de la SAS Prodom et des termes de l'orientation d'aménagement et de programmation, ce projet doit être regardé comme contrariant la réalisation des objectifs poursuivis par cette orientation, à savoir la préservation du caractère rural de cette zone afin de respecter l'identité et le cadre de vie du territoire, avec des aménagements favorisant le lien social entre les habitants du quartier. A cet égard, si la SAS Prodom soutient qu'elle respecte la règlementation de la zone 1 AU, il ressort du chapitre I de la zone 1 AU du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Arbanats, ainsi que de l'article 1 AU-2 du même règlement relatif aux occupations ou utilisations du sol admises sous conditions, que l'ouverture des secteurs classés en zone 1 AU à l'urbanisation doit être compatible avec les orientations d'aménagement. Lesdites orientations ne peuvent être regardées comme ajoutant des contraintes qui auraient dû figurer au règlement du plan local d'urbanisme, contrairement à ce que soutient la requérante, mais se bornent à fixer des objectifs à atteindre dans certains secteurs. Enfin, la SAS Prodom ne saurait se prévaloir du schéma de cohérence territoriale adopté le 18 février 2020, qui est postérieur à l'autorisation en litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le projet de la SAS Prodom était incompatible avec l'orientation d'aménagement annexée au plan local d'urbanisme de la commune d'Arbanats et méconnaissait ainsi l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède, que la SAS Prodom n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le permis d'aménager dont elle était titulaire.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Prodom demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Prodom est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Prodom, à la commune d'Arbanats et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

Charlotte A...La présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03558 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03558
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;20bx03558 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award