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05/07/2022 | FRANCE | N°19BX03080

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 19BX03080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 par lequel le président de la communauté de communes du bassin de Marennes l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n°1701139 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juillet 2019 et le 4 février 2021, Mme A..., représentée par Me Dalle-Crode, demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 par lequel le président de la communauté de communes du bassin de Marennes l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n°1701139 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juillet 2019 et le 4 février 2021, Mme A..., représentée par Me Dalle-Crode, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre à la communauté de communes du bassin de Marennes de procéder à sa réintégration à compter du 23 mars 2017, avec reconstitution de sa carrière dans un délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du bassin de Marennes une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article 9 alinéa 2 du décret du 18 septembre 1989 en l'absence de lecture de ses observations écrites en séance ;

- la procédure est irrégulière dès lors que la décision est fondée sur le rapport de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire qui ne figurait pas au dossier ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en fait en raison de l'absence de précisions suffisantes sur les griefs retenus ;

- cette décision est fondée sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucun reproche en 12 ans de service, que ses évaluations démontrent sa compétence et que la collectivité n'a pas donné suite à ses alertes antérieures sur la dégradation des relations de travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2021, la communauté de communes du bassin de Marennes, représentée par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2011-558 du 20 mai 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Dalle-Crode, représentant Mme A... et de Me Leeman, représentant la communauté de communes du Bassin de Marennes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., animatrice territoriale principale titulaire, a été recrutée le 6 décembre 2004 par la communauté de communes du bassin de Marennes et exerçait depuis cette date les fonctions de coordinatrice du projet éducatif local. Elle a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 par lequel le président de la communauté de communes a décidé de la licencier pour insuffisance professionnelle. Elle relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, la décision attaquée précise que l'insuffisance professionnelle repose sur la " constatation de graves insuffisances dans la réalisation des missions, comportement vis-à-vis de collègues, difficultés relationnelles qui ne permettent pas de pouvoir assurer pleinement et efficacement la fonction de coordinatrice, comportement préjudiciable dans les relations entretenues avec les différents partenaires extérieurs, et relations conflictuelles qui empêchent d'avoir un regard objectif sur les projets présentés ". Elle comporte ainsi les considérations de fait qui ont fondé l'appréciation de l'administration et ces mentions, qui ont permis à Mme A... de comprendre et de contester la décision de licenciement, sont suffisantes alors même que cet arrêté ne précise pas l'identité des collègues visés ou des projets concernés. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante en fait de l'arrêté contesté doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire poursuivi (...) peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " (...) Le rapport établi par l'autorité territoriale et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance (...). Les parties ou, le cas échéant, leurs conseils peuvent, à tout moment de la séance, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales ; ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. "

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a eu connaissance de son entier dossier et du rapport établi par l'autorité disciplinaire avant la tenue de la réunion du conseil de discipline et qu'elle a formulé des observations écrites sur son dossier et ce rapport. Il ressort également des pièces du dossier que ses observations écrites ont été intégrées à son dossier qui a été mis à la disposition des membres du conseil de discipline et qu'après la lecture du rapport de saisine, la présidente du conseil de discipline a présenté ces observations ainsi que les pièces produites par Mme A.... Il ressort également du compte-rendu du conseil de discipline que Mme A... a eu la faculté de lire ses observations écrites en séance et qu'elle a été mise à même de formuler des observations orales, lors desquelles elle a apporté des précisions et des développements. D'autre part, si les dispositions précitées imposent que devant le conseil de discipline le fonctionnaire puisse présenter en temps utile des observations écrites qui sont lues en séance dans des conditions qui permettent d'éclairer le conseil de discipline sur les données de l'affaire, elles n'imposent pas, contrairement à ce que Mme A... soutient, que les observations écrites de l'intéressé soient lues immédiatement après le rapport établi par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ni que ces observations soient lues en séance par une autre personne que lui-même. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus aux motifs que ses observations écrites n'auraient pas été lues intégralement par la présidente du conseil de discipline et qu'il n'a pas été demandé aux membres du conseil de confirmer qu'ils avaient pu en prendre connaissance.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport d'études de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire relatif aux " politiques de jeunesse et intercommunalités dans les communautés de communes du bassin de Marennes et de l'île d'Oléron " établi en novembre 2015, n'a été produit en défense lors de la première instance qu'à titre d'illustration, n'a jamais été évoqué durant la procédure disciplinaire et n'a pas servi de fondement à la sanction. Dès lors, comme l'ont jugé les premiers juges, la circonstance que ce rapport ne figurait pas dans le dossier de Mme A... et n'a pas été porté à sa connaissance avant la tenue du conseil de discipline n'est pas de nature à entacher la procédure disciplinaire d'irrégularité.

6. En quatrième lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées.

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment des témoignages précis et concordants annexés au rapport de saisine que Mme A... entretenait des relations difficiles avec tous les responsables des structures d'accueil éducatives de la commune, ce qui générait un climat de tension et de défiance généralisée et ne permettait plus un dialogue et une collaboration optimales avec ces professionnels, ce que l'intéressée a d'ailleurs reconnu lors de l'enquête administrative. Mme A... soutient que ces difficultés résulteraient du comportement du directeur du local jeune de Bourcefranc-Le Chapus qui remettait en cause son autorité, la critiquait et liguait les autres intervenants contre elle, et auraient été favorisées par l'absence de soutien de la collectivité dans ce contexte difficile malgré ses demandes de protection. Toutefois, les éléments produits au dossier ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral à son encontre qui auraient justifié l'octroi de la protection fonctionnelle et ne permettent pas de considérer que les relations conflictuelles existantes avec ce collègue ne seraient aucunement imputables à Mme A.... Les pièces versées au dossier permettent également d'établir des insuffisances dans les relations avec certains partenaires extérieurs. Si Mme A... se prévaut de ce qu'elle a toujours fait l'objet d'évaluations positives et soutient que ces problèmes n'avaient jamais été évoqués par ses supérieurs, il résulte au contraire de l'évaluation au titre de l'année 2012 que celle-ci mentionne des difficultés d'intégration au sein de la structure et la nécessité de clarifier le rôle de l'intéressée. De même, l'évaluation au titre de l'année 2013 précise que des problèmes relationnels subsistent et celle de l'année 2014 évoque la nécessité de maintenir et conforter le travail en réseau des acteurs. Enfin, l'évaluation de l'année 2015 précise qu'il " faut trouver les moyens de reconstruire des relations apaisées et sereines avec les directeurs de structure, le défaut mutuel de communication nuisant à la cohérence du projet et la mise en place des actions ", ce qui confirme, comme le fait valoir la communauté de communes que cette problématique a été abordée à plusieurs reprises avec l'intéressée dans une perspective constructive, avant que ne soit prise la décision contestée. Enfin, les nombreuses attestations positives produites par Mme A... qui émanent de partenaires, d'anciens collègues ou d'élus, avec lesquels elle n'entretenait pas des relations de travail resserrées, ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité des difficultés rencontrées avec ses collaborateurs les plus proches à la date de la décision attaquée. Ainsi, alors même que Mme A... était investie dans ses fonctions, que ses compétences et son sérieux étaient reconnus et qu'elle avait réussi à mener à bien différents projets, dont le renouvellement du projet éducatif local pour la période 2015-2018, les difficultés relationnelles importantes qu'elle rencontrait et son incapacité à travailler en équipe avec les responsables des structures de la collectivité ne lui permettaient pas d'assurer les missions de coordination et d'animation qui lui avaient été confiées et étaient de nature à compromettre le bon fonctionnement du service. Dès lors, ces éléments sont de nature à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle et, par suite, les moyens tirés de ce que la décision de licenciement serait fondée sur des faits matériellement inexacts et serait entachée d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté de communes du bassin de Marennes et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette collectivité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera une somme de 1 500 euros à la communauté de communes du bassin de Marennes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la communauté de communes du bassin de Marennes.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

Christelle D...La présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX03080 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03080
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;19bx03080 ?
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