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30/06/2022 | FRANCE | N°21BX02440

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juin 2022, 21BX02440


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler

la décision du 18 octobre 2019 par laquelle la directrice adjointe chargée des ressources humaines du centre hospitalier Andrée Rosemon a rejeté sa demande de prolongation d'activité et lui a indiqué qu'il serait mis à la retraite à compter du 20 janvier 2020.

Par un jugement n° 1901832 du 12 mai 2021, le tribunal a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 jui

n 2021, le centre hospitalier Andrée Rosemon, représenté par le cabinet Centaure Avocats, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler

la décision du 18 octobre 2019 par laquelle la directrice adjointe chargée des ressources humaines du centre hospitalier Andrée Rosemon a rejeté sa demande de prolongation d'activité et lui a indiqué qu'il serait mis à la retraite à compter du 20 janvier 2020.

Par un jugement n° 1901832 du 12 mai 2021, le tribunal a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2021, le centre hospitalier Andrée Rosemon, représenté par le cabinet Centaure Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

- la limite d'âge d'un aide-soignant né entre le 1er juillet et le 31 décembre 1956 est

de soixante ans et quatre mois, et non de soixante-sept ans comme l'a retenu le tribunal ;

En ce qui concerne les autres moyens invoqués en première instance par M. D... :

- Mme B..., directrice adjointe chargée des ressources humaines, disposait d'une délégation pour signer toutes les décisions relevant de la gestion des carrières des agents titulaires et stagiaires ;

- la prolongation d'activité n'étant pas de droit, la décision n'avait pas à être motivée,

et au demeurant, elle l'était suffisamment pour permettre à l'intéressé de comprendre les raisons pour lesquelles il n'a pas été fait droit à sa demande.

Par lettre du 1er juin 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il annule la décision du 18 octobre 2019 en tant qu'elle détermine la date d'admission à la retraite de M. D.... En effet, cette décision a été implicitement mais nécessairement et définitivement rapportée sur ce point par un arrêté du 8 janvier 2020, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant, dans cette mesure, à l'annulation de la décision

du 18 octobre 2019. (Les conclusions de M. D... doivent, en revanche, être regardées comme tendant également à l'annulation de l'arrêté de même portée du 8 janvier 2020 intervenu en cours d'instance devant le tribunal : CE 15 octobre 2018 n° 414375, B.)

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;

- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;

- l'arrêté du 12 novembre 1969 relatif au classement des emplois des agents

des collectivités locales en catégories A et B ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Monney, représentant le centre hospitalier Andrée Rosemon.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 19 septembre 1956, aide-soignant principal en fonctions au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne, s'est vu accorder à sa demande, par une décision

du 12 décembre 2016, un recul de la limite d'âge pour la période du 20 janvier 2017

au 19 janvier 2018 au titre de ses trois enfants vivants à son cinquantième anniversaire, en application des dispositions de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, puis, par une décision du 12 décembre 2016, une prolongation d'activité du 20 janvier 2018 au 19 janvier 2020 au titre de la catégorie active. Par lettre du 29 juillet 2019, il a sollicité une nouvelle prolongation d'activité d'une durée de trois ans que la directrice adjointe chargée des ressources humaines du centre hospitalier a rejetée par une décision

du 18 octobre 2019 au motif de son inaptitude médicale, en lui indiquant qu'il serait mis à la retraite à compter du 20 janvier 2020. M. D... a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande d'annulation de cette dernière décision, à laquelle il a été fait droit par un jugement du 12 mai 2021, au motif que la limite d'âge applicable à l'intéressé, âgé de soixante-trois ans et quatre mois à la date de la décision, était de soixante-sept ans. Le centre hospitalier Andrée Rosemon relève appel de ce jugement, à l'exécution duquel il a été sursis par une ordonnance de la présidente de la 2ème chambre de la cour n° 21BX02441 du 11 août 2021.

Sur l'étendue du litige :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces produites par le centre hospitalier en première instance

que par un arrêté du 8 janvier 2020, M. D... a été admis à la retraite à compter

du 1er juillet 2020. Cet arrêté a nécessairement et définitivement rapporté la précédente décision du 18 octobre 2019 fixant cette admission au 20 janvier 2020. Par suite les conclusions de la requête introduite le 23 décembre 2019 contre la décision du 18 octobre 2019 portant refus de prolongation d'activité étaient devenues sans objet en ce qui concerne la date de mise à la retraite, et il appartenait au tribunal de prononcer un non-lieu à statuer sur ce point. Le jugement est ainsi irrégulier en ce qu'il a annulé la décision du 18 octobre 2019 en tant qu'elle fixe la date d'admission à la retraite au 8 janvier 2020. Il y a lieu pour la cour, par la voie de l'évocation, de prononcer ce non-lieu à statuer partiel.

En ce qui concerne l'office du juge :

3. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que l'arrêté du 8 janvier 2020 a remplacé la décision devant être regardée de même portée du 18 octobre 2019 portant fixation de la date d'admission à la retraite. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de M. D... doivent être regardées comme dirigées contre cet arrêté en tant qu'il fixe cette date au 1er juillet 2020.

Sur la légalité du refus de prolongation d'activité :

5. Aux termes de l'article 85 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les fonctionnaires régis par le présent titre ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d'âge de leur emploi. Sont applicables aux intéressés les dispositions législatives et réglementaires portant recul des limites d'âge des fonctionnaires de l'Etat ou permettant à ces derniers de solliciter dans certains cas leur maintien en activité au-delà de la limite d'âge. "

6. En premier lieu, le décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière ne comporte aucune disposition relative à la limite d'âge. Si aucune limite d'âge n'est déterminée par le statut particulier du cadre d'emplois auquel appartient un agent de la fonction publique hospitalière, la limite d'âge qui lui est applicable est celle que ne peuvent pas dépasser les agents de la fonction publique hospitalière occupant les emplois classés dans la même catégorie que l'emploi qu'il occupe, à savoir : soit la catégorie A, dite " sédentaire ", soit la catégorie B, dite " active ", au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'arrêté du 12 novembre 1969 relatif au classement des emplois des agents des collectivités locales en catégories A et B que

les aides-soignants bénéficient du classement en catégorie B. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la seule limite d'âge qui puisse être appliquée à M. D..., aide-soignant

de la fonction publique hospitalière, est celle que ne peuvent pas dépasser les agents de la fonction publique hospitalière occupant un emploi classé en catégorie B dite " active ".

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 28 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " I.- Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d'âge était de soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l'entrée en vigueur de la présente loi et nés à compter du 1er janvier 1956, la limite d'âge est fixée à soixante-sept ans. / II. - Cette limite d'âge est fixée par décret dans la limite de l'âge mentionné au I pour les fonctionnaires atteignant avant le 1er janvier 2015 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite applicable antérieurement à la présente loi et, pour ceux atteignant cet âge entre le 1er juillet 2011

et le 31 décembre 2014, de manière croissante à raison : / 1° De quatre mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011 ; / 2° De cinq mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014. / (...) ". Aux termes du I de l'article 31 de la même loi : " I. - Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d'âge est inférieure à soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l'entrée en vigueur de la présente loi, la limite d'âge est fixée : / (...) / 5° A soixante-deux ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à soixante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1960 ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires dont elles sont issues, que le législateur a entendu régir l'ensemble des fonctionnaires de la catégorie A, dite " sédentaire ", par les dispositions de l'article 28,

et l'ensemble des fonctionnaires de la catégorie B, dite " active ", par les dispositions de l'article 31. Il résulte également des mêmes travaux préparatoires que, s'agissant des agents de la fonction publique hospitalière, le législateur a entendu fixer la nouvelle limite d'âge maximale applicable aux agents occupant un emploi de catégorie B, dite " active ", à soixante-deux ans.

9. Toutefois, aux termes de l'article 8 du décret du 30 décembre 2011 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat : " I.- Comme il est dit aux II des articles 28 et 31 de la loi du 9 novembre 2010 susvisée, les limites d'âge applicables aux agents nés avant les dates mentionnées aux I de ces mêmes articles sont fixées, à titre transitoire, pour ceux atteignant avant le 1er janvier 2015 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite qui leur était applicable avant l'entrée en vigueur de ladite loi, de manière croissante à raison : / 1° De quatre mois par génération pour

les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011 ; / (...). " Avant l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010, l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyait que la liquidation de la pension intervient lorsque le fonctionnaire civil a atteint l'âge de cinquante-cinq ans, s'il a accompli au moins quinze ans de services dans

des emplois classés dans la catégorie active. La situation de M. D..., qui avait atteint l'âge de cinquante-cinq ans le 19 septembre 2011 et occupait un emploi de la catégorie active

depuis le 1er août 1979, relevait ainsi des dispositions transitoires de l'article 8 du décret

du 30 décembre 2011. Par suite, la limite d'âge résultant de la combinaison de ces dispositions et du I de l'article 31 de la loi du 9 novembre 2010 était de soixante ans et quatre mois. Dès lors, le centre hospitalier Andrée Rosemon est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu une limite d'âge de soixante-sept ans pour annuler le refus de prolongation d'activité.

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif.

11. Par une décision du 12 septembre 2019, publiée le 13 décembre 2019 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Guyane n° R03-2019-247, le directeur du centre hospitalier Andrée Rosemon a donné délégation à Mme C... B..., directrice adjointe chargée des ressources humaines, à l'effet de signer toutes les décisions relevant de la gestion des carrières des agents titulaires et stagiaire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme B..., signataire de la décision du 18 octobre 2019 et de l'arrêté du 8 janvier 2020, doit être écarté.

12. La décision du 18 octobre 2019 et l'arrêté du 8 janvier 2020 visent les textes applicables. La première indique que des restrictions médicales font obstacles à une prolongation d'activité et le second que M. D..., qui exerce un emploi de la catégorie active, a atteint la limite d'âge de cette catégorie d'emploi. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, en tout état de cause, être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 12 mai 2021 doit être annulé, et que la demande présentée par M. D... devant le tribunal doit être rejetée.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y n'a pas lieu de mettre une somme à la charge de M. D... au titre des frais exposés par le centre hospitalier Andrée Rosemon. M. D..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 1901832 du 12 mai 2021

est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la décision du 18 octobre 2019 en tant qu'elle fixe

la date d'admission à la retraite.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif

de la Guyane est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Andrée Rosemon

et à M. E... D....

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente, rapporteure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La première assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente, rapporteure,

Anne A...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui

la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02440
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-30;21bx02440 ?
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