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30/06/2022 | FRANCE | N°20BX01597

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juin 2022, 20BX01597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... et Mme G... D... ont demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon a` leur verser chacune une somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elles ont subi du fait du décès de leur frère, M. A... C....

Dans la même instance, la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne (caisse RSI d'Auvergne), agissant pour le compte de la caisse RSI Antilles-Guyane, a demandé au tribunal d

e condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon à lui verser la somme de 84 219,51...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... et Mme G... D... ont demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon a` leur verser chacune une somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elles ont subi du fait du décès de leur frère, M. A... C....

Dans la même instance, la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne (caisse RSI d'Auvergne), agissant pour le compte de la caisse RSI Antilles-Guyane, a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon à lui verser la somme de 84 219,51 euros, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1701339 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de la Guyane a condamné le centre hospitalier Andrée Rosemon à verser à Mme F... et à Mme D... une somme de 3 000 euros chacune, et à la caisse RSI d'Auvergne les sommes

de 42 109,76 euros et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018 et de leur capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2020, le centre hospitalier Andrée Rosemon, représenté par Me Fabre, demande à la cour :

1°) à titre principal, de confirmer les sommes allouées à Mmes F... et D... et de rejeter les demandes de la caisse RSI d'Auvergne, et à titre subsidiaire de limiter sa condamnation au remboursement de 50 % de la créance de la caisse RSI d'Auvergne, correspondant aux frais d'hospitalisation à compter de la survenue de la complication

du 28 décembre 2012 ;

2°) de mettre à la charge de la caisse RSI d'Auvergne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- à titre principal, il ne lui appartient pas de prendre en charge la créance de la caisse RSI d'Auvergne pour la période du 9 décembre 2012 au 25 janvier 2013 car il y a lieu de tenir compte de la prise en charge normale et indispensable du cancer de stade IV dont le patient était atteint ; M. C... aurait été nécessairement hospitalisé pour la prise en charge de son cancer malgré le retard de diagnostic qui lui est reproché, et les experts n'ont pas relevé de prolongation de la durée d'hospitalisation du fait du retard qui lui est imputé ;

- à titre subsidiaire, seuls les frais liés à la durée d'hospitalisation de M. C...

à compter de la complication survenue le 29 décembre 2012 pourraient être mis à sa charge,

à hauteur de 50 % de leur montant compte tenu de la perte de chance retenue.

Par un mémoire enregistré le 17 août 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme venant aux droits de la caisse RSI d'Auvergne, représentée par Me Marcault-Derouard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre

à la charge du centre hospitalier Andrée Rosemon une somme de 3 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le retard de prise en charge du patient a eu un impact certain sur l'aggravation de son état de santé, ses chances de survie et sa durée d'hospitalisation ;

- elle a exposé, en raison de la prise en charge de M. C..., les sommes de 350 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques le 9 janvier 2013, de 37 377, 06 euros

au titre des frais d'hospitalisation du 9 décembre 2012 au 9 janvier 2013, et de 46 492, 45 euros au titre des frais d'hospitalisation du 10 au 25 janvier 2013, soit au total 84 219,51 euros ;

dans la mesure où ces frais sont la conséquence directe de la prise en charge tardive

de M. C... au centre hospitalier Andrée Rosemon, et compte-tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné le centre hospitalier à lui rembourser la somme de 42 109,76 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 décembre 2012, M. C..., âgé de 59 ans, a été hospitalisé dans l'unité des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne en raison d'une altération de son état général, accompagnée de poussées de fièvre et de frissons, dans le contexte d'un amaigrissement de 12 kg depuis un mois. Un scanner réalisé le 17 décembre 2012 a révélé la présence d'une tumeur colique transverse avec collection polylobée à la masse de la fosse iliaque droite, et le 19 décembre suivant, une rectoscopie a permis de confirmer le diagnostic de cancer du côlon. M. C... a été transféré le 21 décembre 2012 dans le service de chirurgie où l'intervention, réalisée le 27 décembre 2012, a consisté en une hémi-colectomie droite avec résection segmentaire d'une anse grêle adhérente à la tumeur et rétablissement de la continuité aux deux niveaux de la résection. Le 29 décembre 2012, le patient a présenté un choc septique avec détresse respiratoire. L'intervention réalisée le même jour a révélé une péritonite post-opératoire par lâchage de l'anastomose. Le 9 janvier 2013, le patient a été transféré à l'hôpital Louis Mourier de Colombes où il est décédé le 25 janvier suivant d'une défaillance poly-viscérale.

2. Par une ordonnance du 23 janvier 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par la mère et les sœurs de M. C..., a désigné un collège d'experts dont le rapport, remis le 11 avril 2015, a conclu que la précocité du lâchage de l'anastomose à la 36ème heure post-opératoire et la gravité de la péritonite étaient la conséquence directe d'un retard de prise en charge par l'hôpital, et que ce retard était la cause principale de l'évolution de l'état de santé du patient. Après avoir présenté une réclamation préalable restée sans réponse, Mme F... et Mme D..., sœurs de M. C..., ont demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon a` leur verser chacune une somme de 6 000 euros en réparation de leur préjudice moral, et la caisse RSI d'Auvergne a sollicité une somme de 84 219,51 euros au titre de ses débours. Par un jugement

du 12 mars 2020, le tribunal a estimé que compte tenu de l'état d'évolution du cancer, le retard de prise en charge avait seulement fait perdre à M. C... une chance de voir son espérance de vie prolongée, qu'il a évaluée à 50 %, et a condamné le centre hospitalier à verser

à Mme F... et Mme D... une somme de 3 000 euros chacune, et à la caisse RSI d'Auvergne une somme de 42 109,76 euros. Le centre hospitalier Andrée Rosemon relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il porte sur cette dernière condamnation. En appel, la CPAM du Puy-de-Dôme vient aux droits de la caisse RSI d'Auvergne.

3. Le centre hospitalier Andrée Rosemon ne conteste ni la faute, ni le taux de perte de chance de 50 % retenus par les premiers juges, mais seulement le lien de causalité entre le retard de prise en charge et les débours, dont l'imputabilité a été admise à hauteur de 84 219,51 euros pour le condamner à rembourser à la caisse 50 % de cette somme.

4. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. C..., atteint d'un cancer du côlon droit à un stade très avancé, justifiait son hospitalisation à partir du 9 décembre 2012, avec une prise en charge médicale incluant des actes d'investigation, des traitements et des soins, ainsi que l'intervention chirurgicale réalisée le 27 décembre 2012, à laquelle l'expert judiciaire indique qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique. Ainsi qu'il a été dit

au point 2, la péritonite et l'évolution ultérieure sont en lien avec ce retard, de sorte qu'à partir

du 29 décembre 2012, l'ensemble de la prise en charge est imputable à la faute, à hauteur de la perte de chance de 50 %. Ainsi, les frais d'hospitalisation du 10 au 25 janvier 2013

à l'hôpital Louis Mourier de Colombes (46 492,45 euros) et les frais de transport

du 9 janvier 2013 (350 euros) doivent être admis. En réponse à une mesure d'instruction, la caisse a détaillé devant la cour les frais d'hospitalisation au centre hospitalier Andrée Rosemon du 9 décembre 2012 au 9 janvier 2013. Seuls ceux du séjour dans le service de réanimation du 29 décembre 2012 au 9 janvier 2013, d'un montant de 17 076,74 euros, présentent un lien direct et certain avec les conséquences du retard de prise en charge. Par suite, la somme due par le centre hospitalier à la caisse doit être fixée à 31 959,60 euros (63 919,19 x 50 %) après application du taux de perte de chance.

5. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Andrée Rosemon est seulement fondé à demander que la somme qu'il a été condamné à verser à la caisse RSI d'Auvergne, aux droits de laquelle vient la CPAM du Puy-de-Dôme, soit ramenée de 42 109,76 euros

à 31 959,60 euros.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CPAM du Puy-de-Dôme une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. La caisse, qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation

d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Les conclusions des parties relatives aux dépens sont sans objet et ne peuvent

qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier Andrée Rosemon a été condamné à verser

à la caisse RSI d'Auvergne, aux droits de laquelle vient la CPAM du Puy-de-Dôme, est ramenée de 42 109,76 euros à 31 959,60 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 1701339 du 12 mars 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La CPAM du Puy-de-Dôme versera au centre hospitalier Andrée Rosemon

une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Andrée Rosemon, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente, rapporteure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La première assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente, rapporteure,

Anne B... La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX01597 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01597
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-30;20bx01597 ?
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