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30/06/2022 | FRANCE | N°20BX00426

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juin 2022, 20BX00426


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 26 juin 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier Esquirol a prononcé son licenciement au terme de son stage.

Par un jugement n° 1701214 du 5 décembre 2019, le tribunal a annulé cette décision pour erreur manifeste d'appréciation et a enjoint au directeur du centre hospitalier de réintégrer Mme C... dans ses fonctions à la date à laquelle elle a été licenciée et de procéder à sa titularisation à

la même date.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 26 juin 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier Esquirol a prononcé son licenciement au terme de son stage.

Par un jugement n° 1701214 du 5 décembre 2019, le tribunal a annulé cette décision pour erreur manifeste d'appréciation et a enjoint au directeur du centre hospitalier de réintégrer Mme C... dans ses fonctions à la date à laquelle elle a été licenciée et de procéder à sa titularisation à la même date.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2020 et un mémoire enregistré le 30 avril 2022, le centre hospitalier Esquirol, représenté par Me Vallar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titularisation en fin de stage n'a pas à être motivée ;

- une baisse de motivation et une insatisfaction professionnelle ont été constatées lors de l'évaluation du 28 avril 2016 ; selon l'évaluation réalisée le 31 mars 2017, le manque de motivation était persistant ; le rapport sur la manière de servir du 4 mai 2017 précise que Mme C... a commis une faute en s'absentant de l'unité de surveillante alors qu'une patiente présentait un problème infectieux particulièrement grave, et qu'elle a dit qu'elle n'était pas formée à ce type d'atteinte et n'avait pas de consignes ; ce rapport n'évoque pas l'exercice de missions d'infirmière, et Mme C... ne prouve pas qu'elle aurait assuré des actes techniques relevant de ces missions ; si le nursing relève des fonctions d'aide-soignante, une monitrice y participe pour évaluer le degré d'autonomie des résidents et développer cette autonomie, de sorte que Mme C... a manqué à sa mission de nursing en s'absentant de l'unité de surveillance ; il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire qu'il a tenu compte des absences de Mme C... pour adapter sa charge de travail et reporter la fin du stage ;

- la non-titularisation n'a pas été décidée seulement du fait d'un manque de motivation, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les tâches confiées à Mme C... selon sa fiche de poste relèvent des fonctions de moniteur-éducateur définies à l'article 3 du décret n° 2014-99 du 4 février 2014 ; en refusant d'intervenir auprès d'une patiente dans une unité d'isolement, en demandant à plusieurs reprises sa mutation, en refusant de faire des remplacements et d'aider le personnel, et en s'absentant sous couvert d'un arrêt pour maladie, Mme C... a fait preuve d'une incapacité à exercer les missions dévolues aux moniteurs-éducateurs par le

décret n° 2014-99 du 4 février 2014 ; c'est à tort que le tribunal a estimé que le manque de disponibilité n'était pas établi et que le directeur du centre hospitalier n'avait pas entendu se fonder sur le fait que Mme C... s'était absentée de l'unité de surveillance ; ainsi, la décision du 26 juin 2017 n'est entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2022, Mme C..., représentée par la SCP Deblois, Dancie, Bourra, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier Esquirol une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;

- le décret n° 2014-99 du 4 février 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Debril, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., aide médico-psychologique recrutée en 2010 à la maison d'accueil spécialisée (MAS) d'Isle relevant du centre hospitalier Esquirol de Limoges, sous contrat à durée déterminée puis à durée indéterminée, faisait fonction de monitrice-éducatrice. Elle a été admise le 2 mars 2016 à un concours sur titres de moniteur-éducateur et nommée en qualité de monitrice-éducatrice stagiaire à compter du 1er avril 2016. Par une décision du 26 juin 2017, le directeur du centre hospitalier Esquirol a prononcé son licenciement au terme de son stage. Le centre hospitalier relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges, saisi par Mme C..., a annulé cette décision pour erreur manifeste d'appréciation et lui a enjoint de réintégrer l'intéressée dans ses fonctions à la date à laquelle elle avait été licenciée et de procéder à sa titularisation à la même date.

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " Les agents stagiaires accomplissent les missions habituellement dévolues aux agents titulaires du corps dans lequel ils ont vocation à être titularisés, sous le contrôle et la responsabilité de leur hiérarchie directe. (...). " Aux termes de l'article 1er du décret du 4 février 2014 portant statut particulier du corps des moniteurs-éducateurs de la fonction publique hospitalière : " Les moniteurs-éducateurs constituent un corps de catégorie B de la fonction publique hospitalière, régi par la loi

du 9 janvier 1986 susvisée. Ils exercent leurs fonctions dans les établissements mentionnés à l'article 2 de cette même loi. " Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les moniteurs-éducateurs exercent leurs fonctions auprès d'enfants et d'adolescents handicapés, inadaptés ou en danger d'inadaptation. Ils apportent un soutien aux adultes handicapés, inadaptés, en risque d'inadaptation ou qui sont en difficulté d'insertion ou en situation de dépendance.

Ils participent à l'action éducative, à l'animation et à l'organisation de la vie quotidienne des personnes accueillies en liaison avec les autres personnels éducatifs et sociaux, notamment les professionnels de l'éducation spécialisée. / Ils mettent en œuvre le projet d'établissement, les projets sociaux et éducatifs et participent à l'élaboration du rapport d'activité du service social et du service éducatif. " Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Les candidats reçus au concours mentionné à l'article 4 sont nommés moniteurs-éducateurs stagiaires par l'autorité investie du pouvoir de nomination et accomplissent un stage d'une durée d'une année.

/ A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés. /

Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés à l'issue du stage peuvent être autorisés à accomplir un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. / Les agents qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas donné satisfaction sont (...) licenciés s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire (...). "

3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a effectué son stage dans " l'unité jaune " de la MAS, accueillant des personnes physiquement très dépendantes, où elle était affectée depuis mars 2015. Son évaluation du 28 avril 2016, selon laquelle elle " vit actuellement une baisse de motivation " et souhaiterait changer d'affectation en raison d'une " insatisfaction professionnelle " due à l'hétérogénéité des niveaux d'autonomisation des résidents de cette unité, qui se rapporte au bilan de l'année écoulée alors qu'elle était contractuelle, ne peut être utilement invoquée par le centre hospitalier Esquirol pour apprécier sa manière de servir dans le cadre du stage qui avait commencé le 1er avril 2016. En revanche, comme l'ont relevé les premiers juges, l'évaluation en cours de stage datée du 6 janvier 2017 a indiqué que Mme C... était respectueuse des résidents, soucieuse d'apporter une aide éducative au groupe et s'inscrivait dans un " projet d'unité ", et a attribué des notes de 4 ou 5 sur 5 à chacun des items relatifs à sa manière de servir. Du 7 mars au 15 mai 2017, Mme C... a été placée en congé de maladie en raison d'un état d'épuisement physique et psychologique constaté le 16 mars 2017 par le médecin du travail, lequel a conclu le 12 mai 2017 à l'absence de contre-indication médicale à une reprise des fonctions de monitrice-éducatrice à la MAS. Mme C... a indiqué dans ses écritures de première instance, sans être contredite par le centre hospitalier, que le 15 mai 2017, jour de sa reprise du travail, la directrice de la MAS lui a demandé pourquoi elle était revenue aussi vite et a repositionné ses congés, de sorte qu'elle n'a repris ses fonctions que le 10 juin. Le rapport sur la manière de servir, rédigé le 4 mai 2017 par la directrice adjointe de la MAS, se conclut par une demande une prolongation du stage alors que l'intéressée était en congé de maladie depuis près de deux mois, mentionne la " baisse de motivation " relevée lors de l'évaluation du 28 avril 2016, et reproche à Mme C... de ne pas s'être ressaisie et d'avoir continué à exprimer son insatisfaction auprès de sa hiérarchie, notamment le 20 février 2017 lorsqu'elle a rencontré la directrice et la directrice adjointe pour leur faire part de la dégradation de son état de santé et de ce qu'elle serait " sûrement arrêtée ". Ces éléments caractérisent une souffrance au travail documentée par ailleurs, et non une inaptitude ou une insuffisance dans la manière de servir en qualité de monitrice-éducatrice. Les répercussions d'une " vision négative " sur la " dynamique de l'unité " mentionnées dans le rapport ne sont corroborées par aucune pièce. L'incident du 31 janvier 2017 invoqué dans le même rapport, selon lequel Mme C... et sa collègue se seraient absentées de l'unité pour aller voir le médecin au sujet du protocole d'isolement d'une résidente présentant un problème infectieux, n'est pas rapporté avec une précision suffisante pour caractériser un manquement susceptible de faire obstacle à la titularisation. Enfin, si le rapport du 4 mai 2017 affirme que l'intéressée ne fait preuve d'aucune disponibilité en ce qui concerne les remplacements ou l'entraide du personnel et " exprime le fait qu'elle privilégie sa vie personnelle avant sa vie professionnelle ", aucune pièce n'établit la réalité d'un tel comportement, alors que Mme C... a précisé sans être contredite, dans ses écritures de première instance, qu'elle avait seulement refusé une demande verbale de travailler en journée continue en l'absence de possibilité de faire garder son jeune enfant. Il ressort des pièces du dossier que la démotivation reprochée à Mme C... était due aux soins de nursing devenus prépondérants dans sa charge de travail. Le centre hospitalier Esquirol

ne peut sérieusement soutenir que ces soins, normalement confiés aux aides-soignants et non mentionnés sur la fiche de poste de Mme C..., auraient relevé de la participation à l'action éducative incombant à une monitrice-éducatrice en vertu de l'article 3 du décret

du 4 février 2014. Par suite, et alors qu'il n'émet aucune critique sur l'exercice des fonctions de monitrice-éducatrice au cours de la période de stage, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé pour erreur manifeste d'appréciation la décision du 26 juin 2017, et lui a enjoint de réintégrer Mme C... dans ses fonctions à la date à laquelle elle a été licenciée et de procéder à sa titularisation à la même date.

5. Le centre hospitalier Esquirol, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier Esquirol est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier Esquirol versera à Mme C... une somme de 1 500 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Esquirol et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente, rapporteure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La première assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente, rapporteure,

Anne A...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00426
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : VALLAR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-30;20bx00426 ?
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