Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme I... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1602664 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 18BX03707 du 3 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.
Par une décision n° 447962 du 3 mars 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2018, et des mémoires enregistrés le 3 mai 2019, le 14 septembre 2020, le 11 avril 2022 et le 25 avril 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Echard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que eu égard à la nature des travaux réalisés dans leur bien immobilier, ils sont en droit de bénéficier de la déduction du coût de ces travaux de leurs revenus fonciers en application de l'article 31-I-1 b) du code général des impôts ; en effet, le corps de bâtiment concerné par les travaux comporte deux bâtiments distincts et seul l'un d'entre eux, situé sur la parcelle C 487, a été concerné par les travaux ; en outre, les travaux réalisés n'ont pas conduit à augmenter la surface habitable du bâtiment et c'est à tort qu'a été retenue la qualification de travaux d'agrandissement et de reconstruction.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 avril 2019, le 1er septembre 2020, le 7 avril 2022 et le 19 avril 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'une partie des conclusions est irrecevable et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 14 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... F...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rochefort, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont réalisé des travaux pour un montant total de 114 617 euros sur une dépendance dont ils sont propriétaires située sur la commune de Verrie (Maine-et-Loire) désignée dans l'acte d'acquisition établi le 3 juillet 2009, comme " un autre corps de bâtiment situé à côté de la maison d'habitation ". Estimant que les travaux exécutés avaient abouti à la création de nouveaux locaux d'habitation et à une modification importante du gros-œuvre, le service vérificateur a procédé, à la suite d'un examen de la situation fiscale personnelle de ce foyer, à la réintégration au titre des années 2012 à 2014, de la somme globale de 100 904 euros correspondant au montant des travaux déduits, soit 114 617 euros, diminué d'une somme de 13 713 euros au titre de dépenses de ravalement déductibles. Le tribunal administratif de Poitiers, après avoir analysé leur demande comme tendant seulement à obtenir la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 pour un montant de 49 363 euros - en réalité 49 410 euros -, a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions. Par un arrêt du 3 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement. Par une décision n° 447962 du 3 mars 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. (...) ".
3. Il est constant que la réclamation préalable des requérants ne visait pas les rectifications résultant de leur contrôle fiscal portant sur le rejet de la déduction de leurs taxes d'enlèvement des ordures ménagères et de leurs taxes foncières pour la détermination des revenus fonciers 2012, 2013 et 2014. Toutefois, dans le dernier état de leurs écritures, les requérants se bornent à demander la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à leur charge à hauteur de la somme de 49 410 euros correspondant à la remise en cause du montant des travaux déduits de leurs revenus fonciers. Il suit de là que la fin de non-recevoir du Ministre doit être rejetée.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) / 2° Pour les propriétés rurales : / a) Les dépenses énumérées aux a à e du 1° (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.
5. D'une part, si, ainsi que le soutiennent les requérants, l'acte de vente notarié du bâtiment concerné par les travaux semble imprécis en ce qu'il fait mention de 4 pièces en rez-de-chaussée et un grenier " au-dessus " alors qu'en réalité cette description couvre deux bâtiments distincts contigus édifiés sur les parcelles C 486 et C 487, le bâtiment situé sur la parcelle C 487, objet des travaux en litige, n'en comportait pas moins, à l'origine, deux pièces en rez-de-chaussée d'une surface habitable de 27 m² ainsi qu'en atteste une déclaration H1 dont il n'est pas établi qu'elle est entachée d'une erreur. L'acte de vente ne mentionne d'ailleurs pas l'existence de chambres à l'étage de ce bâtiment. En outre, il ressort d'une autre déclaration H1 signée en décembre 2014, par un expert-géomètre, que la surface de ce bâtiment est passée, après la réalisation des travaux, à 70 m² sur deux niveaux. Cette augmentation de la surface habitable du bâtiment résulte, encore, de la facture émise par la société Leny faisant état de la pose d'une chape de béton à l'étage d'une surface de 30 m² ainsi que de la facture de l'entreprise " Les escaliers thouarsais " concernant la pose d'un escalier sans aucune mention, ni dans ce document, ni dans un document distinct, de l'enlèvement d'un ancien escalier permettant l'accès à des pièces habitables de l'étage. A cet égard, si le procès-verbal de constat d'huissier établi le 11 octobre 2018 confirme la nouvelle surface habitable et en particulier l'existence d'un étage aménagé avec deux chambres, un WC, une salle d'eau et un dégagement, il ne permet pas de considérer que l'étage était déjà aménagé en surface habitable avant les travaux. Il en va de même de l'attestation de M. H... du 24 décembre 2015 qui se borne à indiquer qu'il a supprimé un escalier. Les photographies produites par les requérants qui ne montrent que l'extérieur du bâtiment avant la réalisation des travaux n'infirment pas ces constatations. Il suit de là que les travaux de transformation du grenier en chambres d'habitations ont abouti à une augmentation de la surface habitable. Ces travaux d'agrandissement ne sont pas déductibles des revenus fonciers des requérants.
6. D'autre part, il résulte également de l'instruction et en particulier des factures produites, que les travaux de ravalement de la façade, de remplacement des huisseries extérieures, de modification partielle de la toiture et d'isolation des cloisons existantes ainsi que les travaux d'installation électrique, d'alimentation en eau et de plomberie réalisés au rez-de-chaussée du bâtiment, n'ont pas affecté de manière importante le gros œuvre de la maisonnette et sont fonctionnellement et techniquement indépendants des travaux entrepris pour la transformation du grenier en surface habitable. Ils ont donc généré, après prise en compte, le cas échéant, des remises des prestataires, des charges foncières TTC déductibles des revenus fonciers des requérants. Compte tenu du libellé des factures produites, sont déductibles, en ce qu'ils sont insusceptibles d'être rattachés aux travaux mentionnés au point 5 du présent arrêt qui sont pour leur part non déductibles, les travaux de menuiserie effectués par la société M2GB à hauteur de 7 119,69 euros TTC mentionnés dans la facture n° F1207178 du 31 juillet 2012, les travaux d'électricité et d'installation de sanitaire et de chauffage électrique effectués par la SARL Ides à hauteur de respectivement 292,92 euros TTC et 8 376,10 euros TTC mentionnés dans les factures n° 1644 du 30 novembre 2012 et n° 1649 du 6 décembre 2012, les travaux effectués par la société charpente Thouarsaise à hauteur de 666,99 euros euros TTC mentionnés dans la facture n° 2012/07/00643 du 20 juillet 2012, les travaux de ravalement effectués par la société Raval'Ouest à hauteur respectivement de 2 862,69 euros TTC, 6 073,06 euros TTC, 4 019,06 euros TTC, 7 162,71 euros TTC et 3 071,33 euros TTC mentionnés dans les factures n° 12/FG057 du 23 août 2012, n° 12/FG053 du 23 août 2012, n° 12/FG056 du 23 août 2012, n° 12/FG055 du 23 août 2012 et n° 12/FG054 du 23 août 2012, les travaux de cloisonnement effectués par M. D... A... à hauteur de respectivement 131,56 euros TTC et 4 448,13 euros TTC mentionnés dans les factures n° 2012-10-03 du 14 octobre 2012 et n° 2012-09-02 du 9 septembre 2012, les travaux de couverture effectués par l'EURL Richard Mary à hauteur de 2 738,82 euros TTC mentionnés dans la facture n° 000003510 du 26 avril 2012, les travaux de carrelage et faïence effectués par la société Leny à hauteur de 4 448,13 euros TTC mentionnés dans la facture n° 2013/041 du 20 octobre 2012, les travaux de rénovation effectués par la SARL H... à hauteur de 10 899,68 euros TTC mentionnés dans la facture n° 120506 du 29 mai 2012, les travaux de rénovation effectués par la société Côté Cuisines à hauteur de 5 755 euros TTC mentionnés dans la facture n° 212122 du 31 octobre 2012 , les travaux de raccordement effectués par la société Manu TP à hauteur de 5 765,92 euros TTC mentionnés dans la facture n° FA00705 du 15 novembre 2012, les travaux de contrôle de réalisation des travaux réalisés par la société Saumur à hauteur de 120 euros TTC mentionnés dans la facture n° SP2012-70 6824 du 7 décembre 2012 et les prestations de maîtrise d'œuvre effectuée par M. G... C... à hauteur de respectivement 50 % de 5 085,99 euros TTC, 1 695,33 euros TTC, 1 977,89 euros TTC, 1 977,89 euros TTC et 565,11 euros TTC mentionnés dans les factures n° 5/04-12/1 du 18 avril 2012, n° 6/06-12/2 du 1er juin 2012, n° 11/07-12/3 du 25 juillet 2012, n° 15/10-12/4 du 15 octobre 2012 et n° 19/12-12/5 du 7 décembre 2012, soit 5 651,11 TTC, soit un montant total de 79 572,90 euros TTC.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a intégralement rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012, 2013 et 2014 et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.
Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :
8. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ".
9. En l'absence, tant devant le tribunal administratif qu'en appel, de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au contribuable au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions des requérants tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par M. et Mme B... et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à leur profit en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à M. et Mme B... la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 correspondant à la remise en cause de la déduction des charges résultant de travaux déductibles d'un montant de 79 572,90 euros en 2012.
Article 2 : Le jugement n° 1602664 du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. et Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
Le rapporteur,
Nicolas F... La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00761