Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a retiré sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2102789 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Billand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- il méconnait les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2021.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle précise qu'elle confirme les termes de son mémoire transmis en première instance.
M. A... a produit un mémoire qui a été enregistré le 10 mai 2022, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Billand, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D... A..., ressortissant sénégalais né le 29 décembre 1988, a déclaré être entré en France en avril 2013. Le 24 août 2015, il a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Il a ensuite bénéficié d'une carte de séjour temporaire, en qualité de conjoint de français, valable du 18 novembre 2020 au 17 novembre 2021. Le 31 mars 2021, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois dont douze avec sursis probatoire pour des faits de violence suivis d'incapacité supérieure à huit jours par une personne étant ou ayant été le conjoint. Il a été incarcéré au centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan le 30 mars 2021. Par un arrêté du 31 mai 2021, la préfète de la Gironde lui a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné une première fois, le 21 novembre 2017, à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis pour des faits de violation de domicile. Le 25 mars 2021, M. A... s'est rendu coupable de violences ayant entrainé une incapacité totale de travail de dix jours sur son épouse, ressortissante française avec laquelle il était marié depuis le 7 décembre 2019, et pour lesquelles il a été condamné à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois dont douze avec sursis probatoire. Dans ces conditions, au regard de la nature, de la gravité et du caractère récent de ces faits de violences, la préfète a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, considérer que la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que le tribunal correctionnel a prononcé un sursis partiel à l'exécution de la peine ainsi que des mesures d'accompagnement pour favoriser l'amendement de l'intéressé et son insertion ou sa réinsertion. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 5° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est le père ou la mère d'un enfant français mineur résidant en France à condition qu'il établisse contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'un enfant français, né le 15 février 2021. Toutefois, M. A..., qui a été incarcéré un mois et demi après la naissance de son enfant, est séparé de la mère de l'enfant, avec laquelle il lui est interdit d'avoir des contacts en raison des violences qu'il a exercées à son encontre, et ne vit pas avec son fils. Par ailleurs, les documents qu'il produit, à savoir un ticket de caisse du 23 septembre 2021, une attestation de la directrice du service judiciaire d'investigation éducative du 29 septembre 2021 qui se borne à indiquer que M. A... s'est bien présenté au rendez-vous qui lui avait été fixé, des virements des 3 septembre 2021 et 15 novembre 2021 vers la caisse des règlements pécuniaires des avocats au titre de la pension alimentaire due à la mère de l'enfant, ne permettent pas, à eux seuls, de justifier sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Au demeurant ces documents, tout comme ceux produits après la clôture de l'instruction, concernent des faits postérieurs à la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Compte tenu de la situation de M. A... ainsi qu'elle a été exposée précédemment, notamment de sa séparation avec son épouse et de l'absence de lien avec son enfant, et dès lors qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans et où résident ses parents et l'ensemble de sa fratrie, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du retrait du titre de séjour et aux buts poursuivis par la mesure d'éloignement et par la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, les moyens invoqués par M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir du contrat conclu avec une entreprise de réinsertion pour un emploi de manutentionnaire signé le 27 septembre 2021, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste qui aurait été commise par la préfète dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle, doivent être écartés.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Selon les stipulations de l'article 16 de la même convention : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ".
9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... ne justifie pas de l'existence de liens d'une intensité particulière avec son enfant. Dans ces conditions, les décisions contenues dans l'arrêté contesté ne peuvent être regardées comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de son enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.
La présidente-rapporteure,
Marianne B...La présidente-assesseure,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX04248 2