La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°20BX04102

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 09 juin 2022, 20BX04102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Synerg'i a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération le Grand Périgueux a subdélégué au conseil municipal de la commune de Champcevinel l'exercice du droit de préemption, d'annuler la lettre du même jour par laquelle le maire de Champcevinel a déclaré vouloir exercer ce droit de préemption sur un terrain cadastré AZ 209 situé au lieu-dit Les Vignes et d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 par

lequel le maire a décidé d'acquérir ce terrain par voie de préemption.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Synerg'i a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération le Grand Périgueux a subdélégué au conseil municipal de la commune de Champcevinel l'exercice du droit de préemption, d'annuler la lettre du même jour par laquelle le maire de Champcevinel a déclaré vouloir exercer ce droit de préemption sur un terrain cadastré AZ 209 situé au lieu-dit Les Vignes et d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le maire a décidé d'acquérir ce terrain par voie de préemption.

Par un jugement n° 1900223 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 22 janvier 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de la SAS Synerg'i.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020, et un mémoire enregistré le 6 mai 2022, la commune de Champcevinel, représentée par Me Ruffié, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 octobre 2020 en tant qu'il a annulé l'arrêté de son maire du 22 janvier 2018 ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Synerg'i la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours dirigé contre la décision de préemption était irrecevable car présenté pour la première fois dans ses écritures devant le tribunal le 21 janvier 2020 et donc tardivement y compris eu égard à la jurisprudence Czabaj ;

- la décision de préemption n'avait pas à être motivée davantage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2021, la société Synerg'i, représentée par Me Cazin, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision de préemption est devenue caduque et qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Ruffié, représentant la commune de Champcevinel, et de Me Cazin, représentant la SAS Synerg'i.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 février 2014, la SAS Synerg'i a formulé une offre d'achat, à hauteur de 50 000 euros, d'un terrain cadastré AZ 209 situé au lieu-dit Les Vignes, sur le territoire de la commune de Champcevinel, appartenant à la société Résidence des Vignes. Par une ordonnance du 4 juin 2014 du juge commissaire, le liquidateur a été autorisé à accepter cette offre d'achat. Une déclaration d'intention d'aliéner a été adressée le 15 décembre 2017 à la commune de Champcevinel, laquelle a décidé de préempter la parcelle par une décision du 22 janvier 2018, après qu'elle ait obtenu du président de la communauté d'agglomération " le Grand Périgueux " une subdélégation du droit de préemption urbain par un arrêté du 17 janvier 2018. La SAS Synerg'i a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 17 janvier 2018, de la lettre du même jour par laquelle le maire de Champcevinel l'a informée de son intention d'exercer son droit de préemption pour l'acquisition de ce terrain et enfin de l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le maire a exercé ce droit. Le tribunal administratif de Bordeaux a seulement annulé l'arrêté du 22 janvier 2018 et a rejeté le surplus des demandes. La commune de Champcevinel relève appel de ce jugement du 21 octobre 2020 en tant qu'il a annulé la décision du 22 janvier 2018.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Aux termes de l'article L. 213-14 du code de l'urbanisme : " En cas d'acquisition d'un bien par voie de préemption ou dans les conditions définies à l'article L. 211-5, le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l'acte authentique. / Le prix d'acquisition est payé ou, en cas d'obstacle au paiement, consigné dans les quatre mois qui suivent soit la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d'expropriation, soit la date de l'acte ou du jugement d'adjudication. / En cas de non-respect du délai prévu au deuxième alinéa du présent article, le vendeur peut aliéner librement son bien ".

3. Il résulte de ces dispositions que la méconnaissance du délai de quatre mois prévu pour payer ou consigner le prix d'acquisition entraîne la caducité de la décision de préemption, et le vendeur demeure libre de l'aliéner. En l'espèce, la société Synerg'i fait valoir qu'à défaut de paiement ou de consignation, la décision de préemption est devenue caduque. Toutefois, à supposer qu'une caducité soit intervenue, la décision contestée a produit des effets, notamment en faisant temporairement obstacle à la vente du bien en cause, et dès lors le litige n'a pas perdu son objet. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande :

4. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " (...) Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien (...) ". Selon l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. En l'espèce, il n'est pas contesté que, si la commune de Champcevinel a informé la société Synerg'i de son projet de préempter le terrain en cause par un courrier du 17 janvier 2018, elle ne lui a pas notifié l'arrêté du maire décidant d'exercer le droit de préemption, intervenu postérieurement le 22 janvier 2018, alors que la société Synerg'i s'était portée acquéreur du terrain en cause et que son nom figurait dans la déclaration d'intention d'aliéner.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, que le courrier du 26 mars 2018 adressé à la commune de Champcevinel par la société Synerg'i, qui se borne à manifester un mécontentement et à demander à la commune de revenir sur son intention d'exercer son droit de préemption, ne vise pas une décision en particulier et ne fait pas référence à l'arrêté du 22 janvier 2018. Par suite, ce courrier, qui ne peut être regardé comme étant un recours gracieux dirigé contre l'arrêté du maire du 22 janvier 2018, ne saurait avoir eu pour effet de manifester la connaissance acquise de cet arrêté par la société Synerg'i.

7. En deuxième lieu, la circonstance que l'arrêté du 22 janvier 2018 a été joint au mémoire en défense présenté pour la commune de Champcevinel, lequel a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 15 octobre 2019 et a été communiqué à la même date à l'avocat de la société Synerg'i, ne saurait tenir lieu de la notification exigée par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme et n'a donc pas été de nature à faire courir à son égard le délai du recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune, les conclusions de la société Synerg'i tendant à l'annulation de cet arrêté, présentées dans un mémoire enregistré le 21 janvier 2020 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, n'étaient pas tardives.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des mentions figurant sur la déclaration d'intention d'aliéner, que le notaire qui a signé cette déclaration aurait eu la qualité de mandataire de la société Synerg'i. Dès lors, la notification de l'arrêté du 22 janvier 2018 à ce notaire n'a pas d'avantage fait courir le délai de recours contentieux à l'égard de l'acquéreur évincé.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Champcevinel n'est pas fondée à soutenir que la demande de la société Synerg'i, tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2018 présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux était tardive et donc irrecevable.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 janvier 2018 :

10. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...)Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération (...) ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. Lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en œuvre de ce programme, et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe.

11. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le maire a décidé d'exercer le droit de préemption pour satisfaire " les besoins futurs en logements sociaux conformément à l'article 55 de la loi SRU ". Toutefois, à défaut d'autre précision et, notamment, de toute référence à une opération en cours ou envisagée, cette motivation n'est pas conforme aux exigences de l'article L. 210-1 précité du code de l'urbanisme. Par suite, c'est à bon droit, que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 22 janvier 2018 pour ce motif.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Champcevinel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire du 22 janvier 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Synerg'i, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Champcevinel au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Champcevinel la somme de 1 500 euros qu'elle versera à la société Synerg'i sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Champcevinel est rejetée.

Article 2 : La commune de Champcevinel versera la somme de 1 500 euros à la société Synerg'i au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Champcevinel, à la société Synerg'i et à la communauté d'agglomération le Grand Périgueux.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Fabienne B... La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX04102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04102
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-09;20bx04102 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award