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09/06/2022 | FRANCE | N°20BX00381

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 juin 2022, 20BX00381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils mineur A... D..., a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser les sommes de 36 397,72 euros au titre des préjudices subis par son fils et de 28 278,58 euros au titre de ses préjudices propres.

Par un jugement n° 1800516 du 6 décembre 2019, le tribunal

a rejeté la demande

et a mis à la charge de Mme D... les frais d'expertise d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils mineur A... D..., a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser les sommes de 36 397,72 euros au titre des préjudices subis par son fils et de 28 278,58 euros au titre de ses préjudices propres.

Par un jugement n° 1800516 du 6 décembre 2019, le tribunal a rejeté la demande

et a mis à la charge de Mme D... les frais d'expertise d'un montant de 1 635,56 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2020 et des mémoires enregistrés

le 24 octobre 2020, 7 octobre 2021 et 5 mars 2022, M. D... devenu majeur

et Mme D..., représentés par la SELARLU Tanger Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'ONIAM à verser les sommes de 21 985,72 euros à M. D...

et de 28 272,58 euros à Mme D... ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Martinique à verser la somme

de 5 000 euros à M. D... au titre du préjudice d'impréparation ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise de 1 635,56 euros,

ainsi qu'une somme de 35 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'expert a retenu un risque de 7,5 % de paralysie du nerf sciatique dans la chirurgie d'une fracture du cotyle en se fondant sur un article publié en 1991, alors que cet article mentionne un taux de 6 % avec une récupération totale sur 3 ans dans 2 cas sur 3, c'est-à-dire que la paralysie définitive ne survient que dans 2 % des cas ; un article de 1999 fait état d'un risque de 3,3 % ; en 2017, l'étude d'une série de 414 patients a constaté la survenue de complications neurologiques en post-opératoire dans 3,2 % des cas sans distinction entre la paralysie transitoire ou définitive, de sorte que le taux de paralysie définitive du nerf sciatique et nécessairement très inférieur ; l'ONIAM ne produit pas l'article dont il présente une citation tronquée et ne démontre ni le lien qu'il invoque entre le surpoids et la paralysie du nerf sciatique, ni l'existence d'une fragilité du nerf sciatique ; c'est ainsi à tort que le tribunal a jugé

que le dommage ne présentait pas le caractère d'anormalité ouvrant droit à une indemnisation par l'ONIAM ;

- le seuil de gravité prévu à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est atteint dès lors que l'expert a évalué à 25 % le déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident médical ;

- Mme D..., qui avait souscrit une assurance, a conclu le 25 août 2018 une transaction d'un montant total de 273 537,41 euros pour le compte de son fils, portant sur le déficit fonctionnel permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique permanent,

le préjudice d'agrément, l'assistance par une tierce personne à partir du 2 décembre 2016

et les frais d'aménagement du domicile ;

En ce qui concerne les préjudices de M. D... :

- l'accident médical a été à l'origine d'un déficit fonctionnel temporaire de 100 %

du 1er septembre au 17 décembre 2015 et de 50 % du 18 décembre 2015 au 1er décembre 2016, date de consolidation ; il est demandé 5 023,72 euros sur la base de 500 euros par mois de déficit total ;

- le préjudice esthétique temporaire évalué à 2 sur 7 correspond à la traction de la jambe, aux nombreux pansements, au port d'une orthèse et au déplacement en fauteuil roulant, puis avec deux cannes anglaises au moment du retour à l'école en septembre 2016 ; une somme de 7 000 euros est sollicitée à ce titre ;

- l'assistance par une tierce personne durant 2 heures par jour du 18 décembre 2015

au 1er décembre 2016 doit être évaluée à 10 500 euros sur la base d'un taux horaire de 15 euros ; compte tenu de la perception de 9 413 euros au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, il est demandé 1 087 euros ;

- la scolarisation a repris en 2016-2017 dans une école privée dont la directrice a accepté de mettre en place une organisation adaptée au handicap ; les frais de scolarité se sont élevés à 1 597 euros, et Mme D... a exposé 288 euros de cours de remise à niveau durant les vacances scolaires de juillet et août 2017; en outre, l'accident médical est à l'origine de la perte d'une année de scolarité et du renoncement au projet de devenir cuisinier ; ce dernier préjudice doit être évalué à 7 000 euros ;

- il appartenait au praticien du centre hospitalier d'énumérer l'ensemble des risques, y compris le risque de paralysie du nerf sciatique, alors même que l'enfant ne pouvait pas se soustraire à l'intervention ; ce défaut d'information est à l'origine d'un préjudice d'impréparation dont la réparation est demandée à hauteur de 5 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices de Mme D... :

- il est demandé 15 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- Mme D..., qui avait retrouvé après une période de chômage un emploi de serveuse sous contrat à durée déterminée du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, n'a pas pu travailler en juin 2015 du fait des conséquences de l'accident aggravées par l'accident médical, soit une perte de revenus de 324,56 euros ; du fait de ses absences, elle n'a pas obtenu

le renouvellement de son contrat qui devait passer à 35 heures par semaine à compter

du 1er octobre 2015, et n'a bénéficié d'un nouveau contrat que du 1er décembre 2017

au 30 avril 2018 ; la perte de chance de bénéficier d'un contrat à durée déterminée rémunéré

à 1 079 euros nets par mois du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 doit être évaluée

à 100 % ; les pertes de revenus s'élèvent ainsi au total à 13 272,58 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 juin 2020 et le 16 décembre 2021, l'ONIAM, représenté par le SELARL de la Grange et Fitoussi, conclut à titre principal au rejet de la requête, et à titre subsidiaire au rejet des demandes de Mme D... et à la réduction des demandes de M. D... à de plus justes proportions.

Il fait valoir que :

- comme l'a jugé le tribunal, les conséquences de l'intervention du 8 juin 2015 ne peuvent être regardées comme notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement ; l'expert a retenu une prévalence de la complication de 7,5 %, et selon un article de 2009, elle serait d'environ 5 % à 15 % dans ce type d'intervention ; le risque était en l'espèce majoré, d'une part, du fait de la fragilité des racines du nerf sciatique dès lors qu'après la première intervention " une légère paresthésie L5-S1 a été constatée ", et d'autre part en raison du surpoids du patient ; l'étude relative à 414 patients ayant subi une fracture du cotyle dont se prévaut Mme D... évoque un risque de lésions nerveuses de 9 % et ne chiffre pas les lésions neurologiques à 1,7 %, mais conclut au contraire que les taux de complications sont similaires à une autre étude de référence qui avait

retenu 7,8 % de lésions neurologiques ; ainsi, le dommage ne peut être regardé comme anormal ;

A titre subsidiaire :

- le préjudice d'impréparation relève de la responsabilité de l'hôpital ;

- en ce qui concerne les préjudices de M. D..., l'indemnisation ne saurait

excéder 4 525,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 500 euros au titre du

préjudice esthétique temporaire et 6 700 euros au titre de la perte d'une année scolaire ;

la demande relative à l'assistance par une tierce personne doit être rejetée en l'absence de toute pièce relative aux sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation ; la scolarisation dans un établissement privé et les cours particuliers relèvent de choix personnel dont le lien avec l'accident médical n'est pas établi ;

- les demandes relatives aux préjudices de Mme D... sont irrecevables dès lors que les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne permettent pas l'indemnisation des victimes par ricochet d'un accident médical ;

- Mme D... ne démontre pas avoir exposé des frais pour l'assistance aux opérations d'expertise.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 octobre et 15 décembre 2021 et

le 11 mars 2022, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique, représenté par la SELARL Fabre et Associées, conclut au rejet de toute demande dirigée à son encontre et demande à la cour de mettre à la charge des consorts D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de condamnation du CHU à la réparation d'un préjudice d'impréparation est nouvelle en appel et doit être rejetée pour tardiveté ;

- l'accident médical non fautif n'engage pas sa responsabilité ;

- l'expert a indiqué qu'il existait un contexte d'urgence et qu'il n'était pas possible de surseoir à l'intervention, de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue à raison d'un éventuel défaut d'information.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rousseau pour le centre hospitalier universitaire

de Martinique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er juin 2015, le jeune A... D..., alors âgé de onze ans, a été victime d'un croche-pied d'un camarade à la sortie du collège. Il est tombé lourdement sur le genou droit et a présenté un traumatisme du bassin et une fracture-luxation postérieure de la tête fémorale associée à une fracture de la corne postérieure du cotyle à grand déplacement. Il a été pris en charge au CHU de Martinique, où une ostéosynthèse de l'extrémité proximale du fémur et une immobilisation par traction collée à 3 kg ont été réalisées le lendemain, en visioconférence avec le centre hospitalier Trousseau de Paris. Les radiographies de contrôle ayant montré une récidive de la luxation, une nouvelle réduction a été réalisée dans les mêmes conditions le 8 juin 2015, avec la mise en place d'une traction transfémorale à 8 kg. Une parésie massive du nerf sciatique apparue au décours de cette seconde intervention a entraîné une paralysie des releveurs du pied droit à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent de 25 %.

2. Mme D... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique d'une demande d'expertise à laquelle il a été fait droit par une ordonnance n° 1600180

du 16 décembre 2016. L'expert a conclu que la fracture particulièrement grave et complexe avait été prise en charge dans les règles de l'art, et que le déficit du nerf sciatique, dû à son étirement lors de la manœuvre de réduction du 8 juin 2015, constituait un accident médical non fautif. Mme D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils mineur, a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande de condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices en lien avec cet accident médical. Elle relève appel du jugement du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande, et sollicite en outre l'indemnisation d'un préjudice d'impréparation par le CHU de Martinique. M. A... D..., devenu majeur le 24 octobre 2021, a repris l'instance en ce qui le concerne.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Martinique :

3. Mme D... n'a demandé en première instance que la condamnation de l'ONIAM à réparer les conséquences dommageables de l'accident médical non fautif. La demande de condamnation du CHU de Martinique à indemniser un préjudice d'impréparation sur le fondement d'un défaut d'information est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable.

Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale :

4. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (...). " Ainsi qu'il a été dit au point 1,

le déficit fonctionnel permanent en lien avec l'accident médical est en l'espèce de 25 %.

5. Au sens des dispositions citées au point précédent, la condition d'anormalité du dommage doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage. Une probabilité de survenance du dommage qui n'est pas inférieure ou égale à 5 % ne présente pas le caractère d'une probabilité faible, de nature à justifier la mise en œuvre de la solidarité nationale.

6. Il résulte de l'instruction que la récidive de la luxation de la tête fémorale nécessitait la réalisation de l'intervention du 8 juin 2015 sans laquelle, selon l'expert, " le résultat aurait été beaucoup plus catastrophique ". Ainsi, les conséquences de la parésie du nerf sciatique ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

7. L'expert a qualifié la lésion du nerf sciatique de " relativement fréquente " en

se fondant sur une étude publiée en 1991, faisant état de 7,5 % de paralysies sciatiques postopératoires sur 426 interventions réalisées avant 1980, en précisant que ce taux est " tombé

à 6 % " depuis l'utilisation de la traction transcondylienne et qu'il était de 18 % auparavant. Les requérants produisent un article de 1999 actualisant les connaissances sur la fracture du cotyle et indiquant que le taux de lésions du nerf sciatique " est ensuite tombé à 3,3 %, préfigurant

les résultats de la littérature récente ", avec quatre références bibliographiques. Si l'article

de 2009 produit par l'ONIAM fait état d'une prévalence de ces lésions de 5 % à 15 %

en péri- ou post-opératoire, les trois références bibliographiques citées ne sont pas produites, et l'une d'elles renvoie aux travaux anciens de l'auteur de l'étude de 1991. Dans ces circonstances, la probabilité de survenue du dommage en 2015 doit être regardée comme inférieure ou égale

à 5 %. L'ONIAM fait valoir que le risque aurait été en l'espèce majoré par la fragilité des racines du nerf sciatique et le surpoids du patient. A supposer que la légère paresthésie L5-S1 constatée dans les suites de l'intervention du 1er juin 2015 ait majoré le risque de lésion du nerf sciatique lors de celle du 8 juin, elle relèverait du même accident médical en lien avec le traitement de la fracture du cotyle. Quant à l'hypothèse d'une fragilisation de l'épiphyse fémorale du fait du surpoids, elle a été écartée par l'expert en l'absence de douleur de hanche avant l'accident. Par suite, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'atteinte du nerf sciatique présente un caractère d'anormalité ouvrant droit à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

En ce qui concerne les préjudices de M. D... :

8. Le déficit fonctionnel permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément et l'assistance par une tierce personne après consolidation ont été indemnisés par l'assureur de la victime au titre de la garantie des accidents de la vie souscrite par Mme D.... La demande présentée dans le cadre du présent litige se rapporte à des préjudices distincts.

9. L'expert a retenu un besoin d'assistance avant consolidation de 2 heures à partir

du 18 décembre 2015, soit durant 349 jours jusqu'au 30 novembre 2016, qu'il y a lieu d'évaluer

à 10 500 euros sur la base du salaire minimum augmenté des charges sociales et d'une majoration au titre des congés et des jours fériés. Il résulte de l'instruction que Mme D... n'a pas perçu de prestation de compensation du handicap au bénéfice de son fils mineur, mais seulement l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour un montant total de 9 413 euros. Par suite, il y lieu de faire droit à la demande de 1 087 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne.

10. Il résulte de l'instruction que le jeune A... D..., qui était en classe de sixième au moment de l'accident, a perdu une année scolaire en 2015-2016 du fait de la parésie du nerf sciatique. Il y a lieu de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme demandée

de 7 000 euros. L'aménagement consenti en 2016-2017 dans un collège privé ayant simplement consisté à consacrer une salle en rez-de-chaussée à la classe de Brice, l'impossibilité d'une scolarisation dans le secteur public n'est pas démontrée, de sorte que la demande relative à la redevance scolaire doit être rejetée. En revanche, il y a lieu d'admettre la somme de 288 euros correspondant à des cours de remise à niveau dont l'élève avait nécessairement besoin du fait du retard scolaire imputable à l'accident médical.

11. L'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire en lien avec l'accident médical de 100 % du 1er septembre au 17 décembre 2015, puis de classe III, soit 50 %, du

18 décembre 2015 à la veille de la consolidation fixée au 1er décembre 2016. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son indemnisation à la somme de 4 700 euros sur la base de 500 euros par mois de déficit fonctionnel total.

12. Le préjudice esthétique temporaire en lien avec l'atteinte du nerf sciatique, évalué

à 2 sur 7, ne correspond ni à la traction de la jambe rendue nécessaire par le traitement de la fracture, ni aux nombreux pansements, mais seulement au port d'une orthèse et au déplacement en fauteuil roulant, puis avec deux cannes anglaises lors du retour à l'école en septembre 2016. Il y a lieu de fixer l'indemnisation de ce préjudice à 2 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices de Mme D... :

13. Les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point 4 ne prévoient d'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit. Elles excluent, lorsque la victime n'est pas décédée, l'indemnisation des victimes " par ricochet ". Par suite, la demande relative aux préjudices de Mme D... doit être rejetée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 6 décembre 2019 doit être annulé et que l'ONIAM doit être condamné à verser une indemnité de 15 075 euros à M. D....

Sur les frais d'expertise :

15. Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés, liquidés et taxés à la somme de 1 635,56 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de la Martinique du 17 juillet 2017, doivent être mis à la charge de l'ONIAM.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter la demande présentée par le CHU de Martinique au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 1800516

du 6 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser une indemnité de 15 075 euros à M. D....

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés, liquidés et taxés à la somme de 1 635,56 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.

Article 4 : L'ONIAM versera à M. D... et Mme D... une somme globale

de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et Mme C... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Martinique et à la caisse générale de sécurité sociale de Martinique.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00381
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : FABRE et ASSOCIEES, SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-09;20bx00381 ?
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