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07/06/2022 | FRANCE | N°21BX04703

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 07 juin 2022, 21BX04703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104832 du 3 décembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 28 décembre 2021 et des mémoires enregistrés les 24 janvier 2022, 11 mars 2022 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104832 du 3 décembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2021 et des mémoires enregistrés les 24 janvier 2022, 11 mars 2022 et 29 mars 2022, M. D..., représenté par Me Landete demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 1er septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète de la Gironde de lui délivrer dans un délai de 8 jours à compter de l'arrêt une autorisation de séjour provisoire " parent accompagnant " ou subsidiairement de réexaminer sa demande dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de 1'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que 1'état de santé de son enfant justifiait la délivrance d'une autorisation de séjour et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il bénéficiait d'une autorisation provisoire de séjour accordée le 12 juillet 2021 valable jusqu'au 11 janvier 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2022 à 12 heures.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 3 février 2022 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- et les observations de Me Landete, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né en 1980, de nationalité géorgienne, est entré en France le 25 avril 2018. Il a formulé une demande d'asile le 29 mai 2018 qui a été rejetée par décision de 1'Office français de protection des réfugiés et apatride du 28 février 2019, confirmée par décision du 13 juin 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. Il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade le 29 juillet 2020 valable jusqu'au 3 juillet 2021. Le 4 mai 2021, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er septembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 3 décembre 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de 1'article L. 425-10 du même code " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".

3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

4. Dans son avis du 10 août 2021, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé du fils du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler à M. D... le titre de séjour sollicité en raison de l'état de santé de son enfant, la préfète de la Gironde s'est notamment fondée sur l'avis précité. Le requérant qui lève le secret médical produit de nombreux documents médicaux et notamment des attestations contemporaines de l'arrêté attaqué, telles que celle du service de chirurgie enfantile du CHU de Bordeaux en date du 25 octobre 2021 selon laquelle l'enfant a bénéficié peu de temps après l'arrêté attaqué d'une chirurgie de scoliose à l'aide de tige de croissance nécessitant une surveillance radioclinique dans un centre spécialisé jusqu'à la fin de sa croissance, document révélant la gravité de son problème dorsal à la date de l'arrêté attaqué et alors, d'ailleurs, que l'enfant a une atteinte neurologique le rendant para-parétique. Le requérant produit aussi une attestation en date du 6 octobre 2021 d'une neuropédiatre de l'institut d'éducation motrice d'Eysines selon laquelle l'enfant présente une malformation sévère de la moelle épinière responsable d'une diplégie, des troubles vésicosphinctériens, une incontinence fécale sévère, des complications neuro-orthopédiques à type de rétractions musculaires sévères des membres inférieurs et une scoliose neurologique évolutive d'indication chirurgicale, tableau clinique sévère et complexe qui nécessite une prise en charge multidisciplinaire sanitaire et médico-sociale et notamment un suivi neuro-orthopédique avec kinésithérapie pluri-hebdomadaire, une chirurgie de la scoliose, des hétéro sondages quotidiens de la sphère vésicosphinctériene, des injections de toxine botulique intravésicale et un traitement de la constipation par technique spécifique d'irrigation transanale. Compte tenu de ses éléments et alors que l'enfant âgé de seulement 9 ans est en pleine croissance, la situation de celui-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, notamment psychiques et motrices. Le requérant produit également une attestation en date du 27 décembre 2021 d'une clinique universitaire de Tbilissi (Géorgie) selon laquelle l'enfant est atteint d'une pathologie innée, complexe, rare et combinée du développement du système nerveux -du " Spina Bifida " -Q 05 et du syndrome d'Arnold Chiari - Q 07.0 qui nécessitent une intervention complexe et pluridisciplinaire impliquant des dépenses qui ne sont pas couverts par le programme de l'État " Habilitation/réhabilitation des enfants " mis en place en Géorgie, ledit programme ne couvrant pas non plus les frais des médicaments, l'entretien des reins et de la vessie ainsi que les troubles gastro-intestinaux. La préfète de la Gironde n'apporte, pour sa part, aucun élément de nature à démontrer que la pathologie de l'enfant peut être prise en charge en Géorgie. Par suite, la préfète de la Gironde a méconnu les dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant au requérant le renouvellement du titre de séjour qu'il sollicitait sur ce fondement. Par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi la concernant est privée de base légale.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

7. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Gironde de délivrer M. D..., à en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, l'autorisation provisoire de séjour mentionnée à l 'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour une durée de six mois dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. D... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. En outre, l'avocat de M. D... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2104832 du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 1er septembre 2021 de la préfète de la Gironde est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour en qualité " d'accompagnant d'enfant malade ", pour une durée de six mois, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

Nicolas C... La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Marie Marchives La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX04703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04703
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LANDETE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-07;21bx04703 ?
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