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07/06/2022 | FRANCE | N°19BX01292

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 07 juin 2022, 19BX01292


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GPM Immobilier a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013.

Par un jugement n° 1601813 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé la société GPM Immobilier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2011

au 31 mars 2013 pour un montant de 151 278 euros et a mis à la charge de l'Etat la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GPM Immobilier a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013.

Par un jugement n° 1601813 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé la société GPM Immobilier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 pour un montant de 151 278 euros et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par un recours et des mémoires, présentés les 4 avril 2019, 18 mai 2020 et 29 décembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601813 du tribunal administratif de Poitiers du 21 décembre 2018 ;

2°) de rétablir la société GPM Immobilier à raison des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, en droits et pénalités, au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013.

Il soutient que :

- l'application de l'article 268 du code général des impôts qui prévoit que la cession d'un bien immobilier est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge lorsqu'il n'a pas ouvert droit à déduction lors de son acquisition initiale, implique que le bien revendu soit identique au bien dont l'acquisition n'a pas ouvert droit à déduction ;

- l'esprit du dispositif tel qu'il est issu de la transposition de la directive européenne relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, commande l'existence d'une telle condition d'identité juridique ; tel est le cas de terrains à bâtir précédemment acquis comme terrains n'ayant pas le caractère d'immeubles bâtis ou d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans acquis précédemment en l'état d'immeuble déjà bâti ; en revanche, ni l'achat d'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans puis la revente du seul terrain d'assiette après destruction de l'immeuble ni l'opération consistant en la vente, après division parcellaire, d'un terrain à bâtir qui avait été initialement acquis comme terrain d'assiette d'un immeuble bâti et, comme tel, assimilé à ce dernier ne peuvent bénéficier de ce régime ;

- en l'espèce, la revente de terrains à bâtir issus de la démolition de l'immeuble et de la division parcellaire intervenue entre l'acquisition initiale et la cession, a entraîné un changement de qualification juridique des terrains.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mai 2019 et 17 août 2020, la société GPM Immobilier, représentée par Me Echard, conclut, à titre principal, au rejet du recours et, à titre subsidiaire, au sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne ait apporté une réponse à la question préjudicielle suivante : " l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 doit-il être interprété comme excluant l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons de terrains à bâtir lorsque ces terrains, acquis non bâtis, sont devenus entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir ' ". Elle conclut, en outre, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés et qu'au demeurant, l'interprétation de l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 soulève une question qu'il convient de poser, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l'Union européenne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société GPM Immobilier, qui exerce une activité de lotisseur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de la TVA sur la marge appliquée sur les ventes intervenues entre le 6 mai 2011 et le 17 avril 2012 de sept terrains à bâtir résultant de la division d'une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l'acquisition, une maison d'habitation qui a été démolie. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a déchargé la société GPM Immobilier des rappels de TVA et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie sur la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 pour un montant total de 151 278 euros.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la TVA. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. Toutefois, l'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA dispose que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la TVA qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur revendeur.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier acquis sans droit à déduction de la TVA par la société GPM Immobilier le 28 janvier 2011 sur le territoire de la commune de Châtelaillon-Plage était constitué, sur la parcelle cadastrée AH 173, d'une maison à usage d'habitation et d'un terrain. Cet ensemble immobilier avait donc, au moment de son acquisition par la société requérante, la qualité de terrain bâti et non de terrain à bâtir. Postérieurement à cette acquisition, la maison a été détruite et la parcelle AH 173 a été divisée en sept nouvelles parcelles, toutes cédées comme terrain à bâtir. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 4, dès lors que les parcelles revendues formaient, lors de l'acquisition de l'ensemble immobilier par la société GPM Immobilier, les parties d'un terrain bâti, et quand bien même la société avait dès cette acquisition l'intention de procéder à une opération de division et y avait été autorisée par arrêté municipal du 2 mars 2010, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la revente de ces parcelles pouvait être placée, au titre de la TVA dont la société était redevable, sous le régime de la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts.

6. D'autre part, en réponse à une question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 416727 du 25 juin 2020, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans un arrêt C-299/20 du 30 septembre 2021, rendu dans le cadre du régime de TVA immobilière applicable avant le 11 mars 2010, mais également applicable au régime actuel, est venue confirmer que l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des livraisons de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, notamment par l'effet d'une division parcellaire, des terrains à bâtir. Une ordonnance n° C-191/21 de cette même Cour en date du 10 février 2022, en réponse à une question préjudicielle posée par la cour administrative d'appel de Lyon le 25 mars 2021 concernant les terrains acquis bâtis, réitère cette solution. Dès lors, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la CJUE ait apporté une réponse à la question préjudicielle tenant à l'interprétation de l'article 392, ainsi que le sollicite, à titre subsidiaire, la société GPM Immobilier.

7. Au titre de l'effet dévolutif de l'appel, la société GPM Immobilier n'a soulevé ni devant le tribunal administratif ni devant la cour, aucun autre moyen.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la demande de la société GPM Immobilier. Il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de remettre à la charge de cette société les rappels de TVA mis à sa charge au titre des ventes concernées ainsi que les pénalités correspondantes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société GPM Immobilier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601813 du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été assignés à la société GPM Immobilier au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 sont remis à sa charge pour un montant total, en droits et pénalités, de 151 278 euros.

Article 3 : Les conclusions de la société GPM Immobilier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL GPM Immobilier.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX012922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01292
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ECHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-07;19bx01292 ?
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