Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, lui a fait interdiction de retour pendant un an et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2000554 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 29 juin 2020 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'avocat de M. A... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2021, sous le n° 21BX04379, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de la Guadeloupe
Il soutient que :
- M. A..., qui déclare être entré en France en 2004, a demandé en 2019 la régularisation de son séjour en qualité de salarié ;
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté du 29 juin 2020 aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, lequel n'avait pas informé le préfet de la naissance d'un enfant né le 20 décembre 2019, dont le certificat de nationalité française est de surcroît postérieur à la décision attaquée, comme l'ensemble des démarches du père pour faire reconnaître cette nationalité ;
-les pièces que M. A... verse au dossier ne suffisent au demeurant pas à établir la réalité de sa participation, à proportion de ses ressources, à l'entretien et l'éducation de sa fille depuis la naissance de celle-ci, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L.423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La vie maritale avec la mère n'a commencé qu'en août 2020 et la stabilité de la relation n'est pas justifiée ;
- pour l'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait qu'il ait constitué sa cellule familiale sur le territoire national et qu'il travaille sans autorisation préalable à l'embauche n'est pas suffisant pour justifier de son insertion dans la société française
Par mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Navin, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête du préfet ne sont pas fondés, qu'il a informé le préfet de la naissance de son enfant française dès sa convocation en janvier 2020, qu'il a justifié résider en France depuis plus de dix ans et contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Il réitère les moyens soulevés devant le tribunal administratif.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien, a déclaré être entré en France en 2004. Il a sollicité le 24 juin 2019 un titre de séjour en qualité de salarié. La direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi ayant rendu un avis défavorable le 6 novembre 2019 aux motifs que le contrat était conclu pour un chantier et que le salaire proposé pour un emploi de maçon était inférieur au SMIC et a fortiori à la convention collective du BTP applicable, le préfet de la Guadeloupe a, par un arrêté du 29 juin 2020, refusé la délivrance du titre de séjour et fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, lui a fait interdiction de retour pendant un an et l'a assigné à résidence. Par un jugement du 30 septembre 2021, le tribunal administratif a annulé cet arrêté. Le préfet relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté :
2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guadeloupe, le tribunal administratif a retenu que M. A... est père d'une enfant française née le 20 décembre 2019 et que dès lors que le préfet a examiné d'office si le demandeur pouvait se voir délivrer un autre titre que celui demandé, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était opérant, et en l'espèce fondé.
3. Aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...): 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. "
4. Le préfet ne peut utilement faire valoir que le demandeur ayant mentionné qu'il était célibataire et que son fils et son frère résidaient en Haïti, il ne saurait lui être reproché un défaut d'examen de la situation familiale de l'intéressé, qui n'avait pas porté à sa connaissance l'existence de sa compagne et de sa fille, dès lors que ce motif n'a pas été retenu par le tribunal. Il ne peut davantage soutenir que les démarches de M. A... pour faire reconnaître la nationalité française de sa fille seraient postérieures à l'arrêté attaqué, ce qui est inexact au regard de la délivrance d'une carte d'identité au nom de C... A... le 6 février 2020, et en tout état de cause sans incidence, dès lors que la mère de la jeune C... est française et qu'en application de l'article 19-3 du code civil, sa fille l'est nécessairement, la délivrance d'un document d'identité étant dans ce cas purement recognitive d'une nationalité acquise dès la naissance.
5. Si le préfet fait aussi valoir que M. A... ne démontrerait pas pourvoir à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance, il ressort des pièces du dossier que M. A... a reconnu l'enfant le 26 septembre 2019 avant sa naissance, et que la mère atteste sa contribution à son entretien. Les photographies produites démontrent qu'il était présent à la naissance. Il produit également diverses factures de produits pour bébé dès le mois de janvier 2020. Dans ces conditions, la circonstance que la vie commune n'ait commencé qu'en août 2020 n'est pas de nature à faire douter qu'à la date de la décision attaquée, M. A... remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit une carte de séjour en qualité de père d'une enfant française, quand bien même il n'est pas démontré, autrement que par la remise d'une nouvelle convocation pour juillet 2020, qu'il aurait fait connaître le changement de sa situation à l'occasion de sa convocation en préfecture en janvier 2020.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 29 juin 2020 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de deux mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'astreinte présentée par M. A....
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à l'avocat de M. A... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Navin une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Navin. Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2022
La présidente-assesseure,
Anne Meyer
La présidente, rapporteure,
Catherine D...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04379